Napoléon : à quel point le film est-il fidèle à l’histoire ?
Film événement de cette fin d’année, le Napoléon de Ridley Scott fait couler beaucoup d’encre (numérique). Un film loué par les uns et décrié par les autres qui, en France en particulier, est sujet à plusieurs polémiques.
Si de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer le Napoléon de Ridley Scott, d’autres ont salué le spectacle, il est vrai plutôt grandiose. Un long métrage qui a notamment beaucoup fait parler en raison des libertés que son scénario a pris avec la véritable histoire de Bonaparte. Mais à quel point Napoléon s’éloigne-t-il justement de la réalité ? On fait le point !
Les erreurs historiques du Napoléon de Ridley Scott
Le film :
Ridley Scott commence son film avec la décapitation de Marie-Antoinette. À l’écran, celle-ci s’avance sous les huées du peuple, sa fameuse chevelure un peu abîmée. Napoléon est dans la foule et assiste à l’exécution.
La réalité :
Napoléon n’était pas présent lors de la décapitation de Marie-Antoinette. Celle-ci avait de plus la tête rasée (le sort de tous les condamnés à la guillotine) et ne s’est jamais reçu de tomates comme on le voit à l’écran. La raison est simple : en 1789, le peuple était affamé et n’allait certainement pas gâcher de la nourriture, peu importe la haine qu’il vouait à la reine.
Notons que Napoléon a par contre assisté à la prise des Tuileries, quelques mois avant la mort de Louis XVI et Marie-Antoinette.
Le film :
En pleine bataille, le cheval de Napoléon reçoit un boulet de canon en plein poitrail et s’écroule sur le futur empereur. Plus tard, ce dernier, victorieux, extrait le boulet du corps de son cheval et le lance à l’un de ses lieutenants en lui demandant de le donner à sa mère.
La réalité :
Cette scène ne s’est tout simplement pas produite. Elle a totalement été inventée pour le film mais reste néanmoins très impressionnante.
Le film :
Napoléon et ses troupes sont en Égypte. Face à une armée composée d’esclaves affranchis, il n’hésite pas à tirer au canon sur les fameuses pyramides.
La réalité :
La bataille en Égypte s’est tenue à une quinzaine de kilomètres du site des Pyramides de Gizeh et jamais personne n’a tiré au canon sur ces dernières.
Le film :
Lors de la bataille d’Austerlitz, la première des grandes victoires de Napoléon, ce dernier gagne en bombardant un lac gelé sur lequel se trouvent ses ennemis avec de les précipiter dans l’eau glacée.
La réalité :
Si Napoléon a remporté la bataille d’Austerlitz, c’est surtout grâce à sa stratégie mais aussi car l’armée austro-hongroise n’était pas assez préparée. Elle pensait en outre que les armées françaises, en infériorité numérique, étaient en train de battre en retraite. Néanmoins, l’épisode du lac glacé a bien eu lieu mais le nombre de victimes fut bien moins grand que ce que le film suggère. Et cet épisode n’a pas été spécialement décisif pour la victoire.
Le film :
Napoléon décide de quitter précipitamment la campagne d’Égypte quand il apprend que son épouse Joséphine le trompe.
La réalité :
Jamais Bonaparte n’a pris une telle décision. En revanche, il est avéré que Joséphine avait, au début de son mariage avec le futur empereur, de nombreuses aventures. Joséphine qui était la veuve d’Alexandre de Beauharnais, un célèbre libertin qui aurait en partie inspiré le roman Les Liaisons Dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos.
Le film :
À Waterloo, Napoléon est certain de remporter la bataille contre les hommes du duc de Wellington. Confiant, il se lance à corps perdu dans la mêlée.
La réalité :
Déjà malade, Bonaparte a, d’après les historiens, été un peu absent de la bataille de Waterloo. Assailli par de fortes douleurs à l’estomac et fiévreux, il commençait déjà à voir sa santé se dégrader à cause d’une maladie qui finira par l’emporter quelques années plus tard lors de son exil sur l’île de Sainte-Hélène.
Cinéma vs. Réalité
Ridley Scott n’est pas le premier cinéaste à s’arranger avec l’Histoire pour le bien de son film. C’est d’ailleurs l’essence même de ce genre d’exercice : raconter la vie d’un personnage qui a bel et bien existé mais prendre des libertés pour le transformer en héros de cinéma. En effet, Napoléon n’a pas pour vocation d’instruire son public. Ce n’est pas un documentaire et jamais Scott n’a nié avoir pris des libertés.
Concernant l’épisode du cheval dont nous parlons plus haut, le réalisateur a souligné qu’il s’agissait d’une pure invention mais qu’il avait pensé que celle-ci servait le scénario. Là est toute la complexité quand on entend illustrer la vie d’une personnalité publique ou historique. Tous les biopics se heurtent à certains obstacles. Il est nécessaire de parfois s’éloigner des faits, de couper, de survoler certaines périodes et au final de proposer une vision. Et d’ailleurs, c’est surtout ce qu’est au final Napoléon : une vision de Ridley Scott.
On peut aussi souligner que Ridley Scott est un cinéaste britannique. Son Napoléon correspond ainsi surtout à la vision des Anglais. Même si on peut aussi saluer Scott pour ne pas s’être appesanti sur la petite taille de l’empereur, qui mesurait 1m68. Scott a déclaré à ce propos : « Napoléon n’était pas vraiment petit, mais de taille moyenne. Ce sont les Anglais qui ont joué sur cet aspect pour l’humilier et véhiculer une image de lui amenée à le ridiculiser. »
Revenu à l’époque napoléonienne, 45 ans après la sortie des Duellistes, son premier long métrage, Ridley Scott s’est attiré les foudres des historiens et d’une partie du public français en livrant un film sur Napoléon il est vrai quelque peu éloigné de la réalité mais au final très spectaculaire. En axant sa narration sur l’histoire d’amour entre Napoléon et Joséphine, Scott a aussi déconcerté une partie des spectateurs, quand bien même, sur cet aspect précis, le film est justement assez fidèle à la réalité.
Napoléon en chiffres
- 200 millions de dollars de budget.
- À peine 62 jours de tournage.
- Une version longue à venir de 4 heures.
- 764 000 spectateurs français lors de sa première semaine d’exploitation.
- 20,4 millions de dollars de recettes lors de son premier week-end d’exploitation aux États-Unis (soit un excellent score).
- 2ème film de Ridley Scott avec Joaquin Phoenix après Gladiator.
- Certaines scènes ont nécessité l’utilisation de 11 caméras en simultané.
- Napoléon n’a pas du tout été tourné en France mais aux alentours de Londres, avec quelques scènes tournées à Malte, sur un site déjà utilisé pour Gladiator.
Crédit photo : Apple Studios, Scott Free Productions