Vers une génération sans tabac ?
Le Comité national contre le tabagisme a livré le mercredi 3 mai ses propositions pour parvenir, d’ici 2035, à « une Génération sans tabac en 2030 », ou presque… Objectifs : que l’État s’en empare dans son prochain Programme national de lutte contre le tabac (PNLT) et passer de plus de 20 % de fumeurs quotidiens aujourd’hui à moins de 5 % en 2032.
Sur son site, le CNCT évoque cette citation que Philip Morris, l’un des grands patrons de l’industrie du tabac, avait faite en 1981 : « Les adolescents d’aujourd’hui sont les consommateurs réguliers potentiels de demain, et la très grande majorité des fumeurs commence à fumer à l’adolescence ». Cette affirmation s’est vérifiée puisque les fumeurs, dans leur très grande majorité, commencent à fumer à l’adolescence – l’âge d’entrée dans le tabagisme intervenant à 13 – 14 ans – et deviennent rapidement dépendants bien avant l’âge adulte, « y compris avec des consommations faibles et ponctuelles ». Ainsi, sur trois enfants expérimentent le tabac, deux au moins seront consommateurs de tabac une partie de leur vie…
Les adolescents français parmi les plus gros fumeurs européens
Les jeunes français sont des gros fumeurs. Chaque année, plus de 200 000 jeunes se laissent tenter par le tabac, « drogue au pouvoir addictif majeur », souligne le CNCT qui ajoute aussi que la moitié de ces jeunes ne parviendra pas à arrêter de fumer et qu’un quart d’entre eux mourra de son tabagisme. En comparaison avec les autres pays européens, la France se situe au-dessus de la moyenne en ce qui concerne la consommation quotidienne de tabac par les adolescents scolarisés de 15-16 ans (22 %). Et, à 17 ans, près de 60 % d’entre eux ont déjà expérimenté un produit du tabac et plus d’un sur quatre est tombé dans la dépendance quotidienne.
C’est pour lutter contre ça et tenter d’atteindre, d’ici 2025, moins de 20 % de fumeurs quotidiens chez les 18-75 ans et moins de 15 % chez les adolescents de 17 ans, puis, d’ici 2027, moins de 15 % parmi les 18-75 ans et moins de 12 % parmi les jeunes de 17 ans, et enfin, en 2032, seulement 5 %
de fumeurs quotidiens parmi la génération née en 2014, que le CNCT préconise ce mercredi 3 mai des mesures plus « drastiques » à l’État.
Le Comité invite notamment à développer davantage les espaces sans tabac « en priorité autour des écoles et des établissements scolaires, universitaires et de formation des mineurs, autour des lieux sportifs, ainsi qu’autour des zones fréquentées par des mineurs », ainsi que sur les plages, les parcs et les terrasses dans un souci de « prise en compte des préoccupations environnementales ».
Davantage de communication et d’éducation ciblées sur les jeunes
Il apparaît également indispensable, selon lui, de renouveler les messages de prévention du tabagisme, en explorant notamment les thèmes de l’environnement, du sport, des droits humains, de la qualité de vie, du soin de soi et de la liberté et de les adapter en fonction des populations, notamment auprès de celles qui font l’objet d’un ciblage spécifique de la part de l’industrie du tabac, dont les jeunes font partie, Philip Morris les avaient déjà identifiés en 1981 !
Le CNCT invite aussi à faire mieux respecter les interdictions déjà existantes, comme l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs et à poursuivre les hausses de taxes, « internationalement et scientifiquement reconnues comme l’un des outils les plus efficaces (…) pour lutter contre le tabagisme » (+ 10 % sur le prix d’un paquet chaque année !).
Enfin, recommandation qui peut surprendre au premier abord, le CNCT invite aussi à supprimer les filtres. Mais pourquoi donc ? Parce que la science démontre que l’utilisation de filtres est associée à une augmentation des risques pour le fumeur. Ceux-ci réduisent le caractère âcre du tabac : conséquence, cela favoriserait l’initiation tabagique des jeunes. Deuxièmement, pour maintenir leur apport en nicotine, les fumeurs prennent des bouffées plus profondes et plus prolongées, ce qui augmente la toxicité de leur consommation. Et supprimer les filtres permettrait au passage de faire une bonne action en faveur de l’environnement, alors que chaque année, 4,5 milliards de filtres de cigarettes finissent jetés dans la nature ! Filtres qui mettent pas moins de 12 ans pour se décomposer et libèrent de composants hautement toxiques…
Une application dotée d’une intelligence artificielle pour arrêter de fumer ?
Comme il n’y a pas que les pouvoirs publics et la société civile qui s’intéressent à ce problème de santé publique, des chercheurs de l’université d’East Anglia, au Royaume-Uni, viennent de développer une application qui s’appuie sur l’IA pour aider les gens à arrêter de fumer. Partant de l’hypothèse que le besoin de fumer est déclenché par le temps passé sur des lieux où la personne a l’habitude de fumer, l’application identifie ces lieux et les moments où la personne a l’habitude de fumer (au bar, au travail…) et lorsque celle-ci se retrouve dans ces situations, l’appli envoie un message personnalisé pour l’aider à gérer son envie de fumer.
209 fumeurs ont été observés pour cette recherche : la moitié n’a reçu qu’une assistance en ligne du système système de santé publique du Royaume-Uni, l’autre moitié a eu, en plus, la possibilité de télécharger l’appli. Résultat : quatre fois plus de personnes à qui l’application (baptisée Quit Sense) a été proposée ont arrêté après six mois, par rapport à celles qui n’ont reçu qu’une assistance en ligne. Une efficacité à vérifier néanmoins via d’autres recherches, car l’échantillon observé reste petit, et sur la durée, car tout fumeur n’est jamais, loin de là, à l’abri de se laisser à nouveau tenter…
Crédit photo : JJ Shev-Unsplash