Stop au sexisme : les jeunes, si vous donniez l’exemple ?
Non seulement le sexisme ne recule pas en France, mais, en plus, les jeunes générations seraient les plus touchées selon le 5e rapport annuel sur l’état du sexisme en France rendu public par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Alors que les observations et études ont montré qu’il y avait un continuum des violences entre le sexisme ordinaire (clichés, stéréotypes, blagues…) et les violences plus graves, si vous changiez de posture ?
« Les stéréotypes de genre sont à l’origine des inégalités, des discriminations, des violences, des situations d’emprise et de domination. Le sexisme n’est jamais banal ni ordinaire : il faut le combattre. Agissons avant qu’il ne soit trop tard ». C’est ainsi que communiquait le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) le 23 janvier dernier, à l’occasion de la parution de son rapport annuel, le jour de son 10e anniversaire et de la journée nationale de lutte contre le sexisme.
Dans ce rapport, qui repose sur les résultats du « Baromètre Sexisme » mené avec l’institut Viavoice et pour lequel ont été interrogées 2 500 personnes âgées de 15 ans et plus notamment sur leurs perceptions des inégalités entre les femmes et les hommes et leur « degré » de sexisme, les auteurs font notamment deux constats.
Tout d’abord « un grand nombre [des hommes] a davantage tendance à ignorer le lien entre le sexisme ordinaire, bénin à leurs yeux, et les suites qu’il suscite en matière de domination et de violence ». Pourtant, rappelle le HCE, ce continuum des violences entre des manifestations insidieuses, clichées, stéréotypes, blagues et les violences plus graves est bien réel et cette réalité « n’est que très partiellement perçue par les hommes ». Ce que cela signifie ? Que tous les clichés et situations sexistes au quotidien continuent d’être banalisés, même depuis #MeToo, et la situation « s’aggrave » même, écrivent les auteurs du rapport, avec l’apparition de phénomènes nouveaux, avec entre autres « une violence en ligne » et une « virulence accrue sur les réseaux sociaux ». Enfin, deuxième grand constat jugé « inquiétant » : « les jeunes générations sont les plus touchées ».
Les plus « vieux », conservateurs, les jeunes, plus touchés par des clichés « masculinistes »
En effet, si les plus âgés (hommes de 65 ans et plus) sont plus nombreux à enfermer femmes et hommes dans des rôles sociaux très stricts (« un homme doit prendre soin financièrement de sa famille », « il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants », « il est normal que les femmes prennent plus soin de leur physique que les hommes »…), la culture sexiste s’exprime aussi chez les jeunes de la tranche d’âge 25-34 ans, à travers des réflexes masculinistes sur la place et le rôle des hommes.
Le masculinisme, késako ? C’est un mouvement social qui prétend que les hommes souffrent d’une crise identitaire parce que les femmes en général, et les féministes en particulier, dominent la société et ses institutions.
En effet, chez ces hommes de moins de 35 ans, le rapport observe qu’ils sont plus nombreux à adhérer à des « clichés masculinistes » et à se reconnaître dans la « masculinité hégémonique ». Entendez par là le fait qu’ils souhaitent conserver des pratiques de genre visant à perpétuer le patriarcat et la domination des hommes sur les femmes.
23 % des 25-34 ans jugent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter !
Le rapport cite, entre autres exemples, le fait que 20 % d’entre eux considèrent que pour être respecté en tant qu’homme dans la société, il faut vanter ses exploits sexuels auprès de ses amis (contre 8 % en moyenne chez les hommes tous âges confondus) ; une même proportion (21 %) estime qu’il faut rouler vite (contre 9 % en moyenne) ; et 23 % d’entre eux (contre 11 % en moyenne) jugent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter ! Quant au cliché sur le barbecue, il est bien réel et aussi bien ancré chez les jeunes générations, puisqu’ils sont 32 %, soit un tiers d’entre eux, à considérer que le barbecue est une affaire d’homme (contre 23 % en moyenne chez les hommes tous âges confondus).
Enfin, seulement la moitié de ces jeunes hommes (48 %) juge que l’image des femmes véhiculée par les contenus pornographiques est problématique, alors qu’en revanche plus des trois quarts des hommes âgés de 65 ans et plus (79 %) le pensent. Un constat d’autant plus inquiétant que ce sont des situations auxquelles ces jeunes « sont a priori davantage exposés que leurs aînés », souligne le rapport.
La scolarité, une des sphères de la société perçue parmi les plus inégalitaires en traitement
Pourtant, de « l’autre côté », 4 sur 5 jeunes femmes interrogées âgées de 15 à 24 ans ont « le sentiment très net qu’il est plus difficile d’être une femme qu’un homme dans la société actuelle », et, tout âges confondus, elles sont 55 % à le penser contre à peine 20 % des hommes.
De même, les femmes de la tranche d’âge 15-24 ans sont nombreuses à déclarer avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe durant leurs études (41 %). La vague #MeToo pour dénoncer le traitement dont les femmes font l’objet continuait d’ailleurs en 2022 de faire effet dans l’enseignement supérieur et de la recherche, notamment au sein de l’école Polytechnique et AgroParisTech31, observe le rapport. Face à cette vague de dénonciations, l’Observatoire étudiant des VSS (violences sexistes ou sexuelles) a d’ailleurs créé un baromètre dédié.
Mais les hommes ne sont pas les seuls concernés par des clichés tenaces. En effet, les femmes (tous âges confondus) « ne se délivrent pas toutes des stéréotypes », constatent les auteurs. Elles sont encore 38 % à estimer qu’il est acceptable qu’un homme aborde une femme dans la rue pour lui proposer d’aller boire un verre (47 % des hommes expriment cette opinion) et autant à considérer qu’il est normal que l’homme paye l’addition au premier rendez-vous (contre 52 % des hommes). La moitié d’entre elles (contre 62 % des hommes) considère que les femmes sont naturellement plus douces que les hommes, presque autant (46 % contre 39 % des hommes) qu’il est plus difficile pour les hommes de pleurer que pour les femmes, et elles sont pas moins de 65 % (contre 77 % des hommes) à penser pensent qu’elles doivent être protégées par les hommes.
Crédit photo : Mihai Surdu-Unsplash