Va-t-il s’arrêter un jour de neiger ?
Cela n’aura échappé à personne, la planète se réchauffe. On s’en rend par ailleurs vraiment compte en hiver quand on se retrouve à skier sur des pistes enneigées à l’aide de canons, au milieu de vastes étendues de terre ou d’herbe. Doit-on pour autant en conclure qu’un jour, la neige n’existera plus que dans les livres et les films ?
Il est avéré que la planète s’est en moyenne réchauffée de 1,2 degré depuis la période comprise entre 1850 et 1900. Un chiffre qui monte à 2,3 pour l’Europe. Un phénomène qui a fortement impacté les chutes de neige. Alors pourra-t-on encore skier dans le futur ? Tentative de réponse…
La neige dans le futur
À l’heure où l’activité humaine a tendance à faire accélérer le réchauffement de la planète, certaines stations de ski voient leur enneigement diminuer de plus en plus chaque année. Certains experts ont affirmé que d’ici 2050, toutes les stations situées en dessous de la barre fatidique des 1 800 mètres d’altitude allaient devoir se recycler à cause du manque de neige.
Pour mieux comprendre, intéressons-nous au cas des Alpes. L’été dernier, en 2023, des chercheurs de l’université de Grenoble soulignaient que lorsque le réchauffement climatique atteindrait les + 2 degrés, la moitié des stations de ski manquerait de neige. Si le réchauffement était de 4 degrés, quasiment tous les domaines seraient concernés. Pour rappel, les prédictions les plus pessimistes affirment que d’ici 80 ans, soit aux alentours de 2100, la Terre se sera précisément réchauffée de 4,3 degrés. À l’heure où de nombreux glaciers ont vu leur surface diminuer, il est légitime de se demander si la neige est menacée sur l’ensemble du globe.
Des chutes de neige paradoxales
Les chercheurs de l’université de Grenoble ont travaillé à partir de 23 massifs des Alpes françaises. En prenant en compte le réchauffement actuel, ils ont pu affirmer que si les chutes de neige allaient en effet fortement diminuer en dessous des 3 000 mètres d’altitude, elles allaient paradoxalement augmenter au-delà de 3 600 mètres. Mais 3 600 mètres c’est très haut et bien sûr, l’immense majorité des pistes de ski se situe en dessous des 3 600 mètres.
Pour parler chiffres, le rapport des chercheurs affirme qu’à 900 mètres d’altitude, la baisse des chutes de neige pourrait aller jusqu’à 26 %. Sur 100 ans, cette baisse pourrait être de 15 % en moyenne à la même altitude pour une hausse de 8 % au-dessus des 3 600 mètres. Des prédictions très utiles pour anticiper des phénomènes dangereux comme les avalanches.
Plusieurs chercheurs ont avancé que si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuaient pas, les Alpes pourraient perdre 70 % de leur manteau neigeux déjà d’ici la fin du siècle. Ce scénario serait probable si les températures augmentaient de 4 degrés. Si la hausse se limitait à 2 degrés, les Alpes pourraient perdre 30 % de leur manteau neigeux d’ici 2100.
Des stations de ski en pleine réflexion
De nombreuses stations de ski, à plus forte raison dans des massifs moins élevés, comme le Jura, le Massif Central ou même les Pyrénées, pensent déjà à l’avenir. Cela se traduit par une offre touristique plus large, qui prend en compte l’enneigement incertain. À titre d’exemple, comme le précisait Le Parisien en février 2024, dans des stations comme le Val d’Azun dans les Hautes-Pyrénées, qui est situé entre 1 350 et 1 600 mètres d’altitude, d’autres activités sont proposées comme une tyrolienne, un biathlon à pied, un plateau de jeu géant ou encore du VTT et même de la trottinette. Le but étant de continuer d’attirer les touristes, y compris si la neige n’est pas au rendez-vous.
L’avenir de la neige… et de la glace
Sur la planète, d’après le Giec (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), la couverture neigeuse au printemps a diminué de 8 % entre 1970 et 2010 par rapport à la période 1922-1970.
Au niveau des glaces, dans l’Arctique, la superficie des glaciers a diminué de 40 % par rapport aux années 1970 et depuis 1980, la banquise fond de 13,4 % par décennie. La situation est moins grave en Antarctique mais tout de même préoccupante, avec une diminution de 20% de la surface glacée en 2017 par rapport à la moyenne des années 1980-2010. Et bien sûr, les glaciers de montagne ne cessent de reculer. Malgré tout, étrangement, dans certaines régions du monde, comme en Scandinavie, les chutes de neige sont plus importantes et certains glaciers gagnent du terrain.
Vers une disparition de la neige ?
Il semblerait donc que la neige ne disparaîtra jamais totalement. Pour faire simple, celle-ci sera vraisemblablement réservée aux plus hauts sommets d’ici 2100 ou même avant. Comme l’expliquait Harry Zekolari, un célèbre glaciologue à l’ILB et à la Delft University of Technology aux Pays-Bas, la neige deviendra un phénomène exceptionnel en-dessous de 1 800 mètres d’altitude d’ici 2050. Pour ce qui est des glaciers alpins, on estime qu’ils perdront au moins la moitié de leur superficie d’ici 2050. Et non, sur ce point précis, rien ne devrait pouvoir inverser la donne. C’est trop tard.
Outre les conséquences que cette diminution des chutes de neige aura sur le paysage, des ajustements très importants seront nécessaires d’un point de vue économique. Des pays comme la Suisse, qui compte beaucoup sur l’énergie hydraulique et donc sur la fonte des neiges et des glaciers pour produire son électricité, devront trouver une parade.
Les stations de ski qui ne pourront pas étendre leur domaine pour emmener les touristes plus haut, pour trouver de la neige, devront se renouveler afin d’adopter une stratégie touristique viable. Un constat très préoccupant pour des stations « basses » comme dans le Massif Central par exemple où cet hiver, les précipitations ont été insuffisantes pour proposer aux visiteurs le panel d’activités habituelles.
On peut conclure que si les émissions de gaz à effet de serre ont déjà fait beaucoup de dégâts et que, concernant la neige, certains scénarios plutôt inquiétants semblent inévitables, il est toujours important que les gouvernements et les citoyens agissent pour limiter cette hausse des températures. Parce que bien sûr, le réchauffement climatique n’entraîne pas seulement des conséquences fâcheuses concernant la neige. Loin de là…
Crédit photo : Aaron Burden-Unsplash