Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ?
L’intelligence émotionnelle, c’est la faculté de gérer ses émotions pour les mettre au service de sa relation avec autrui. C’est aussi la capacité à percevoir celles des autres en manifestant de l’empathie. On l’a déjà entendu, émotion et raison ne semblent pas faire bon ménage. Plus on a de l’un et moins on aurait de l’autre ! Mais cela n’est pas si simple, surtout depuis que la notion d’Intelligence émotionnelle a émergé dans les années 1990. Comprendre la logique de nos émotions, par la raison et l’expérience, c’est précisément ça l’intelligence émotionnelle. Pas forcément en construisant des raisonnements, mais en percevant naturellement le poids de nos émotions sur nos jugements et nos comportements. Mais aussi en percevant les émotions des autres, et en les prenant en compte dans notre rapport à eux, pour faciliter la relation aux autres ou dénouer des situations sociales dans lesquelles les émotions jouent un rôle. Une capacité, mais aussi une compétence Cette intelligence nous aide à réguler nos émotions en les comprenant mieux. Et, comme on l’a dit en introduction, à manifester de la compréhension à l’égard des autres, eux aussi sujets d’émotions, en faisant preuve d’empathie : car c’est elle qui permet de voir les choses à la place des autres, puis d’intégrer dans nos mots ou notre comportement les émotions que ces autres ressentent. L’IE est donc une capacité sociale, voire même une « compétence » sociale. Elle est d’ailleurs Il y a en outre peu de rapport entre intelligence émotionnelle et capacités intellectuelles « pures ». On peut avoir un QI fort mais une faible IE, et échouer dans des projets collectifs par manque de compréhension des autres. De nos jours, d’abord aux Etats-Unis et plus timidement en Europe, les entreprises accordent de l’importance à l’IE. Certaines tentent même de les évaluer dans leur processus de recrutement. Le chef d’entreprise Jean-Sébastien Gendron, que nous avons récemment interviewé, nous en a d’ailleurs parlé en évoquant la nécessité, chez les dirigeants, d’avoir « de la psychologie et de posséder une capacité d’écoute ». Dans l’entreprise en effet, les compétences qu’apporte l’intelligence émotionnelle sont utiles à plus d’un titre : résolution de problèmes, esprit d’équipe, gestion du stress, communication fluide, créativité, sens des responsabilités, souci de la qualité au service des clients… Sur tous ces points, l’IE est au moins aussi importante, voire plus, que le QI ! Bref, l’intelligence émotionnelle montre que l’intelligence humaine ne se réduit pas au seul quotient intellectuel, car la mesure de celui-ci ne relève que d’un test psychométrique qui fournit une évaluation quantitative standardisée, de surcroît indifférente à la personnalité intime des individus. La peur nous protège ! Faire preuve d’intelligence émotionnelle, c’est s’interroger sur la nature de nos émotions, leur fonctionnement et leur raison d’être. Car si on peut être tenté encore une fois d’opposer émotions et raison, celles-ci ont leur propre logique… pour notre bien ! En effet, si notre système nerveux est doté d’émotions, cela ne vient pas de nulle part et a une utilité concrète. Si je n’ai pas peur de rater mon train, je vais négliger l’exigence de ponctualité. Cette crainte, aussi faible soit-elle, va nous inciter à nous préoccuper de l’heure et à nous dépêcher. La peur du vide nous protège en nous évitant de prendre des risques inconsidérés au bord d’un précipice. Dans la psychologie de l’Humain, l’évolution a retenu la peur – une émotion parmi d’autres – parce que, en nous rendant plus prudent dans un environnement hostile, elle était utile à la survie des individus. Mais cela va plus loin que ça : les émotions nous aident à prendre des décisions rapides. Car le cerveau, par nature, est économe de l’énergie qu’il dépense. Il est donc doté d’automatismes pour agir plus vite. Par exemple, nos émotions sont marquées par des souvenirs depuis notre plus petite enfance, ce que le célèbre neurologue Antonio Damasio appelle les marqueurs somatiques. Grâce à ces marqueurs somatiques, notre cerveau réduit notre champ d’hésitation et d’incertitudes et augmente notre capacité de décision, sans que nous en ayons conscience. Prenons un exemple banal et sans conséquence. A la fin d’un repas au restaurant, on vous propose le choix entre deux desserts, une mousse au chocolat ou une tarte aux fraises. Loin dans votre enfance, sans même que vous en ayez conscience, vous avez forgé un souvenir qui associe une émotion négative à l’image d’une tarte aux fraises. Par exemple parce qu’une très mauvaise nouvelle est venue pourrir votre journée après un déjeuner conclu par une tarte aux fraises. Rien à voir avec le goût. Mais votre cerveau a associé les deux événements. Et lorsque dans votre vie surgit le choix « tarte aux fraises ou X ou Y », votre cerveau exclut automatiquement cette option pour vous faire gagner du temps – de manière totalement arbitraire – dans la prise de décision. Pour dire les choses autrement, les émotions négatives ou positives, parfaitement rationnelles du point de vue de notre système nerveux non conscient, sont des indications de ce que nous devons rechercher ou éviter, basées sur nos expériences passées. Plein de micro-décisions de notre quotidien sont prises de cette manière parce que des marqueurs somatiques se sont implantés dans notre psychologie au fil de notre vie. Comprendre pour apprivoiser On pourrait opposer à tout ce qui précède : OK, mais, bien souvent, nos émotions sont trop fortes, elles nous submergent et nous empêchent d’agir… Où sont l’intelligence et l’efficacité dans ce cas ? En quoi ces émotions nous aident-elles ? Eh bien précisément, l’intelligence émotionnelle est la capacité à percevoir la nature des émotions, les facteurs qui les déclenchent, afin de les décoder, de les canaliser et de les « apprivoiser ». Cela vient avec le temps, la maturité, mais avant tout en pratiquant l’introspection : savoir se regarder, agir et réagir avec recul pour comprendre ce qui se passe dans notre petite tête et notre corps capricieux 😉. Fabien Cluzel Les émotions primaires et universelles En psychologie, les spécialistes s’accordent globalement sur l’existence de 7 émotions universelles, dont 4 émotions primaires : la joie, la tristesse, la peur et la colère, auxquelles ont peut ajouter la surprise, le dégoût et le mépris. Le bureau des émotions Dans un épisode du Le bureau des légendes, une nouvelle recrue de la DGSE demande à Malotru s’il lui est jamais arrivé de se « prendre pour une merde. » Sa réponse : « me prendre pour une merde, non, mais avoir fait de la merde, oui. » Oser regarder ses faiblesses ou ses erreurs de manière lucide, sans pour autant se dévaloriser ou se dénigrer, voilà un exemple d’intelligence émotionnelle. Pour aller plus loin L’autre moi-même. Les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des émotions, Antonio Damasio.
A LIRE AUSSI SUR VIVRE AU LYCEE
de plus en plus reconnue comme telle, notamment dans le monde de l’entreprise : l’IE fait ici partie de ce qu’on appelle les « soft skills », les « compétences douces », par opposition aux compétences techniques et/ou académiques (les « hard skills »).L’évolution et le darwinisme, c’est tout bête !