Outils traditionnels et digitaux : une combinaison gagnante
Au lycée Prony, dans l'académie de Versailles, on enseigne la menuiserie, l'ébénisterie ou encore l'architecture en alliant pratiques traditionnelles et outils numériques de pointe. Le plus ? Offrir aux élèves du concret et du créatif dès le début de leur formation.
L'an passé, les élèves du bac pro « Technicien menuisier agenceur » (TMA) du lycée Prony, établissement situé à Asnières-sur-Seine spécialisé dans les métiers du bois, de l'ébénisterie et de l'architecture mais aussi dans le tertiaire, se sont prêtés à une fabrication originale : une cabine acoustique et connectée School-Box, à l'intérieur de laquelle les utilisateurs peuvent trouver de l'informatique et des logiciels pour travailler dans un environnement protégé.Un vrai proto pour une vraie entreprise
Double avantage de cette expérience, ils ont créé un « vrai » prototype sous la houlette d'une « vraie » entreprise, SBS (Silence business solutions), et utilisé à la fois des machines traditionnelles et des outils numériques de pointe pour la fabriquer. Car dans ce lycée, le numérique est aussi devenu une réalité dans l'apprentissage des métiers d'artisanat d'art depuis la rentrée 2017. Ainsi, les élèves ont pu construire en quelques semaines à peine le prototype de cette box :- en mettant en œuvre des programmes de fabrication numérique, DAO, CAO, FAO (Dessin, Conception et Fabrication assistés par ordinateur) ;
- en utilisant une machine à commandes numériques 5 axes qui permet d'usiner une multitude de matières et de surfaces courbes avec une grande précision sur cinq côtés, en une seule opération et en quelques minutes seulement alors que les machines traditionnelles 3 axes, comme les fraiseuses, ne permettent de travailler que trois directions de base (les axes d'une surface plane) ;
- en utilisant une découpeuse laser qui permet, en enlevant aussi de la matière, de fabriquer très rapidement des maquettes 3D ou encore des éléments de placage d'art...
Des outils mais aussi des pratiques innovantes
Ce n'est pas le seul projet qui a permis ces usages puisque, autre exemple notable, les élèves du bac pro « Agencement de l'espace architectural » ont aussi réalisé ainsi la structure et la scénographie de l'exposition de l'architecte Roberto Baciocchi, « Condizione » visible au printemps dernier à Paris. Mais celui de la School-Box a aussi permis d'introduire la modernité, au-delà des outils, dans des pratiques en s'inspirant de la réalité du monde professionnel, notamment du domaine de l'innovation numérique. Ainsi, pour définir en amont les fonctionnalités de la box, l'établissement a organisé un hackathon, un processus qui consiste à faire travailler des petites équipes de 2 à 4 personnes - dans ce cas des profs, près d'une centaine d'élèves représentatifs de tous les bac pros et des représentants de SBS - pendant une durée courte - ici, une journée - pour favoriser l'émergence d'idées novatrices. C'est d'ailleurs via un hackathon qu'est née la fonction Like de Facebook... Pour autant, pas question de mettre au placard les outils traditionnels tels que les dégauchisseuses et rabots (2), ciseaux à bois (3) ou toupies (4). Dans ce lycée, on les utilise énormément, mais en profitant d'outils numériques qui facilitent et accélèrent énormément la fabrication. Ainsi, les machines à commandes numériques sont très utiles pour réaliser des formes compliquées et longues : elles ont servi par exemple à créer celles dédiées à l'incrustation des leds dans le plafond de la School-Box. (2) Qui permettent de rendre des pièces de bois brut droites et planes.(3) Pour sculpter et creuser le bois.
(4) Utilisées pour faire des moulures.
De même, l'une des deux imprimantes 3D dont les ateliers sont dotés est dédiée à la fabrication d'éléments plus complexes que de simples objets en plastique : elle permet par exemple aux élèves d'architecture d'imprimer très rapidement des petits bâtiments 3D de taille A4 avec des couleurs et textures très différentes. On utilise aussi ici la réalité virtuelle, par exemple pour visualiser les agencements imaginés en cours.
La multiplication des projets
Parce que le premier avantage de ces équipements modernes est de faire gagner du temps, les projets se multiplient. Là où quelques années auparavant on menait un à deux projets sur plusieurs années et avec plusieurs classes, on en projette aujourd'hui trois ou quatre par an, chacun porté par une seule classe. Cette année, les élèves vont s'atteler à la réalisation d'une scénographie pour le théâtre de Nanterre, à la fabrication d'une borne de collecte de fonds pour accompagner des actions sur une commune, d'un établi adaptable à la taille des élèves sur commande du rectorat, d'un poulailler pour une école primaire, ou encore au réaménagement d'un CDI de collège.« Casser les stéréotypes liés sur l'artisanat »
Le gain de temps permet aussi de jouer sur la motivation des élèves, qui peuvent réaliser beaucoup plus vite qu'auparavant un objet fini. Un concret qui « donne ainsi du sens à leur enseignement », résume Stéphane Laine qui voit aussi dans ces outils un bon moyen « de casser des stéréotypes liés à l'artisanat ». La School-Box trône aujourd'hui dans le hall du bahut et profite à tous ceux qui veulent travailler en petits groupes sur des outils numériques. Mais pas seulement. Des profs y tiennent aussi leurs rendez-vous avec les parents et peuvent montrer, sur l'écran derrière eux, les éléments du dossier de l'élève dont ils discutent en direct avec la famille. Quant à SBS, elle souhaite s'inspirer du prototype pour réaliser des box qui seraient dédiées aux web-radios des établissements scolaires. Camille PonsDe l'établi à la découpeuse laser
En plus des outillages traditionnels classiques, ordinateurs ou tableaux interactifs, les 540 élèves du lycée Prony ont accès à :- 1 machine à commandes numériques 5 axes
- 1 scanner 3D
- 2 imprimantes 3D
- 1 découpeuse laser
- 2 paires de lunettes de réalité virtuelle.