Rosalind Franklin : à la découverte de l’ADN
Célèbre pour avoir été la première à formuler la structure hélicoïdale de l’acide désoxyribonucléique, Rosalind Franklin fait partie des plus importantes personnalités scientifiques. Son rôle n’a pourtant semble-il pas été reconnu à sa juste valeur, comme le prouve notamment le fait qu’elle n’a jamais été récompensée d’un prix Nobel pourtant largement mérité.
Remontons le temps et découvrons ensemble l’incroyable parcours de Rosalind Franklin, dont les découvertes ont permis de considérables avancées…
Enfance et premières études
Rosalind Franklin voit le jour à Londres, dans le quartier de Notting Hill, le 25 juillet 1920. Fille d’Arthur Ellis Franklin, un marchand local et de Muriel Frances Waley, elle fait ses études secondaires à la St Paul’s Girl’s School (l’un des seuls établissements où la physique et la chimie sont enseignées aux filles) avant de s’inscrire au Newnham College où elle est diplômée en chimie en 1941. Alors que la Seconde Guerre mondiale éclate, Rosalind Franklin continue de mener ses recherches sur le charbon pour le compte de la British Coal Utilisation Research Association. Plutôt surprenant, la jeune femme trouve également le temps de devenir garde ARP. Une fonction qui consistait, pendant la guerre, à protéger les civils pendant les nombreux bombardements.
Rosalind Franklin décroche par la suite son doctorat de physique-chimie dans la prestigieuse université de Cambridge en 1945. Ses recherches portent alors sur la porosité des structures du carbone.
Son parcours est exemplaire. Une réussite d’autant plus impressionnante que Rosalind, alors qu’elle venait de décrocher une bourse, a dû céder cette dernière à un réfugié. Sa famille accueillant des jeunes personnes de confession juive en provenance d’Allemagne.
Une scientifique en avance sur son temps
Les travaux de Rosalind Franklin trouvent une application très rapidement, dans un contexte de guerre, notamment dans la production de carburants ou la fabrication de masques à gaz.
Après la défaite d’Hitler, alors que la Grande-Bretagne panse douloureusement ses plaies, à l’image d’autres pays pris pour cible par le IIIe Reich, la scientifique décide de partir pour la France, en compagnie d’une réfugiée du nom d’Adrienne Weil, rencontrée à Cambridge. En 1947, elle intègre en tant que chercheuse le CNRS et poursuit ses recherches au sein du Laboratoire central des services chimiques de l’État. C’est ici qu’elle exploite notamment des techniques de diffractométrie de rayons X pour déterminer les structures amorphes du carbone. Ses recherches lui permettent en outre de toujours continuer ses travaux sur le charbon.
Quand elle rentre à Londres, elle intègre le King’s College. Nous sommes alors en 1951 et Rosalind Franklin décide, au sein du département de biophysique, d’utiliser ses connaissances en cristallographie aux rayons X pour étudier l’ADN. Elle assiste Maurice Wilkins et Raymond Gosling, dont elle améliore la technique, avant de se brouiller avec Wilkins. Avec Gosling, elle découvre les deux conformations de l’ADN, qu’elle décide de nommer A et B. Les chercheurs utilisent aussi la diffractométrie aux rayons X pour réaliser des clichés étonnants de l’ADN. C’est alors qu’ils identifient la structure à double hélice.
Victime d’injustice
Si Rosalind Franklin est restée dans l’histoire, c’est bien sûr grâce à ses découvertes primordiales mais aussi parce que les découvertes en question lui ont été volées. Comme nous l’avons vu plus haut, Rosalind a cessé de travailler avec Maurice Wilkins pour continuer ses recherches avec Raymond Gosling. Wilkins qui, par la suite, a lui aussi poursuivi ses travaux sur l’ADN à l’université de Cambridge, en se basant sur les découvertes de son ancienne partenaire.
En 1953, quand elle quitte le King’s College afin de rallier le Birckbeck College, Rosalind est contrainte d’abandonner ses travaux. Sans qu’elle en soit informée, ses découvertes sont utilisées et permettent alors très probablement à Wilkins, accompagné de James Watson et Francis Crick, de récolter les lauriers. Les résultats de Rosalind Franklin ne seront publiés que plus tard.
Pendant ce temps, Rosalind Franklin débute des recherches sur l’ARN (rendu célèbre lors de la pandémie de Covid-19, via les vaccins) et les virus. Elle exploite à nouveau la diffractométrie aux rayons X pour étudier le virus de la mosaïque du tabac et fait des découvertes primordiales. Elle étudie aussi, aux États-Unis, entre autres travaux, le virus de la poliomyélite. Tragiquement, Rosalind Franklin tombe malade en 1956. Les médecins lui découvrent un cancer de l’ovaire. Malgré les traitements, elle meurt le 16 avril 1958 à Chelsea, à l’âge de 38 ans.
Micrographie électronique du virus de la mosaïque du Tabac
En 1962, ses anciens collègues James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins décrochent le prix Nobel grâce à la découverte de la structure à double hélice de l’ADN. Si aujourd’hui, le prix Nobel ne peut pas être décerné à titre posthume, à l’époque, c’était encore possible. Mais Rosalind Franklin n’a jamais été officiellement reconnue par l’institution. Les autres chercheurs n’ayant pas non plus pris la peine de la citer ou de lui rendre hommage, pour mettre en lumière son rôle pourtant décisif. Pire encore, la scientifique est discréditée par James Dewey Watson dans son livre La Double Hélice en 1968. Un ouvrage où son implication est largement minimisée alors qu’elle est elle-même décrite comme une personne acariâtre. Il faut attendre 2003 pour que l’auteur reconnaisse lors d’une interview que Rosalind Franklin aurait bel et bien dû être récompensée du prix Nobel.
L’héritage de Rosalind Franklin
Récompensée à titre posthume en 2008 par le prix Louisa-Gross-Horwitz, elle a aussi encouragé la Royal Society a créer un prix à son nom en 2003.
En 2022, le rover ExoMars, l’astromobile martien de l’ESA, a été baptisé Rosalind Franklin. Son nom a aussi été donné à plusieurs promotions de diplômés à l’université Pierre-et-Marie-Curie, à la faculté des sciences médicales et pharmaceutiques de Besançon, à la faculté de médecine de Tours et à l’institut national des sciences appliquées de Strasbourg. La ville de Paris lui a dédié un square, et à Bruxelles, la tour des laboratoires des cliniques universitaires Saint-Luc porte son nom.
Au-delà de ces hommages, il convient de conclure en soulignant que les découvertes de Rosalind Franklin ont permis de mieux saisir la complexité du fonctionnement génétique des êtres vivants.
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