Interview EIMA : la seule école de manga de France !
Et si vous deveniez dessinateur de manga ? Les mangakas, comme ils sont appelés au Japon, le pays où les mangas sont nés, sont amenés à raconter des histoires. Non seulement à les dessiner mais aussi à les écrire. Un métier à part entière, auquel prépare l’EIMA, la seule école de manga en France.
Basée à Toulouse, l’EIMA est née sous l’impulsion de passionnés qui aujourd’hui, forment les générations de demain au fil d’un cursus extrêmement complet. Si vous aimez dessiner, que vous êtes doué et vous adorez les mangas, la profession de mangaka est peut-être faite pour vous. Afin d’en savoir plus, nous sommes allés toquer à la porte d’Aédàn Dujardin, le directeur adjoint de l’EIMA.
Comment décririez-vous l’EIMA à ceux qui ne connaissent pas ?
L’École Internationale du Manga et de l’Animation forme aux métiers du manga, de l’illustration et des jeux vidéos. Nous nous donnons pour objectif d’enseigner le manga d’une manière qui amène les gens à devenir des professionnels. Nous sommes actuellement la seule école en France avec des anciens élèves qui sont signés chez des éditeurs. C’est notre cœur de métier. En cela, nous ne choisissons que des professeurs qui ont réussi dans le secteur qu’ils enseignent. Le but est d’offrir à des artistes l’opportunité de vivre de leur travail. 75 % de nos élèves se sont d’ailleurs professionnalisés dans les 12 mois qui ont suivi l’obtention de leur diplôme.
Quelle est la philosophie de l’EIMA ?
Tout d’abord, nous sommes conçus entièrement autour de l’insertion professionnelle de nos élèves. Nous nous définissons ensuite par notre inclusivité. Nous avons en classe des jeunes de différentes origines (Afrique, Belgique, Amérique latine…). De nombreuses cultures sont représentées. Nous mettons un point d’honneur à créer une atmosphère dans laquelle tous les genres sont accueillis et où chacun a sa place. Nous avons l’habitude d’affirmer que le fait que chacun puisse tolérer les autres n’est pas suffisant. L’important est que tout le monde travaille ensemble pour faire de cette école un lieu où s’épanouir autour d’une passion et d’objectifs communs. Nous mettons également l’accent sur la notion d’entraide. Pour résumer, notre philosophie s’articule autour de trois axes :
- Faire en sorte que nos élèves deviennent des professionnels qui vivent de leur passion
- Inclusivité : tout le monde doit pouvoir étudier l’esprit libre et tranquille
- L’entraide : quand nous faisons les stages d’admission, nous disons aux gens qu’il ne faut pas essayer de se faire briller au détriment des autres. Nous créons des petits groupes de travail avec un système de tutorat. Nous mettons également en place une association des anciens élèves pour donner des conseils aux jeunes.
Pouvez-vous nous parler du tronc commun ?
Il est divisé en deux parties. La première année est facultative. Il s’agit d’une remise à niveau avec les fondamentaux (dessin et couleur, etc). Ceux qui possèdent déjà les fondamentaux passent directement en deuxième année. Les élèves sont accueillis avec cet objectif de se remettre complètement à niveau. Les cours d’anglais sont obligatoires sur toute la scolarité. On dispense aussi des cours de japonais.
La deuxième et la troisième année sont marquées par une formation aux fondamentaux de l’illustration et du manga. Plus on est bon en illustration, plus le manga, dans sa qualité technique, sera de meilleure qualité et plus on est bon en manga, plus on est performant en illustration. Il y a un cercle vertueux au niveau pédagogique et professionnel. Il y a beaucoup de jeunes qui rêvent de devenir mangaka mais qui ne se rendent pas compte de ce que cela implique. Il y a donc des alternatives, au niveau de l’illustration notamment.
Le tronc commun résume les fondamentaux des deux sections. Dans chaque matière on retrouve du dessin, du posing, du character design, de l’anatomie, etc. Il y a aussi des cours de manga, de story telling pur, de structure, des cours sur les cadres, la composition, les onomatopées… On propose aussi des cours de culture avec toutes les semaines des conférences sur des sujets comme par exemple la psychologie humaine appliquée au manga. Un archéologue du musée Saint-Raymond de Toulouse est même venu donner une conférence sur Saint Seiya. On essaye de proposer énormément de choses afin que nos futurs mangakas et illustrateurs puissent avoir vraiment du matériel. Car créer un manga implique de nombreux détails. Nous avons cette politique d’essayer de faire en sorte que se construisent des savoirs dans de nombreux domaines. Le tout en gardant à l’esprit, qu’au fond, le manga, c’est du cinéma sur papier.
Le fait de savoir dessiner fait partie des pré-requis. Pour autant, pensez-vous qu’il suffit de savoir dessiner et d’aimer le manga pour devenir dessinateur de manga ?
C’est en effet nécessaire mais ce n’est pas suffisant. Le manga consiste à raconter des histoires en suivant un personnage, tout en tenant compte de son évolution. C’est l’une des différences entre la BD franco-belge et le manga. Dans Tintin par exemple, le héros ne change pas vraiment d’une aventure à une autre. Dans un manga, entre le début et la fin, il se passe des choses qui changent le personnage. Ce que fait le mangaka, c’est de se relier viscéralement et techniquement à cette manière de raconter des histoires. Le mangaka raconte des histoires en dessinant.
Est-ce que vous enseignez l’écriture pure ?
