Kant et la morale

Régulièrement, Vivre au Lycée publie des portraits de philosophes dont les idées et les thèmes sont au programme des épreuves du bac. A la manière d’une fiche pratique, ces portraits résument l’essentiel des faits et idées à retenir en vue de l’examen. Parmi les classiques, Kant et la morale.
Repères généraux
Emmanuel Kant (1724-1804) est un philosophe allemand du XVIIIème siècle. Sa philosophie est dite “critique”, dans le sens où elle s’applique à examiner les fondements, l’étendue légitime et les limites de la connaissance, de la morale et du jugement esthétique. L’essentiel du projet critique de Kant s’articule autour de trois grandes questions : “Que puis-je connaître ?” ; “Que dois-je faire ?” ; “Que suis-je en droit d’espérer ?”.
Son oeuvre est centrée autour de trois Critiques :
- Critique de la raison pure (1781)
- Critique de la raison pratique (1788)
- Critique de la faculté de juger (1790)
Grandes idées
Nous allons ici nous focaliser sur la deuxième question citée plus haut : Que dois-je faire ?
Cette question porte sur la morale et le devoir. Kant cherche à déterminer comment une action peut être évaluée comme bonne absolument. Il cherche des lois morales universelles.
La loi morale
Pour le dire le plus simplement possible : Kant cherche des lois morales qui soient applicables pour tous et en tout instant, quelles que soient les circonstances. Ces lois doivent permettre de répondre à la question : “Que dois-je faire ?”.
Kant écrit dans les Fondements de la métaphysique des mœurs : “Tout le monde doit convenir que pour avoir une valeur morale, c’est-à-dire pour fonder une obligation, il faut qu’une loi implique en elle-même une absolue nécessité” et ajoute que ce principe doit être cherché “a priori dans les seuls concepts de la raison pure”.
Deux choses ressortent ici. La première est le caractère absolu et nécessaire de la loi morale. En effet, pour Kant, l’action morale est inconditionnelle, c’est-à-dire qu’elle ne doit jamais dépendre des circonstances ou de mobiles égoïstes. La morale ne peut donc pas se réduire à la conscience d’un individu ou à ses sentiments et ne peut reposer que sur elle-même. Cela nous amène au second point : les lois morales doivent être cherchées dans la raison pure et en aucun cas dans l’expérience. Les lois morales existent donc a priori, c’est-à-dire hors de l’expérience.
L’impératif catégorique
Kant nomme impératifs les commandements de la raison. Ces impératifs expriment le rapport entre une loi objective de la raison et une volonté subjective. Les impératifs commandent les actions des individus. Kant distingue les impératifs catégoriques et les impératifs hypothétiques.
L’impératif hypothétique considère une action comme nécessaire, en tant qu’elle constitue un moyen pour arriver à une fin. Puisqu’elle est un moyen pour arriver à une fin, l’action ne peut pas être considérée comme bonne en soi. Cet impératif hypothétique pourrait par exemple s’exprimer par : “La fin justifie les moyens”.
L’impératif catégorique, quant à lui, représente une action considérée pour elle-même, comme objectivement nécessaire, sans rapport à un but quelconque et quelles qu’en soient les conséquences. C’est celui-ci qui doit servir de loi morale.
Il n’y a donc qu’un seul impératif catégorique, nous dit Kant, et c’est celui-ci : “Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle”. De cet impératif catégorique découle deux autres impératifs :
- Un impératif universel du devoir : “Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature”. C’est-à-dire que toute action, pour répondre à cet impératif de devoir, doit pouvoir être répétée par tous. Kant prend l’exemple d’un homme malade, en souffrance, qui envisage de mettre fin à ses jours. S’il considère le suicide comme un geste d’amour envers lui-même qui lui permettrait de sortir de sa souffrance, il faut qu’il se demande si ce principe d’amour peut s’ériger en loi universelle de la nature. Ce n’est pas le cas puisque la nature, dont le but est de pousser au développement de la vie, ne peut avoir comme loi l’autodestruction. Cet homme ne peut pas vouloir le suicide pour tous. Le suicide n’est donc pas un moralement bon, selon l’impératif universel du devoir.
- Un impératif pratique : “Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme moyen”. Autrui et moi-même devons toujours être considérés comme des personnes douées de dignité. Reprenons l’exemple de l’homme qui souhaite se suicider. Ici, nous dit Kant, s’il se détruit lui-même pour échapper à une situation pénible, l’homme se sert de sa propre personne comme d’un moyen en vue d’arriver à une fin. Le suicide ne répond donc pas non plus à ce second impératif.
Ce qu’il faut retenir
Kant cherche à fonder la morale sur la raison. Il cherche à déterminer ce qui fait d’une action qu’elle est moralement bonne. Il affirme qu’une action est moralement bonne si elle est animée par le seul souci de respecter la loi morale et non pas parce que la situation s’y prête ou que cette action serait favorable à notre bonheur. Ainsi, toute action doit pouvoir répondre à cet impératif catégorique : “Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle”.
Le terme à bien retenir
L’impératif catégorique est un impératif moral, un devoir distinct de tout mobile sensible et indépendant de tout contexte particulier. Il est inconditionnel et en cela se distingue de l’impératif hypothétique, qui lui est conditionnel.
Fanny Aici
Le saviez-vous ?
Emmanuel Kant n’est pas connu pour avoir eu une vie particulièrement palpitante. Il avait des habitudes et une routine parfaitement réglées. Il se levait tous les matins à la même heure, allait toujours se promener aux mêmes horaires, invitait toujours le même nombre de convives à table… Il était si précis dans son organisation qu’on dit que ses voisins avaient l’habitude de régler leur montre sur les promenades de Kant.
Les citations
“Tout le monde doit convenir que pour avoir une valeur morale, c’est-à-dire pour fonder une obligation, il faut qu’une loi implique en elle-même une absolue nécessité.” – Kant, Fondements de la Métaphysique des moeurs (1785)
“L’impératif catégorique serait celui qui représenterait une action comme nécessaire pour elle-même, et sans rapport à un autre but, comme nécessaire objectivement.” – Kant, Fondements de la Métaphysique des moeurs (1785)
La référence incontournable
Si vous voulez en savoir plus sur la philosophie morale de Kant, on vous conseille de lire les Fondements de la métaphysique des mœurs. Il est assez court et accessible.
Comprendre Kant avec Monsieur Phi
Source photo : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:PSM_V64_D479_Emmanuel_Kant.png#filelinks