José Rodrigues Dos Santos : « L’humanité va s’éteindre, mais quelque chose de nouveau va prendre sa place »
Lu dans le monde entier avec ses thrillers mettant en scène le personnage de Tomás Noronha, José Rodrigues Dos Santos est un formidable vulgarisateur de connaissances à chaque fois qu’il aborde un nouveau thème tel que la physique quantique, Dieu, la vie extraterrestre ou, plus récemment avec son dernier roman Immortel, l’intelligence artificielle. Mais il est bien plus qu’un romancier : il est aussi journaliste, présentateur vedette du principal journal télévisé du Portugal, professeur, et ancien reporter de guerre… Vivre au Lycée est allé à sa rencontre. Combien de vies vivez-vous en même temps ? Et plus sérieusement, comment faites-vous pour vous organiser afin de tout faire ? Vos conseils peuvent être précieux pour nos lecteurs sur ce point 😉! Quand on aime faire quelque chose, on trouve toujours le temps. Voilà le secret. Pour moi, l’écriture est un pur plaisir. J’espère que ça l’est aussi pour tous ceux qui me lisent. D’où vous vient cette insatiable curiosité ? Cette envie d’apprendre mais aussi de transmettre, à travers vos romans qui vulgarisent des sujets parfois complexes, et que vous arrivez à rendre très accessibles ? Je m’intéresse aux mystères de la vie. Beaucoup d’écrivains écrivent des romans sur des choses totalement imaginaires, mais pourquoi inventer des mystères quand la vie réelle en est pleine ? Qu’est-ce que la science a découvert sur Dieu ? Pour répondre à cette question, j’ai écrit La formule de Dieu. Que se passe-t-il quand on meurt ? Pour répondre à cette question, j’ai écrit La Clé de Salomon. Est-il possible pour les êtres humains de vivre éternellement ? Ce mystère est abordé dans Immortel. Qui n’est pas curieux de connaître les réponses à ces questions ? En s’intéressant à celles-ci à travers des romans, apprendre est beaucoup plus agréable. Immortel parle des manipulations génétiques visant la création d’un surhomme, du développement de l’intelligence artificielle vers une IA Globale, ou super-intelligence artificielle, avec des perspectives telles que la fin de la mort de l’esprit humain, mais aussi la perte de contrôle des machines par les humains. C’est quelque part assez terrifiant. Pourtant, on comprend à vous lire que rien ne semble en mesure de s’opposer à cet horizon… La boîte de Pandore a été ouverte et elle ne se refermera pas. De grands changements sont à venir et je crois que l’humanité telle que nous la connaissons va bientôt disparaître. Mais quelque chose la remplacera. Est-ce terrifiant ? L’extinction de l’australopithèque a certainement été un événement terrifiant pour lui-même, mais sans cet événement, homo sapiens ne serait pas apparu. L’humanité telle que nous la connaissons est en train de s’éteindre, mais quelque chose de nouveau va prendre sa place. C’est ce qu’explique Immortel. Immortel nous fait retrouver avec plaisir le personnage de Tomás Noronha, qui a déjà vécu des aventures extraordinaires dans vos précédents romans. Peut-on dire de lui qu’il a des traits de caractère en commun avec Indiana Jones, Sherlock Holmes ou encore James Bond, à ceci près qu’il ne se sert jamais d’armes à feu, mais seulement de son esprit, de ses grandes connaissances et de sa réflexion ? Tomás Noronha est un antihéros. C’est un professeur d’université qui se retrouve impliqué dans des aventures rock-and-roll qui le ramènent à différents mystères de la vie. Peut-être Indiana Jones est-il le personnage qui ressemble le plus à Tomás, bien qu’il soit plus cérébral que celui-ci. Ou peut-être que Thomas est Tintin ! Le partenaire de Tomás Noronha dans Immortel s’appelle Kurt Weilmann. C’est un clin d’œil à Ray Kurzweil, génie et prospectiviste américain qui aurait déclaré il y a quelques années que « le premier être humain qui vivra 1 000 ans est déjà né ». Etes-vous d’accord avec cette affirmation ? Bien sûr que oui ! Kurt Weilmann est inspiré par Ray Kurzweil, l’homme qui prédit l’avenir. Homo Sapiens, tel qu’il est, est trop fragile pour voyager dans l’espace, mais pensez-vous qu’un jour sa conscience dématérialisée pourrait le faire, et que cela serait la solution pour les êtres humains (qui dès lors ne le seraient plus tout à fait) pour naviguer vers les étoiles ? C’est ce dont parlent Kurzweil et d’autres scientifiques à propos de la Singularité technologique, un événement qui changera fondamentalement l’humanité. L’invention de l’écriture, par exemple, était une singularité. Celle dont nous parlons est le moment où les machines prendront le dessus sur notre société. Impossible de prévoir ce qui va se passer à partir de là. De la même manière qu’un nomade préhistorique serait absolument incapable de prédire que l’invention de l’écriture permettrait l’invention des ordinateurs, nous sommes absolument incapables de prédire ce qui se passera après la singularité. Allons-nous dématérialiser la conscience ? Peut-être. Ou peut-être que nous ferons des choses encore plus incroyables que cela. Du coup, l’humanité telle que nous la connaissons est-elle à votre avis sur le point de disparaître ? Oui, elle va être victime d’une extinction ou, si vous préférez, d’un changement radical. Lorsque nous nous mettons des lunettes devant les yeux, des prothèses dans les jambes et des implants dentaires en titane dans la bouche, nous devenons des cyborgs. Pour l’instant, l’introduction de la technologie dans notre corps est encore marginale, mais que se passera-t-il lorsque 99 % de