Relativité générale et espace courbe

Comment ça marche ?
Vous avez peut-être déjà entendu parler de la théorie de la relativité générale, énoncée part le grand Albert Einstein en 1915. Mais comme la plupart d’entre-nous, vous ne savez pas vraiment de quoi elle parle… Ce mois-ci, sur sa chaîne YouTube Science étonnante, David Louapre nous propose une vidéo – un peu plus exigeante que d’habitude ! – expliquant comment cette théorie a modifié notre approche de la gravité et conclu à la « courbure » de l’espace-temps.
La théorie de la relativité générale explique quasiment tout ce qui se passe à grande échelle : mouvement des planètes, ondes gravitationnelles, trous noirs, Big bang… Cette théorie est l’une des plus fascinantes de la science moderne car, en modifiant les points de vue classiques sur des mécanismes que l’on croyait connaître, elle a dévoilé la véritable nature de l’espace qui nous entoure. L’un des principes les plus importants de la théorie, c’est d’avoir reconsidéré la gravité en comprenant qu’elle n’est pas une force en elle-même, ce que pourtant nous avons tous appris. Dans la théorie de la relativité générale en effet, la gravité est remplacée par la courbure de l’espace-temps : la théorie démontre que les corps massifs courbent l’espace-temps, le « tordent », et que les trajectoires des objets qui passent à côté sont modifiées à cause de cette courbure. Mais qu’est-ce que cette courbure ? Quand on dit que l’espace est courbe, qu’est-ce que ça veut vraiment dire, concrètement ?Il n’existe pas de point fixe absolu
A la base de la compréhension de la relativité générale, il y a la notion de référentiels. Un référentiel, c’est un objet ou un ensemble d’objets dont on connaît la position et la trajectoire, et que l’on peut mesurer (sa vitesse, où il sera et à quel autre moment…).Parmi tous les référentiels, il en existe une catégorie à part : les référentiels dits galiléens, qui dans l’absolu ne sont soumis à aucune force : un corps qui ne subit aucune force va tout droit à vitesse constante (toujours la même, jusqu’à la fin des temps !) ; il peut aussi être immobile (vitesse nulle).
Nous, sur Terre, nous mesurons les vitesses et les trajectoires par rapport à notre planète, comme si elle était un point fixe. Mais en réalité, tout ce que nous observons se comporte de manière relative par rapport à autre chose.
Prenons un exemple simple dont vous avez peut-être déjà fait l’expérience : vous êtes dans un train à l’arrêt en gare. A côté de vous, il y a un autre train, et vous ne voyez que lui : vous n’avez pas d’autre repère. Et tout à coup, vous percevez un mouvement : l’un des deux trains s’est mis très lentement en mouvement et se met à avancer. Mais est-ce le vôtre qui démarre, ou celui d’à côté ? En l’absence d’autre référentiel que le train que vous voyez, vous êtes incapable (l’espace de quelque instant, bien sûr) de savoir qui bouge par rapport à qui.
C’est ça, la relativité : il n’existe pas de point fixe absolu. Tous les objets se meuvent relativement aux autres. On ne peut pas affirmer que l’un est fixe et que les autres bougent par rapport à lui, ni l’inverse. Tous se meuvent relativement à tous les autres et, en plus comme on va le voir, cela les soumet à des forces extérieures qui ont une influence sur leur vitesse et leur trajectoire.
En clair : la masse courbe les trajectoires, les lignes droites parfaites n’existent pas, et des parallèles peuvent se rencontrer ou se rapprocher (voir ci-dessous).
C’est ça qu’on appelle la courbure de l’espace, et qui est un des piliers de la relativité générale.
Cette notion permet notamment de comprendre que le trajet le plus court d’un point à un autre n’est pas forcément la ligne droite apparente, selon la courbure de l’espace. Dans cette géométrie dite « non-euclidienne », où plus rien n’est plat, le théorème de Pythagore, par exemple, ne fonctionne plus du tout !... Sauf en utilisant une discipline complexe, la géométrie riemannienne.
