Bac français : Alcools d’Apollinaire
Les œuvres au programme de l’oral de français, qui sont au nombre de douze, sont pour le moins éclectiques ! Alors, pour vous aider à naviguer à travers ce programme littéraire, Vivre au lycée vous propose des fiches concentrées sur les œuvres et leurs auteurs. Aujourd’hui, nous partons à la rencontre d’Apollinaire, célèbre poète et critique d’art, et de son recueil de poèmes Alcools. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES De Wilhem Kostrowitzky à Apollinaire Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky naît à Rome le 26 août 1880. Il fait à Monaco de bonnes études, au cours desquelles il étudie notamment la Bible, les mythes antiques et les légendes médiévales. En 1889, il s’installe avec sa famille à Paris et, pendant les années qui suivent, il envoie régulièrement des poèmes et des contes à des revues qui les refusent. En 1901, le vent tourne pour Apollinaire qui publie trois poèmes sous le nom de Wilhem Kostrowitzky, puis un conte en 1902 sous le nom d’Apollinaire. Dès lors, les publications se succèdent, il collabore avec plusieurs revues et fonde même la sienne, Le Festin d’Esope. En 1904, il devient l’ami de Picasso et de Max Jacob (poète, romancier et peintre). La rencontre de ces trois personnages va déterminer l’élaboration d’une esthétique nouvelle : le cubisme. Apollinaire consacre alors une partie de son activité à la critique d’art et s’emploie à faire connaître ses amis peintres, en défendant l’esthétique cubiste et les tendances nouvelles. Une mort prématurée En 1913, il réunit ses écrits sur l’art dans Les Peintres cubistes – Méditations esthétiques et recueille dans Alcools des poèmes déjà parus dans diverses revues renommées. Lorsque la guerre éclate en 1914, il s’engage dans l’artillerie. En première ligne, en Champagne, il continue son activité poétique. L’OEUVRE EN CONTEXTE L’art, témoin de l’évolution des sociétés Apollinaire commence à publier à une époque qui voit s’éteindre le symbolisme, le courant littéraire dominant entre 1886 et 1890. Héritée de Baudelaire qui en était le précurseur, l’esthétique symboliste a été portée notamment par Arthur Rimbaud, Paul Verlaine et Stéphane Mallarmé. Les symbolistes ont une conception spirituelle du monde, ils utilisent des images et des analogies pour évoquer le monde, pour suggérer des idées abstraites. Ils rompent ainsi avec les certitudes matérialistes et scientifiques du naturalisme et du positivisme. Cette conception du réel ne semble plus coller au monde du début du XXème siècle, une époque qui voit naître un monde en mouvement perpétuel, fait de changements idéologiques et d’avancées technologiques et artistiques. La naissance du cubisme C’est dans ce contexte que, côté peinture, le cubisme va se développer et qu’il participe à un élan de renouveau, qui vise notamment à rompre avec la peinture académique et avec ses règles. Apollinaire, qui fait partie de ce renouveau cubiste, va s’inspirer des expériences esthétiques faites par ses amis peintres dans ses propres travaux littéraires. Selon ses propres mots, « Ce qui différencie le cubisme de l’ancienne peinture, c’est qu’il n’est pas un art d’imitation, mais un art de conception qui tend à s’élever jusqu’à la création. En représentant la réalité-conçue ou la réalité-créée, le peintre peut donner l’apparence de trois dimensions, peut en quelque sorte cubiquer. ». L’OEUVRE Une œuvre hétéroclite Alcools recueille des poèmes écrits entre 1898 et 1913, soit sur 16 années d’écriture. Tout cela donne donc évidemment des poèmes très hétéroclites. Le recueil n’est pas classé par ordre chronologique. La composition est au contraire éclatée, discontinue et non-linéaire. Apollinaire fait le choix d’ouvrir son recueil avec le poème “Zone”, son poème à l’époque le plus récent, qui est un hymne à la modernité et qui consacre une rupture avec le passé dès son premier vers : “A la fin tu es las de ce monde ancien”. Cela témoigne de l’importance de la thématique de la modernité dans l’ensemble du recueil. Cette thématique fait également la clôture, avec le dernier poème “Vendémiaire”, qui répond au premier. Si “Zone” marque une rupture avec le passé, “Vendémiaire” lance un appel aux “Hommes de l’avenir”. Cette modernité est présente à la fois dans les thématiques abordées dans les poèmes, comme la vie urbaine, à la fois dans la structure même de la forme poétique, qui est éclatée et morcelée. Pourquoi des alcools ? Le recueil devait initialement se nommer Eau-de-vie, mais Apollinaire a changé d’avis au dernier moment et a opté pour Alcools. Le titre final mérite de s’y attarder un peu. En effet, le choix d’Apollinaire de parler d’alcools au pluriel et non au singulier renvoie à plusieurs significations. Il n’y a pas qu’un seul alcool, mais plusieurs. Ces plusieurs alcools renvoient à la multiplicité des points de vue de l’esthétique cubiste sur le destin d’un homme. Ils symbolisent les souffrances et les échecs, mais aussi la violence présente dans les milieux populaires, la prostitution, la délinquance, les blessures… Et dans la structure même de l’œuvre, il faut relever le fait que le vin constitue un fil rouge. On voit ainsi au fil des poèmes qu’Apollinaire n’ancre pas son œuvre dans un univers bourgeois, mais bien dans un imaginaire populaire, peuplé de bars et d’hôtels bon marché. Amour et vie moderne La recueil, de nature hétéroclite, aborde plusieurs thématiques à travers les différents poèmes. Nous l’avons vu, la modernité est un thème central. Mais le recueil aborde également la thématique de l’amour, toujours perçu sous l’angle des blessures du cœur. On la retrouve dans les poèmes “Marie”, “Cors de chasse”, “Zone” ou encore “Le pont Mirabeau” qui est, selon les propos du poète, “la chanson triste [d’une] longue liaison brisée. Fanny Aici “Qu’il s’agisse de la strophe, du vers, de la rime, Apollinaire amalgame, loin de les opposer, toutes les techniques possibles. Il n’innove jamais qu’en conservant, se livrant à d’incessantes variations entre ces deux limites extrêmes que sont la règle rigoureuse et la liberté totale” – Michel Décaudin, Alcools de Guillaume Apollinaire, Gallimard, 1993
En 1917, il continue de publier des poèmes dans des revues, il termine son roman La Femme assise et prépare un recueil de ses poèmes de guerre. Ce recueil, Calligrammes, sera publié en avril 1918. Le 9 novembre de cette même année, il meurt à 38 ans des suites d’une grippe infectieuse.
A retenir…