Harcèlement et cyberharcèlement en progression : Et si ça s’arrêtait ?
Près d’un jeune sur quatre aurait déjà été confronté au cyberharcèlement et plus d’un tiers d’entre eux aurait participé au harcèlement d’un autre. Ce n’est pas rien et, en plus, ces proportions sont visiblement en augmentation si l’on se fie à une toute récente étude menée par l’association e-Enfance et la Caisse d’Épargne. Or, c’est un « fléau » qui a de lourdes conséquences sur les victimes…
L’Association e-Enfance, qui gère le 3018, un numéro d’écoute destiné aux jeunes victimes de harcèlement et de cyberharcèlement, ainsi qu’à leurs parents et aux professionnels de l’éducation, et la Caisse d’Épargne qui soutient l’association dans cette action ont dévoilé le 9 octobre les résultats de leur 4e étude sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement chez les 6-18 ans. Menée auprès de plus 3 000 parents et enfants scolarisés, elle révèle notamment que le phénomène, des violences répétées qui prennent la forme d’insultes, bousculades, moqueries…, s’étend et qu’il semble se banaliser.
Pourtant, c’est un « fléau », commentent les partenaires de l’étude. Fléau parce qu’il concerne pas moins d’un quart des jeunes de 6 à 18 ans : 24 % des élèves disent avoir été au moins une fois confrontés à une situation de harcèlement et 23 % à du cyberharcèlement (contre 18 % en 2023). Et même si ce sont les plus petits qui sont les plus touchés, ce ne sont pas moins de 19 % des lycéens qui disent y avoir été confrontés au moins une fois, proportion qui monte à 29 % lorsqu’il s’agit de cyberharcèlement où là, ils sont les plus nombreux à en être victimes. Fléau encore parce que les chiffres, malgré l’information et la prévention, continuent de croître (ils étaient 19 % un an plus tôt à avoir vécu une situation de harcèlement). Fléau enfin car les conséquences psychologiques sur les victimes sont lourdes.
Les réseaux sociaux, un terrain (particulièrement) miné ?
Ces situations sont en outre vécues partout, même si elles le sont très majoritairement au sein de l’établissement scolaire. Mais c’est sur les réseaux sociaux et en particulier sur WhatsApp que le harcèlement s’exerce prioritairement. En effet, 38 % de ces jeunes y sont harcelés et 44 % d’entre eux l’ont été sur un groupe WhatsApp.
Les lycéens y sont particulièrement exposés. Et pour cause… ils y sont présents en masse : 96 % y sont inscrits mais les autres jeunes y sont également très présents – et cette présence aussi augmente – puisque cela concerne 93 % des collégiens et pas moins de 67 % des enfants en primaire, et ce, malgré l’interdiction faite aux moins de 13 ans.
Les auteurs de l’étude font un parallèle avec la dépendance croissante au smartphone. Dès 6 ans, elle concerne pas moins de 22 % des écoliers du primaire qui déclarent déjà ne plus pouvoir se passer de leur téléphone pendant plus d’une heure et cette proportion monte à 24 % pour les collégiens et à 28 % pour les lycéens.
Autre information importante, les jeunes sont aussi nombreux à avoir déjà participé à du harcèlement puisque plus d’un tiers des jeunes interrogés (34 %) reconnaissent avoir déjà participé, « même involontairement », à du harcèlement ou du cyberharcèlement. 36 % disent l’avoir fait pour « rigoler », 35 % pour « se venger » (contre 10 % en 2023) et 34 % pour « faire comme les autres ». Et si 77 % de ceux qui ont déjà participé à du harcèlement assurent avoir compris les conséquences de leurs actes, cela ne les a visiblement pas empêché de recommencer pour une grande majorité d’entre eux. Ainsi, 58 % d’entre eux ont déclaré avoir réitéré, alors qu’ils étaient moins d’un tiers en 2023 !
Des souffrances psychologiques importantes
Or, cette étude, qui mesure cette année pour la première fois le degré de souffrance ressenti par les victimes, montre que ces comportements ont des lourds effets : 58 % d’entre elles disent avoir perdu confiance en elles, 57 % assurent avoir rencontré des difficultés dans leur scolarité ou leurs études et 29 % déclarent avoir eu des pensées suicidaires. Et 1 jeune victime sur 3 dit ressentir une souffrance sévère (sur une échelle de 0 à 10, ils l’évaluent à 9 ou 10).
Des conséquences jugées « dévastatrices pour la santé mentale des jeunes » par la directrice générale de l’Association e-Enfance, Justine Atlan. Alors, si on arrêtait enfin de considérer ces actes comme banals ?
Ne pas se laisser faire, ne pas laisser faire
Vous êtes victime ? Vous êtes ou avez été témoin ? Vous pouvez agir. Il existe notamment un numéro, gratuit, où vous pourrez être entendu et aidé (que vous soyez victime ou témoin, parent ou enfant), ce fameux 3018 géré par e-Enfance. Mais 6 parents sur 10 et 7 enfants sur 10 ne le connaissent pas ! On vous y répond tous les jours, par téléphone et par tchat sur 3018.fr et via Messenger, de 9 heures à 23 heures et on vous oriente, si nécessaire, vers des infirmiers scolaires, des psychologues ou des maisons des adolescents. Le 3018 peut surtout faire un signalement accéléré pour obtenir la suppression de contenus ou comptes préjudiciables en quelques heures auprès de 17 réseaux sociaux ou sites internet, dont Snapchat, TikTok et Instagram, mais aussi des sites pornographiques. Il est en revanche impossible de faire supprimer des contenus sur des messageries chiffrées comme WhatsApp, Telegram ou Signal. Dans tous les cas, bloquez de votre côté également les comptes des harceleurs. Vous pouvez aussi télécharger l’application 3018, développée par l’association e-Enfance. Elle vous permet d’évaluer, si vous n’en êtes pas sûr, si vous êtes victime de cyberharcèlement en chattant avec des professionnels formés. Vous pouvez aussi vous adresser à la direction ou un membre de l’équipe éducative de votre établissement. Enfin, il est recommandé de porter plainte et de ne pas se contenter d’une main courante. La loi punit le cyberharcèlement. Un harceleur majeur risque jusqu’à deux d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende si la victime est âgée de plus de 15 ans et trois ans de prison et 45 000 euros d’amende si la victime a moins de 15 ans. Même pour un mineur, ces actes peuvent avoir des conséquences importantes : un harceleur mineur de plus de 13 ans risque une amende allant jusqu’à 7 500 euros et jusqu’à 18 mois de détention si la victime a moins de 15 ans, ou un an, si elle a 15 ans ou plus. N’hésitez pas, quelle que soit la façon dont vous allez agir, à faire des captures d’écran pour conserver des preuves des contenus qui circulent. |
Crédit photo : Kyo Azuma-Unsplash