Gladiator II est-il fidèle à l’histoire ?
Succès du moment, sortie événement de cette fin d’année, Gladiator II, de Ridley Scott, raconte l’histoire du fils de Maximus (le héros du premier volet). Un film qui se déroule en l’an 211 après J.-C., à Rome, à l’époque où les empereurs offraient au peuple de sanglants spectacles de gladiateurs. Un film qui prend aussi de grandes libertés avec l’Histoire.
Déjà vivement critiqué à cause de son récent Napoléon, Ridley Scott a récidivé avec Gladiator II qui fait preuve d’une grande souplesse quand il s’agit de raconter l’histoire des gladiateurs telle qu’elle s’est vraiment déroulée. On fait le point…
Une histoire de pouces
Dans Gladiator II, tout comme dans Gladiator et plus globalement dans tous les films du genre sortis depuis longtemps, les empereurs lèvent ou baissent le pouce à la fin des combats de gladiateurs afin de décider de la vie ou de la mort des perdants. Un détail qui n’en est pas vraiment un, qui trouve son origine dans le tableau Pollice verso, du peintre français Jean-Léon Gérôme (1872). Peintre qui a mal traduit un texte historique. « Pollice verso » n’ayant rien à voir avec le pouce. On parle en effet ici plutôt d’une main. Main que les empereurs levaient en direction des gladiateurs pour demander la mort. Ok, la différence ne semble ici pas énorme. Pourtant, cette simple erreur a inspiré le film Quo Vadis, de Mervyn LeRoy (1951), soit l’un des premiers et des plus célèbres péplums de l’Histoire. Péplum qui par la suite, a inspiré à son tour tous les autres, jusqu’à Gladiator et Gladiator II. Mais que faisaient donc les empereurs s’ils ne levaient pas le pouce ? Pas grand chose si ce n’est sonder le public. Ce dernier pouvait alors crier pour exiger la mort des gladiateurs ou simplement agiter un mouchoirs blanc pour demander qu’on les épargne.
Des tenues pas vraiment fidèles à la réalité
Les historiens sont globalement d’accord pour affirmer que les uniformes des gladiateurs dans Gladiator II n’ont rien à voir avec ceux que portaient jadis les véritables gladiateurs. Dans le film où les gladiateurs, à commencer par le héros incarné par Paul Mescal, ne portent pas souvent de casques alors qu’en réalité, le casque était incontournable. Autre détail plutôt amusant : dans le film, les gladiateurs tiennent leur arme de la main droite. Un détail ? Pas vraiment quand on sait que les authentiques gladiateurs tenaient leur glaive de la main gauche. Gladiateurs qui ne tenaient qu’un rôle dans les combats, alors que dans le film, Paul Mescal sait absolument tout faire.
La violence
Quand on lui met un film de gladiateur devant les yeux, le public veut de la violence. Qui dit gladiateur, dit bain de sang. Ridley Scott ayant accentué la chose dans Gladiator II pour justement répondre à cette exigence. Or, en 211, soit l’époque où se déroule le film, les gladiateurs n’étaient que très rarement sacrifiés dans l’arène. Les historiens estiment qu’environ 10 à 15 % d’entre-eux mourraient au combat. Pourquoi ? Car si avant, le Colisée et les autres arènes étaient bel et bien le théâtre de spectacles vraiment gore, en 211, les propriétaires de gladiateurs estimaient que l’entraînement et l’entretien des guerriers coûtaient trop cher pour qu’on se permette de les sacrifier.
Pour résumer, oui, les premiers combats de gladiateurs étaient extrêmement violents mais par la suite, à l’époque où se déroule Gladiator II, les combats étaient beaucoup plus « soft ».
