Hedy Lamarr, la star d’Hollywood à qui l’on doit le Wi-Fi !
Star d’Hollywood dans les années 40 et 50, Hedy Lamar a incarné des rôles de femmes fatales et de grandes séductrices qui l’ont rendue mondialement célèbre. Et pourtant, sa contribution à la grande Histoire va bien au-delà du 7e art. A côté d’une riche carrière cinématographique, elle est l’inventrice d’une innovation incontournable dont nous aurions bien du mal à nous passer ! Née en 1914, Hedwig Eva Maria Kiesler est la fille unique d’un couple d’Autrichiens issus de la grande bourgeoisie. Elle vit une enfance dans un milieu très aisé et privilégié, et bénéficie d’une très bonne éducation. Elle est par ailleurs très belle, et remporte à 12 ans un concours de beauté. Jeune, elle s’intéresse beaucoup au théâtre et au cinéma. Elle sera profondément marquée par le célèbre film Metropolis de Fritz Lang, sorti sur les écrans en 1927, qui lui donnera envie de devenir actrice. Curieuse de tout Hedwig est curieuse et s’intéresse à tout. Lors de leurs nombreuses promenades, son père lui parle des technologies, et ses biographes ont rapporté qu’elle bricolait régulièrement chez elle. A 16 ans, en pleine crise économique (on est en 1930), et notamment pour aider ses parents en difficulté, elle tente sa chance et réussit à rentrer dans un studio de cinéma viennois. Elle abandonne alors l’école pour se consacrer entièrement à sa carrière naissante. Elle va, dans les années qui suivent, rencontrer de nombreux réalisateurs en pleine ascension. Beaucoup succombent à sa beauté, à sa détermination et à son talent, et elle tourne dans ses premiers films. Le premier orgasme du cinéma Elle devient mondialement célèbre à 19 ans à l’occasion de la sortie du film avant-gardiste tchécoslovaque Extase (1933) dans lequel elle fait ce qui ne s’était jamais vu au cinéma et suscita un grand scandale: elle joue une scène nue, la caméra progressivement centrée sur son visage, dans laquelle elle simule un orgasme. Elle dira plus tard l’avoir joué naïvement sans se poser de question. Le film sera moralement condamné par de nombreuses autorités, dont le pape Pie XII, et le film est interdit dans de nombreux pays ou projeté dans des versions expurgées de la scène sulfureuse. Son premier mari (elle en aura six), Friedrich Mandel, épousé la même année que la sortie du film, tentera même d’en racheter toutes les bobines ! Mais au-delà de cette anecdote, aux côtés de cet homme, richissime industriel de l’armement, Hedwig nourrit son insatiable curiosité pour tout ce qui à trait à la science et aux technologies, et notamment militaire. Un détail qui va beaucoup compter… Pendant plusieurs années, Hedwig n’apparaît plus sur les écrans. Elle mène une vie très mondaine, rencontre le gratin de la société autrichienne mais aussi allemande. Et elle est toujours escortée par un mari très possessif ! Elle le quitte en 1937 et aura notamment une liaison avec le romancier allemand Eric Maria Remarque, dont le roman célèbre A l’ouest rien de nouveau est un classique de la littérature scolaire que vous avez peut-être déjà lu. Une figure séductrice d’Hollywood Elle continue de rencontrer des réalisateurs, traverse l’Atlantique en 1938 et parvient à décrocher un contrat avec la MGM, le plus gros studio d’Hollywood. Désormais sous le nom d’Hedy Lamarr, elle va enchaîner les succès et devenir l’une des grandes figures séductrices d’Hollywood, incarnant régulièrement l’archétype de la femme fatale, froide et calculatrice. Souvent qualifiée de « plus belle femme du cinéma », elle multiplie les conquêtes masculines, pas seulement grâce à sa beauté, mais aussi parce qu’elle a un caractère bien trempé ! Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, elle se lance dans la production de films avec un succès mitigé, et continue de tourner dans de grandes productions, jusqu’à la fin des années 50. Après quoi sa vie s’inscrira dans les pages des faits divers : kleptomanie, surmenage, hospitalisations, poursuites judiciaires, chirurgie esthétique ratée… Elle finit recluse dans son appartement en Floride, passant ses journées au téléphone (bien avant les smartphones !), mais ne rencontrant quasiment plus personne en chair et en os. Elle meurt en 2000 à 85 ans. Vu ainsi, cela pourrait être une biographie parmi d’autres d’une star d’Hollywood. Mais Hedy a eu, pour ainsi dire, une vie parallèle ! War bonds et pianos mécaniques Aux Etats-Unis, elle compte parmi ses grands amis le pianiste et compositeur d’avant-garde américain George Antheil, dont elle partage les convictions anti-nazies et antifascistes. On leur prête également un intérêt commun pour les questions d’armement Une fois les Etats-Unis rentrés en guerre fin 1941, Lamarr s’implique en faveur de l’effort de guerre, par exemple en participant activement aux campagnes de promotion populaires des obligations de guerre (emprunts auprès des citoyens pour financer la guerre). Elle se rendait dans les points de vente de ces war bonds dans les grandes villes, et faisait la bise aux citoyens qui en achetaient ! Autant dire qu’il y avait affluence… Mais sa contribution pourrait aller bien plus loin… Informée et préoccupée par les dommages causés sur mer par les navires ennemis, Lamarr va beaucoup réfléchir au moyen de rendre plus efficaces les torpilles contre l’ennemi. Rien d’étonnant, car depuis son mariage avec Mandl, que ce soit avec lui ou son entourage militaire qu’elle a beaucoup fréquenté, elle a énormément appris sur les technologies militaires, et notamment sur les technologies balbutiantes des missiles guidés. De son côté, George Antheil est familier avec une technique récente et pointue : celle des systèmes de contrôle automatique et des sauts de fréquence, qu’il utilisait dans certaines de ses compositions musicales, mais aussi pour faire fonctionner des pianos mécaniques, qui jouaient des programmes inscrits sur des rouleaux de bandes perforées. Du GPS au Bluetooth Hedy et George vont associer leurs talents pour aboutir à l’invention d’un système de transmission utilisant l’étalement de spectre par saut de fréquence. Pour faire simple, cette technique consiste à transmettre des signaux radios en utilisant des fréquences aléatoires seulement connues du récepteur et de l’émetteur du message (ou signal). L’idée est de permettre aux torpilles radio-guidées de changer de fréquence de transmission pour atteindre plus efficacement leur objectif. Cette innovation géniale de Lamarr et d’Antheil, qui déposent en 1941 un brevet de codage des transmissions sous leur deux noms, aurait permit aux torpilles radio-guidées de rendre leur détection pratiquement indétectable. Mais on dit bien « aurait », car à l’époque (où, soit-dit en passant, Hedy n’a que 27 ans !), la Marine américaine n’a pas saisi l’opportunité de l’exploiter ! Ce n’est que bien plus tard que les militaires américains s’y intéresseront, l’exploitation du procédé ayant été rendu plus facile grâce aux progrès de l’électronique. Le brevet tomba dans le domaine public en 1959, et fut dès lors exploité par les fabricants de matériels de transmission, surtout dans les années 1980. Et, depuis, le principe de transmission par étalement de spectre par saut de fréquence est utilisé dans une multitude de domaines et d’outils très contemporains : positionnement des satellites (GPS), liaisons militaires codées, téléphonie mobile, Bluetooth et Wi-Fi ! Sciences vs Beauté ? Hedy n’apprit qu’en 1973, à 59 ans, que son invention était utilisée par les militaires. Elle tenta alors d’en obtenir quelques droits et retombées financières, mais, lors du dépôt de brevet en 1941, en pleine guerre, elle et Antheil avait rendue l’utilisation du brevet libre de droits pour l’armée américaine. En 1997, son travail a été reconnu lorsqu’elle a reçu le prix Pioneer Award de l’Electronic Frontier Foundation, à 82 ans. Aujourd’hui, un prix autrichien d’invention porte son nom, et depuis 2005, le 9 novembre, jour de sa naissance, est la journée de l’inventeur dans les pays de langue allemande. Hedy Lamarr est-elle passée à côté d’une vocation qui aurait pu inscrire son nom dans les grandes pages de la science ? Nous laisserons le mot de la fin à l’historienne américaine du cinéma Jeanine Basinger, pour qui Hedy Lamarr « aurait très bien pu devenir une scientifique, mais c’est une option qui a pâti de sa grande beauté ». Fabien Cluzel Vintage, pas vrai ?