Le propos principal du manga c’est l’histoire. Il y a par exemple au Japon des auteurs très connus qui sont réputés pour leurs histoires mais aussi pour leurs mauvais dessins. C’est d’ailleurs carrément un genre à part entière. La première masterclass, donnée par Nakashima Sensei, notre spécialiste en story-telling, parle d’ailleurs de ce point précis : comment on construit une histoire ?
Cela dit, à l’heure actuelle, quand on veut travailler en France, il faut posséder toutes les armes. Ce qui n’empêche pas à chacun de développer tel ou tel aspect plus qu’un autre, en mettant l’accent sur le dessin ou sur le story-telling
Comment se déroulent les admissions à l’EIMA ?
Les gens nous envoient un book avec un dossier de candidature à télécharger sur notre site. On décide ensuite avant d’en inviter certains à suivre notre stage de sélection de 3 jours à l’école. Les postulants sont accueillis comme des étudiants. Ils suivent des cours et doivent ainsi assimiler avant de restituer. Nous testons leur capacité à intégrer l’information pour ensuite la restituer. Nous nous assurons quant à leur capacité à travailler ensemble et à présenter convenablement leur travail. Ils doivent être en mesure de commencer à raconter des histoires, et connaître certains points techniques relatifs au dessin. Ils doivent aussi être relativement rapides. Nous vérifions aussi leur capacité à résister à la pression. Les métiers du manga sont très exigeants. Dans le manga, une semaine tranquille, c’est 50 heures de travail minimum. Nos élèves arrivent un peu dans une cocotte minute. Les postulants doivent aussi se livrer à un petit entretien. C’est à ce moment-là que nous échangeons et que nous nous rassurons quant à la passion de nos futurs élèves.
Nous accueillons des élèves à partir de 16 ans. Le bac n’est pas obligatoire mais nous encourageons fortement nos élèves à l’obtenir. Il n’y a pas de limite d’âge.
Comment rassurez-vous les parents qui s’inquiéteraient de voir leur enfant nourrir l’ambition de travailler dans le manga ?
Je leur dit que je comprends leur inquiétude. J’insiste sur le fait que nous sommes quoi qu’il en soit de leur côté. Nous soulignons que tout ce que nous faisons à l’EIMA va dans le sens de la professionnalisation. Nous prenons soin de mettre en avant des exemples concrets, tout en leur disant que quand un élève arrive à l’EIMA, il reçoit des cours de mangakas qui ont réussi mais aussi d’éditeurs reconnus comme Dupuis. Durant tout leur temps à l’école, les élèves rencontrent des gens qui plus tard, après la remise des diplômes, seront susceptibles de les signer. C’est une vraie chance pour les élèves car cela leur permet de se faire remarquer très tôt, avant même la fin du cursus.
Tous nos cursus sont conçus en collaboration avec les éditeurs et les studios de production. Ils sont constamment révisés pour être au cœur de ce qui se fait. Nous nous assurons que ce que nous enseignons va toujours dans le sens de cette professionnalisation. Ainsi, plusieurs de nos élèves sont désormais des mangakas publiés.
Claire Pelier, notre fondatrice, était en école de loisir avec une spécialisation dans le manga quand elle a eu l’idée de l’EIMA. Ses élèves voulaient devenir professionnels dans le manga. Elle a donc été dans les salons à Angoulême et ailleurs pour demander aux éditeurs ce qu’elle devait enseigner pour que les diplômés puissent travailler ensuite dans leur domaine. En d’autres termes, nous pouvons dire aux parents : « si vos enfants veulent devenir artistes et si ils veulent faire du manga, c’est à l’EIMA qu’il faut étudier. »
Nous pouvons aussi insister sur le fait que le marché du manga est en croissance exponentielle depuis 10 ans. On n’est pas sur une mode. Depuis 2 ans, les éditeurs ont commencé à se dire qu’il existait des mangas français. Maintenant, tous les éditeurs se mettent à ouvrir des branches de création de mangas français. Le fait est qu’il n’y a pas eu de meilleure période pour devenir mangaka. Dans ce domaine particulier, on est en ce moment dans un véritable âge d’or.
La France est-elle devenue selon vous un pays de manga ?
C’est évident. La France ne se rend d’ailleurs pas compte à quel point elle est devenue un pays de manga. C’est un métier qui bouleverse en profondeur le champs artistique français. C’est quelque chose que les institutions doivent commencer à comprendre. Le fait qu’elles ignorent pour l’instant le manga est d’autant plus étonnant que c’est l’un des secteurs culturels les plus rentables. Les mangas représentent plus de la moitié des ventes de bandes dessinées. Le fait est que la France est en train de devenir un vrai pays de manga. On est le seul pays après le Japon à avoir un tel amour pour cet art. C’est donc un secteur à soutenir, qui doit recevoir de l’aide pour se structurer et apporter encore plus.
Notre projet, c’est d’être l’école du manga français : la rencontre d’une culture et d’une forme artistique. C’est une belle opportunité car nous faisons le travail conscient de faire se rencontrer tout notre héritage culturel et artistique avec cette forme et cette passion si vivante. Nous avons par exemple deux élèves qui ont rapporté un contrat d’édition avec Dupuis, pour un tome portant sur la Résistance à Toulouse. C’est vraiment une opportunité pour les jeunes de s’approprier l’histoire de leur pays.
Pour tout savoir sur l’EIMA et télécharger le dossier d’admission, c’est ici !