Gertrude Elion : la prodige de la médecine
Peu de scientifiques ont autant marqué l’histoire de la médecine que Gertrude Elion. Pourtant, son nom n’est presque jamais mentionné et reste relativement inconnu du grand public.
Responsable de traitements contre la malaria et le SIDA, Gertrude Elion n’a pas simplement apporté sa pierre à l’édifice. Elle en a carrément construit toute une partie à elle seule. Une scientifique américaine dont voici l’histoire…
Il était une fois Gertrude Elion
Gertrude Elion vient au monde le 23 janvier 1918 à New York aux États-Unis. Grande admiratrice de Louis Pasteur et de Marie Curie pendant son enfance, elle dévore les ouvrages de vulgarisation scientifique quand d’autres jouent à la marelle ou aux petites voitures. Alors que sa famille est durement touchée par la Grande Dépression de 1929, la jeune fille est affectée par la mort de son oncle, victime d’un cancer de l’estomac. Cette disparition l’affecte d’ailleurs tellement qu’elle se met en tête d’étudier pour trouver un remède à cette terrible maladie. Pour autant, malgré d’excellents résultats scolaires, Gertrude reste bloquée à 15 ans, après avoir achevé ses études au lycée, à cause de la désastreuse situation financière de sa famille.
Malgré tout, elle parvient à se faire admettre au Hunter College, où elle obtient son Bachelor of Science, soit une licence, en 1937. Avec mention ! En 1941, elle obtient son master à l’Université de New York. C’est alors la seule femme des effectifs. Son genre qui lui ferme d’ailleurs probablement les portes du doctorat. En effet, Gertrude voit sa demande de bourse refusée et doit arrêter là ses études, malgré ses excellents résultats.
Début de carrière
La jeune femme devient alors assistante dans un laboratoire puis enseignante en physique-chimie dans un lycée. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, Gertrude profite du départ de nombreux hommes pour trouver un emploi plus en phase avec ses aspirations et ses compétences. Elle devient assistante de recherche et peut travailler sur l’immunologie et la virologie. C’est à ce moment-là, aux côtés de George Hitchings et Elvira Falco, qu’elle prolonge les travaux de Rosalind Franklin sur l’ADN. En 1950, elle met au point avec George Hitchings deux nouveaux traitements contre le cancer.
De découvertes en découvertes
En 1960, la scientifique et son associé parviennent à mettre au point un immunosuppresseur efficace dans le cadre des transplantations d’organes. Traitement qui sera aussi exploité pour traiter les arthrites rhumatoïdes. Elle synthétise aussi l’Allopurinol et permet à des milliers de malades touchés d’hyperuricémie d’améliorer leur vie. Traitement aussi efficace contre la goutte et la leishmaniose. Pour rappel, cette maladie cause alors de terribles ravages en Afrique australe. Grâce aux travaux de Gertrude Elion, des millions de personnes peuvent enfin avoir accès à un remède efficace.
En 1978, Gertrude Elion met au point un médicament antiviral pour soigner l’encéphalite, l’herpès génital et le virus d’Epstein-Barr. En 1983, elle prend sa retraite mais devient professeur émérite et prend part aux travaux d’une équipe de chercheurs pour mettre au point un médicament par la suite utilisé pour soigner les malades du Sida.
Elle s’éteint à la suite d’une hémorragie cérébrale le 21 février 1999, à l’âge de 81 ans.
Une estimable contribution
Il est hallucinant de constater à quel point les recherches de Gertrude Elion ont permis de soigner de terribles maladies. Pour résumer, on lui doit ainsi le premier traitement contre la leucémie, le premier immunosuppresseur pour les transplantations d’organes, des médicaments contre la goutte, le paludisme, la toxoplasmose, l’herpès, les méningites, la septicémie ou encore différentes infections bactériennes et respiratoires. Plusieurs de ses remèdes ont d’ailleurs été classés dans la liste des médicaments essentiels de l’OMS.
Bien sûr honorée à travers de multiples récompenses, surtout à la fin de sa vie, Gertrude Elion a été co-lauréate du Prix Nobel de physiologie ou médecine en 1988.
Entièrement dédiée à son travail, cette extraordinaire scientifique était une passionnée. Elle a déclaré un jour : « le travail est devenu à la fois ma vocation et mon passe-temps. » Elle s’est entièrement dévouée à son travail, ne s’est jamais mariée et n’a pas eu d’enfant. Très consciente qu’à son époque, les mères qui travaillaient étaient critiquées, elle a souhaité se consacrer pleinement à ses recherches, en essayant de composer avec le machisme d’une société qui l’a empêchée d’obtenir son doctorat. Ce qui ne l’a bien sûr pas empêchée de faire plus que bien des docteurs de son époque…
Crédit photo : GlaxoSmithKline plc-Wikimedia