notre corps sera artificiel ? Et si cette technologie n’était pas un robot ou une machine, mais l’Internet lui-même ? C’est ce dont nous parle Immortel. Quiconque veut connaître l’avenir n’a qu’à le lire 😊 ! Dans Immortel, le point de départ de l’intrigue se situe en Chine. On peut voir que la société entièrement contrôlée par l’Etat n’est plus une dystopie, mais une réalité dans ce pays, avec la surveillance généralisée des individus et l’attribution de « bons points » avec le système de crédit social. Cet horizon pourrait-il un jour concerner toutes les sociétés de la planète ? C’est une possibilité. Aujourd’hui, nous sommes tous sous la surveillance de pouvoirs non élus et non contrôlés. Comment est-il possible que Twitter et Facebook aient le pouvoir de décider de ce qui peut et ne peut pas être dit, et de couper la parole aux présidents de certains Etats ? Lorsque ce genre de choses arrive, on se rend compte que la tendance que vous évoquez est déjà bien avancée. Furie divine, un de vos précédents romans, est terriblement haletant et immersif. Il nous plonge littéralement dans la tête d’un djihadiste. Sans le juger, vous placez le lecteur en spectateur intime de l’éclosion d’un esprit religieux violent, qui aurait tout à fait pu rester pacifique, mais qui bascule dans la radicalité. On est loin des explications simplistes que l’on peut entendre dans les médias… Le djihadisme est une idéologie qui émerge de la lecture littérale du Coran et des hadiths, les chroniques et des paroles de la vie de Mahomet. Cette idéologie est mal comprise en Occident, qui a tendance à chercher des explications plus simples et plus faciles, mais avec le risque de se tromper. Avec Furie divine, j’ai essayé d’expliquer l’idéologie et de montrer que le problème est beaucoup plus profond que ce que nous imaginons. Si nous ne le comprenons pas, nous ne pourrons jamais résoudre ce problème. Vous dites souvent que vos romans sont des « gagne-temps » plutôt que des « passe-temps ». Pouvez-vous nous en dire plus ? Un roman passe-temps est un roman agréable, mais dont on n’apprend rien. Il ne sert qu’à faire passer le temps. J’essaie de faire des romans « gagne-temps », c’est-à-dire des romans qui sont divertissants, et donc de bons passe-temps, mais qui nous font réfléchir et expliquent des choses réelles. C’est en cela qu’ils sont des « gagne-temps ». On perd son temps à lire un livre superficiel, on en gagne avec celui qui nous enrichit tout en étant divertissant et agréable. Y a-t-il un événement durant votre scolarité qui a été décisif pour votre orientation scolaire et vos études ? Lorsque j’étais au lycée, j’ai passé un test de psychologie appliquée pour déterminer mes vocations professionnelles. Au Portugal, beaucoup de gens passent ces tests, et avec de bons résultats. Si nous voulons nous préparer à exercer une profession, nous devons en trouver une pour laquelle nous avons du talent et que nous aurons plaisir à exercer. Quelles études avez-vous faites ? J’ai étudié les sciences de la communication pour pratiquer le journalisme. Avez-vous une citation fétiche, ou un leitmotiv à tout faire que vous vous remémorez régulièrement? « Écrire, c’est l’art de couper des mots », a dit le poète brésilien Carlos Drummond de Andrade. Ou peut-être cette phrase de Jean Cocteau : « Le style est une façon très simple de dire des choses compliquées ». C’est une belle phrase. Pas un texte ennuyeux où les mots sont utilisés pour les mots dans un simple exercice rhétorique, mais un texte dynamique qui retient notre attention et dans lequel les choses sont vraiment racontées. Propos recueillis par Fabien Cluzel La rédaction de Vivre au Lycée a dévoré le précédent roman de JR Dos Santos, Signe de vie. Le pitch : des radiotélescopes ont capté un signal inhabituel venu de l’espace sur la fréquence 1,42 GHz. Or, non seulement ce signal provient de la constellation du Sagittaire, d’où un précédent signal a été émis 40 ans plus tôt, mais il s’exprime dans le spectre radio de l’atome d’hydrogène, que les humains ont eux aussi utilisé pour envoyer des messages dans l’espace… Sur Terre, la NASA, l’Agence spatiale européenne et la CNSA en Chine, préparent une mission internationale pour découvrir l’origine de ce signal. Or, on découvre que celui-ci est émis par un objet qui se dirige très rapidement vers notre planète…. Tomás Norhona, cryptanalyste réputé, va rejoindre l’équipe des astronautes qui seront à bord de la navette Atlantis, chargée d’approcher cet objet extra-terrestre pour de tenter de communiquer avec lui. La vie : hasard ou impératif cosmique ? Comme d’habitude dans les romans de JR Dos Santos, le scénario est un prétexte pour nous apprendre plein de choses : des dialogues (un peu longs) nous éclairent sur la chimie et l’apparition de la vie, la problématique de la communication avec d’éventuels extra-terrestres… Et de nombreuses questions nous font lever les yeux du livre au fil de la lecture : la vie est-elle un hasard ? A-telle pu se développer ailleurs ? Quelle rôle jouent les mathématiques dans notre univers ? Et si « tout » avait déjà prévu dès les premiers instants de l’univers ? Un roman « gagne-temps », et surtout un pur régal ! J.R. Dos Santos, HC Éditions, 698 pages, 22 euros.
« Le premier être humain qui vivra 1 000 ans est déjà né »
« Que se passera-t-il lorsque 99 % de notre corps sera artificiel ? »
Des romans « gagne-temps » plutôt que passe-temps
Signe de vie, le space-thriller à lire absolument !
J.-R. Dos Santos dans la bibli