Les batailles navales
Incroyable mais vrai, le Colisée de Rome a bel et bien accueilli des batailles navales. On remplissait donc l’arène d’eau et on amenait des bateaux pour reproduire des batailles navales célèbres. On appelait d’ailleurs ça des naumachies. En revanche, encore une fois, en 211, soit l’époque où se déroule le film, le Colisée n’était plus du tout apte à retenir de l’eau. En effet, les naumachies y étaient organisées quand les sous-sol n’étaient pas encore creusés. Quand on emménagea l’arène, on cessa aussi d’organiser de tels spectacles. Or, on voit clairement que dans le film, le Colisée comporte des sous-sols. Pourtant, à un moment, les gladiateurs combattent sur l’eau. Et en plus, il y a des requins !
Des requins qui ont déclenché de vives critiques de la part des spectateurs. Et pour cause, car a priori, aucun requin (ni aucun poisson d’aucune sorte) n’a jamais mis les nageoires dans le Colisée. Alors pourquoi Ridley Scott a-t-il tenu à les inviter à la fête ? Comme il l’a expliqué lors d’une interview, pour lui, à partir du moment où de l’eau de mer pouvait remplir le Colisée, il était techniquement possible de pêcher deux ou trois requins pour ensuite les plonger dans l’arène… Certes…
Ridley Scott a aussi un peu extrapolé concernant les singes et le rhinocéros que l’on peut voir dans le film. Une façon pour lui de pousser un peu pus loin les curseurs car c’est bien connu, une suite doit être plus spectaculaire et plus surprenante. Vu qu’il y avait déjà des lions et des tigres dans le premier Gladiator, il était nécessaire de proposer autre chose. Sinon, rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que les Romains mettaient en scène des babouins et des rhinocéros lors des spectacles de gladiateurs. Les guerriers combattaient en revanche régulièrement des lions, des tigres, et même des éléphants et des crocodiles. Alors au fond, pourquoi pas… Reste que les babouins du films ressemblent quand même un peu à des monstres mutants.
Les journaux
On peut voir dans Gladiator II Denzel Washington lire un journal tranquillement installé, une tasse de café à la main. Or, la presse à imprimer n’a été inventée qu’en 1440… À l’époque, les Romains lisaient sur la pierre ou le métal et non sur du papier. Ce qui rendait la lecture beaucoup moins pratique. Pour ce qui est du café, non les Romains n’en buvaient pas. Les historiens expliquent qu’à Rome on dégustait plutôt une boisson préparée avec de l’eau chaude et du vin.
Un singe premier consul
Dans Gladiator II, l’empereur Caracalla nomme son petit singe Dundus premier consul. Un détail inventé. Pour autant, si un singe n’a jamais été premier consul de Rome, l’empereur Caligula a bel et bien essayé de faire de son cheval Invitatus un authentique consul.
Geta et Caracalla
Les empereurs de Gladiator II n’ont en réalité jamais gouverné ensemble. Si leur père avait prévu cette éventualité, la rivalité entre les deux frères était telle, que Geta assassina Caracalla et gouverna seul. Cruel, ce dernier a d’ailleurs fini tué par un soldat. Dans le film, sans spoiler quoi que ce soit, ce n’est absolument pas le cas. Encore une fois, le scénario a remixé l’histoire à sa sauce.
Ajoutons que Macrin, le personnage joué par Denzel Washington, n’a jamais été propriétaire d’esclaves. Successeur de Caracalla au poste d’empereur, il n’a pas non plus subi le sort qu’est le sien dans le long métrage. Et Lucius ? Si Maximus n’a jamais existé, Lucius, oui. Il s’agissait bien du petit-fils de Marc Aurèle, du neveu de Commode et du fils de Lucilla mais il n’a jamais été gladiateur mais plutôt consul et homme politique. Il est de plus décédé à l’époque où se déroule Gladiator II. Quant à sa mère Lucilla, elle était morte depuis une bonne vingtaine d’années en 211.
Morale de l’histoire : si vous devez préparer un devoir sur l’histoire de Rome, ne vous fiez pas à Gladiator II…
Crédit photo : Paramount Pictures