Bref, en découvrant et en utilisant la géométrie courbe pour expliquer la gravité, Einstein a fait un pas de géant dans la compréhension du monde qui nous entoure.
La suite de la vidéo est plus technique et approfondit notamment la notion de géodésique, qui montre comment des trajectoires courbes sont plus courtes que des trajectoires droites, ainsi que le comportement des ondes gravitationnelles, dont l’existence prédite par la relativité générale a été récemment confirmée.
F.C.
Une seule chose n’est pas relative : la vitesse de la lumière
Une fois qu’on a bien compris le principe de relativité, on réalise que dire par exemple qu’un objet se déplace à 100 km/h revient à dire ce sont les autres objets qui se déplacent à 100 km/h par rapport à lui (si l’on considère arbitrairement qu’il est fixe). Bref, les mesures des référentiels galiléens (encadré) sont toutes équivalentes. Ça, c’est ce qu’Einstein avait déjà expliqué dans la théorie de la relativité restreinte. Mais là où ça se corse, c’est que selon Einstein, il existe une chose qui n’est JAMAIS relative : la vitesse de la lumière (300 000 km/s.). C’est en incluant ce problème dans la théorie qu’il débouchera sur la relativité générale. Car la vitesse de la lumière est la même dans TOUS les référentiels. Or, depuis les calculs de Newton sur la gravitation, la science pensait que la force de gravité s’exerçait sur les corps de manière instantanée… donc plus vite que la vitesse de la lumière. Il y avait donc un problème théorique à résoudre – problème qui, paradoxalement ne résidait pas dans la nature de la lumière, mais en ce qu’il montrait que les équations de Newton étaient incomplètes. Pour résoudre le problème, Einstein s’est servi d’une observation connue des scientifiques, mais très contre-intuitive : on sait que tous les objets en chute libre tombent à la même vitesse (si l’on fait abstraction des frottements de l’air dans une atmosphère). Dans le vide au dessus d’une masse (la Terre par exemple), une plume, une pomme ou un marteau tombent exactement de la même façon, quelle que soient leur masse, leur forme ou leur composition.Tous en chute libre !
Einstein a poursuivi sa réflexion en faisant, comme souvent, une « expérience de pensée » (8’36 dans la vidéo) : imaginez que vous soyez dans un ascenseur, à un étage très élevé. Vous tenez une guitare dans une main et une tasse de café dans l’autre. Soudain, le câble de l’ascenseur lâche et la cabine tombe. Comme on l’a dit, en chute libre, tout tombe de la même façon : vous, la cabine, la guitare et la tasse, allez chuter de façon synchronisée. Si vous lâchez la guitare, vous allez la voir flotter et tomber à la même vitesse que vous. Votre expérience sera semblable à ce que vous verriez si vous étiez en apesanteur dans l’espace. En pensant à tout ça, Einstein a une idée de génie : il comprend qu’en fait, TOUS les objets sont en chute libre, dès lors qu’une masse quelconque affecte le volume d’espace dans lequel ils se trouvent. Ainsi, nous sommes en chute libre vers le cœur de la Terre – mais le sol nous retient. Un satellite en orbite basse chute vers la Terre, mais sa vitesse le maintient sur sa trajectoire. La lune est imperceptiblement en chute libre vers la Terre, mais son mouvement orbital ralentit cette chute circulaire. Revenons maintenant au « fonctionnement » de la gravité. Il faut bien comprendre encore une fois que les corps massifs ne créent pas un champ de gravité qui attirerait les objets à la manière d’un champ magnétique. En réalité, un corps massif provoque une courbure, un « rétrécissement » dans l’espace, ce qui modifie les trajectoires naturelles de tous les objets à proximité de leur champ gravitationnel. Pour bien comprendre cela, livrons nous à une autre observation : si on lâche deux pommes séparées d’un mètre, elles vont tomber en apparence de manière rectiligne et parallèle. Mais si on les fait tomber de très loin au-dessus de la Terre, leur trajectoire va se courber vers le centre de la Terre (la où la masse gravitationnelle est la plus importante).
