La Science-fiction Made in France !
Laurent Genefort aime faire voyager ses lecteurs aux confins de l’espace, les plonger dans des conflits entre civilisations ou encore dans des complots à des échelles interstellaires. Comme il vient de poser ses valises sur notre bonne vieille Terre, nous en avons profité pour le rencontrer !
On vous qualifie d’auteur de Space Opera et de livres-univers. Pouvez-vous définir ces termes pour nos lecteurs qui n’en seraient pas familiers ?
Le space opera désigne un type de récit qui se déroule dans l’espace et sur d’autres planètes, dans un avenir souvent lointain ; la vraisemblance scientifique peut énormément varier (quasi nulle dans
Star Wars, très élevée chez des auteurs comme Isaac Asimov ou Larry Niven), mais dans tous les cas, il y a une rupture avec notre Terre d’aujourd’hui. Le livre-univers est une branche du space opera. (Dans la science-fiction, on adore classer les genres !) Il donne à la planète où se déroule l’action une place centrale ; l’exemple le plus connu de livre-univers est
Dune de F. Herbert.
Dans ces gigantesques mondes que vous créez, avec des empires tentaculaires, des fédérations d’espèces intelligentes, on sent la notion d’altérité omniprésente, c’est-à-dire ce qui est « autre » que nous-mêmes mais avec lequel nous devons composer…
À mon sens, c’est l’un des thèmes les plus importants, les plus centraux de la science-fiction, et en même temps le plus difficile à traiter. Il y a trois types d’« autres » : le mutant/post-humain (l’autre issu de notre évolution), l’IA (l’autre issu de notre technologie), et l’alien. L’altérité de ce dernier est par essence plus irréductible. Pour moi, la science-fiction n’est jamais aussi bonne, aussi « science-fictionnelle », que lorsqu’elle traite de l’altérité, car l’humain n’est alors pas traité en lui-même mais par rapport à l’Autre – et à son environnement en général. La SF est une littérature du décentrement. L’alien, comme l’IA ou le mutant, permet de décentrer l’humain. C’est une démarche presque galiléenne.
« La lecture d’au moins un Jules Verne s’impose »
Quel regard portez vous sur le transhumanisme (corps bardés de puces et de technologies auxiliaires) ?
Il est de bon ton de fustiger le transhumanisme, présenté comme une simple lubie de riches – certes, pas totalement à tort. Son plus gros défaut est à mon sens de négliger l’aspect écologique. Mais tout un pan de ce mouvement est humaniste, avec au centre le contrôle de l’individu sur son propre corps ; la redéfinition sous-tendue de l’humain en tant qu’être « autoprogrammable » est plein de potentialités. Certains projets de sociétés m’effraient bien davantage…
Les auteurs qui vous ont influencé sont également très nombreux… Pouvez-vous n’en citer que cinq, avec un titre pour chacun ?
Isaac Asimov (
les Robots), Stanislas Lem (
Solaris), Frank Herbert (
Dune), Stefan Wul (
Noô), William Gibson (
Neuromancien).
Selon vous, quels sont les classiques de SF indispensables à la culture générale, accessibles à tous et plausibles d’un point de vue scientifique ?
Pour la proto-SF, je pense que la lecture d’au moins un Jules Verne (
Voyage au centre de la Terre ou Autour de la lune ont ma préférence) s’impose, tout comme J.H. Rosny aîné (
Les Xipéhuz ou
La Mort de la terre). Et le
Frankenstein de Mary Shelley, of course. Pour l’après-guerre, des auteurs comme Isaac Asimov, Arthur C. Clarke ou Robert Heinlein me paraissent indispensables, quel que soit le titre. Récemment, l’auteur de « hard science » le plus intéressant au monde reste selon moi
Greg Egan ; certaines de ses nouvelles sont disponibles gratuitement sur le net ; attention, il s’agit de spéculations stratosphériques, ce n’est donc pas accessible à tous, mais c’est le prix pour avoir ce qui se fait de mieux dans le genre.
Le cinéma vous a-t-il influencé ? Quels films en particulier ?
Je suis un cinéphage, et en matière de science-fiction le réservoir est immense. Je dirais
Planète interdite de Wilcox,
2001 de Kubrick, S
oleil vert de Fleisher,
Tron de Lisberger,
Blade Runner et
Alien de Ridley Scott,
Brazil de Terry Gilliam,
The Thing de Carpenter… plus récemment
District 9 de Blomkamp, parce que je dois m’arrêter là !
« Être écrivain est un métier, avec des techniques à acquérir »
Au collège, quel genre d’élève étiez-vous : plutôt turbulent sympa, paresseux, insolent… ?
J’étais la figure type du geek maigrichon à lunettes, appliqué, solitaire et introverti, passionné par l’informatique et les cultures de l’imaginaire.
Quand avez-vous commencé à écrire ?
J’ai écrit quelques nouvelles à l’âge de dix ans, puis au lycée, pour un fanzine qu’un copain et moi avons fait. Mais avant d’écrire mon premier roman, à 19 ans, et sa publication quand j’en avais 20, je ne pensais pas faire de l’écriture ma profession.
Quels conseils donneriez-vous à des ados qui voudraient se lancer dans l’écriture, avec l’espoir d’être un jour édités ?
Déjà, terminer votre histoire et la faire lire autour de soi, et ne pas hésiter à reprendre son ouvrage : être écrivain est un métier, avec des techniques à acquérir. Si l’on est sûr(e) de son texte, ne pas être timide et l’envoyer à un éditeur, après être allé(e) consulter sur son site les modalités de présentation et d’envoi. Par ailleurs, le net est un merveilleux outil, il regorge d’associations (
Cocyclics, pour n’en citer qu’une), de podcasts (
Procrastination, pour n’en citer qu’un) et de vlogs très bien faits (celui de
Samantha Bailly, pour n’en citer qu’un) pour les apprentis écrivains : allez-y !
Votre citation préférée ?
Les deux derniers vers du
Voyage de Baudelaire :
« Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ? Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! »
Propos recueillis par Fabien Cluzel.