Pourquoi cherche-t-on le neutrino ? (2/2)
Dans une première partie, nous avons appris que les scientifiques s’intéressent au rôle des neutrinos et des anti-neutrinos pour expliquer pourquoi la matière a pris le dessus sur l’antimatière au moment de la création de l’Univers. Dans cette seconde partie, nous allons nous intéresser aux expériences les plus célèbres qui partent à la recherche de ces mystérieux neutrinos.
Super-Kamiokande, le super-détecteur
Plusieurs expériences font aujourd’hui la chasse aux neutrinos. La plus célèbre d’entre elles, l’expérience T2K (Tokai to Kamioka), se situe au Japon et est le leader mondial pour l’étude des oscillations des neutrinos sur une longue distance. Et en termes d’échelle, celle-ci n’a rien à envier aux plus grands projets scientifiques de notre génération puisqu’elle s’étend sur près de 300 km. Rien que ça !
En effet, pour étudier les oscillations des neutrinos, les chercheurs envoient un faisceau intense de neutrinos produits à Tokai, sur la côte ouest du Japon, jusqu’à Kamioka, à 295 km à l’ouest du Japon. Les neutrinos arrivent alors (en une fraction de seconde) dans un détecteur nommé SuperKamiokande, une cuve de 40 mètres de haut et de 40 mètres de diamètre contenant 50 000 litres d’eau ultrapure et tapissée de 13 000 détecteurs, implantée à 1 000 mètres de profondeur dans une ancienne mine.
Nous l’avons vu dans la première partie de cet article, les neutrinos interagissent très peu avec la matière, si peu que, dans la grande majorité des cas, ils traversent cette belle et grande piscine sans interagir avec quoi que ce soit. Toutefois, il arrive de temps en temps que l’un d’eux entre en contact avec une molécule d’eau, ce qui a pour conséquence de produire un flash lumineux observé par les photodétecteurs. C’est de cette façon que les chercheurs peuvent observer les oscillations qui se sont produites au cours du trajet : on connaît la saveur de départ et on observe la saveur d’arrivée.
Les chercheurs ont ainsi pu constater que les neutrinos oscillent plus que les antineutrinos. Mais, patience… pour avoir des résultats considérés comme satisfaisants, il faut beaucoup de données à analyser. Or, sur une période de dix ans, SuperKamiokande a réussi à attraper 90 neutrinos et 15 antineutrinos électroniques. Pas de quoi tirer de conclusions certaines.
Détecteur de Super-Kamiokande
Crédit photos : Kamioka Observatory, ICRR, The University of Tokyo
Crédit photo : Kamioka Observatory, ICRR, the University of Tokyo/NHK Enterprises, INC.
Sous l’eau, les neutrinos se dévoilent
Pour autant, il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin pour étudier les neutrinos. En effet, au large des côtes françaises, des détecteurs de neutrinos sont installés sous l’eau, à plusieurs kilomètres de profondeur. KM3NeT, ou KiloMetre Cube Neutrino Telescope, est un projet européen abritant la prochaine génération de télescopes à neutrinos, un laboratoire prenant place dans les profondeurs abyssales. Une fois achevé, il ouvrira une nouvelle fenêtre sur l’univers et contribuera à l’étude des propriétés des neutrinos.
KM3NeT comprend deux sites de détecteurs, chacun ayant des missions différentes. Tout d’abord, le site KM3NeT-ORCA au large de Toulon, à 2500 m de profondeur, permet la détection de neutrinos atmosphériques de basse énergie, en provenance de l’atmosphère terrestre. Son objectif est d’étudier les propriétés fondamentales du neutrino, en observant les neutrinos produits lors des interactions des rayons cosmiques avec l’atmosphère terrestre.
Ensuite, le site KM3NeT-ARCA, près de Catane en Italie, à 3500 m de profondeur, permet la détection de neutrinos atmosphériques cosmiques de grande énergie, provenant de cataclysmes de l’univers (formation de trous noirs ou supernovas par exemple). Il a pour objectif de comprendre le fonctionnement des objets de haute énergie dans notre Univers. Une fois terminé, le télescope ARCA permettra de cartographier 87 % du ciel, dont la majeure partie de notre galaxie.
Pour étudier les neutrinos, chacun de ces deux détecteurs regroupe un ensemble de modules de détection sous forme de sphères en verre contenant des tubes photomultiplicateurs pour la détection de la lumière. Ces modules de détection sont appelés des modules optiques numériques (DOM). Pour vous donner une idée de l’échelle de ces projets, une fois terminé, le télescope ORCA disposera de 65 000 capteurs, répartis sur 115 lignes de détection.
Si aujourd’hui une partie des capteurs a déjà été installée sur les deux sites, il faudra attendre 2026 pour qu’ils soient terminés et complètement opérationnels. Alors, pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? On ne saurait pas vous le dire aujourd’hui. Mais T2K et les autres expériences du genre n’ont pas dit leur dernier mot et entendent bien percer les mystères du neutrino.
Source : https://www.km3net.org/
Illustration des lignes de détection sous-marine.
Crédit photo : KM3Net – MEUST – ORCA © Mathilde Destelle