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Clémence Vorreux (Shift Project) : « 90 % de l’impact carbone d’un smartphone est produit lors de sa fabrication »

22 mai 2020
 
Parce que la transition énergétique est plus que jamais au cœur de l’actualité, Vivre au Lycée est allé à la rencontre d’une organisation en pointe sur le sujet, The Shift Project. Nous y avons rencontré Clémence Vorreux qui coordonne les projets liés à l’enseignement des enjeux climat-énergie auprès des jeunes. Attention : ce qu’elle a à nous dire ne va pas forcément vous plaire !

Pouvez-vous nous présenter The Shift Project en quelques mots ?

The Shift Project est un Think tank, c’est-à-dire un laboratoire d’idées, à mi-chemin entre l’association environnementale et le centre de recherches. Il a été fondé en 2010 par Jean-Marc Jancovici, expert en transition énergétique et membre du Haut conseil pour le climat. L’organisation est reconnue d’intérêt général, elle n’a pas vocation à faire du profit.

Quelle est sa mission ?

Eclairer et influencer le débat sur la transition énergétique et climatique, en France et en Europe. Eclairer, cela veut dire conduire des études, faire des analyses et produire des rapports sur certains sujets qui ont trait à la transition énergétique (bâtiment, transport, énergie…), mais aussi sur des sujets transversaux comme la finance et le numérique, ou plus récemment l’enseignement supérieur.

Influencer, c’est mener un travail de lobbying. Nous assumons le terme ! Nous portons les conclusions de nos travaux auprès des décideurs : institutions, membres du gouvernement, élus, parlementaires, directions d’établissement, patrons de grandes entreprises… Pour leur dire que la transition énergétique les concerne et qu’ils peuvent, qu’ils doivent agir.

Un objectif : former tous les étudiants aux enjeux climatiques et écologiques

Selon votre rapport Mobiliser l’enseignement supérieur pour le climat, rendu public en mars 2019, seulement 11 % des formations supérieures abordent actuellement les enjeux climat-énergie de manière obligatoire. 76 % des formations ne proposent aucun cours abordant les enjeux climat-énergie à leurs étudiants, et 7 % seulement des formations dans les universités proposent un cours obligatoire dédié aux enjeux climat-énergie. Quelles réactions ce rapport a-t-il suscité, et quels progrès avez-vous observé du côté de l’enseignement supérieur, ou de l’Education nationale ?

Il a suscité beaucoup de réactions, plus qu’attendues. Le sujet n’avait jamais été traité. On entend parler des métiers verts ou verdissants, mais il n’y avait pas de réflexion sur la question de la formation généralisée, qui relève du projet de société. Il faut que tout le monde, et pas seulement les spécialistes, ait une connaissance des enjeux. Par exemple, un fonctionnaire, un élu, un journaliste, un enseignant… sont au cœur de l’intérêt général, et donc doivent être formés aux enjeux de la transition énergétique pendant leurs études.

Nous avons réussi à mettre ce sujet au devant de l’actualité, au moment d’ailleurs où se produisait une mobilisation étudiante et des marches pour le climat un peu partout en Europe. Beaucoup de directions d’établissement nous ont contactés pour nous dire que notre rapport les faisait réfléchir, des enseignants se sont manifestés pour demander un accompagnement. Des chefs d’établissement d’enseignement supérieur ont pris des engagements, certains ont par exemple fait des « rentrées climat », avec des conférences.

Dans la foulée, nous avons lancé un appel pour former tous les étudiants aux enjeux climatiques et écologiques, qui a rencontré beaucoup de succès : plus de 150 chefs d’établissement l’ont signé, plus d’un millier d’enseignants, des étudiants, des citoyens… Les médias en ont beaucoup parlé, nous avons reçu des réactions positives du milieu universitaire. Après cela, nous avons réfléchi à la déclinaison législative de cet appel pour qu’il se traduise concrètement. Il y a eu une proposition de loi au mois de septembre visant à généraliser l’enseignement des enjeux liés aux ressources, à la biodiversité et à la transition énergétique. Elle est toujours en discussion. Nous sommes satisfaits que le sujet ait été inscrit à l’ordre du jour de l’agenda politique.

Le rapport observe que certains étudiants, par manque d’enseignement, « se tournent vers l’auto-formation parfois en s’appuyant sur des sources peu fiables ». Sur cette question des sources et des ressources, lesquelles conseillez-vous ?

C’est là un vrai sujet, car même les enseignants ont du mal à identifier les bonnes sources.

Je citerai d’abord les données du GIEC : les résumés aux décideurs des rapports sont de très bonnes bases, et relativement accessibles, ainsi que les conclusions, et les parties synthétiques en général. Et ensuite l’UVED (Université virtuelle Environnement & Développement durable), qui met à disposition de nombreux MOOC. C’est fait par des experts, des vrais, les donnée et ressources sont fiables, sérieuses et gratuites.
 
 
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80 % de la bande passante mondiale du Net est consommé par les vidéos

Vous dites que « décarboner l’économie requiert des compétences dans tous les secteurs et pour tous les métiers ». Quels secteurs, quelles activités, quels métiers vont impliquer cette transition, mais auxquels on ne pense pas forcément spontanément ?

Tous les secteurs, toutes les activités et tous les métiers ! Les ingénieurs sont concernés, parce qu’ils travaillent sur l’énergie et la transformation de la matière. Les écoles de commerce aussi, parce que le management implique de prendre des décisions qui ont des impacts sur l’environnement et la consommation d’énergie (achats, transports de marchandises, logistique, mobilité des personnels…). Tout ce que fait l’entreprise est lié à la transition énergétique. Autre exemple, l’informatique : bientôt, les services d’information des entreprises vont être appelés à réduire leur empreinte énergétique. Aujourd’hui, la plupart des systèmes informatiques ne sont pas optimisés. Il y a des process à mettre en place partout, dans tous les secteurs, pour atteindre cette optimisation : patrimoine immobilier, transport, alimentation, consommations et production… Dans le secteur des services aussi, en optimisant la mobilité par exemple, ou les bâtiments publics (celle des agents comme celle des usagers).

Il faut savoir que des organisations et des entreprises organisent parfois des concours entre les employés, des défis pour économiser l’énergie, et arrivent à faire des économies jusqu’à 30 à 40 % de leur facture... Ce sont des initiatives qui fonctionnent ! Mais encore faut-il y avoir été formé…

Même le secteur culturel est concerné : par exemple, quel va être le nouveau business model [modèle économique : équilibre entre les recettes et les dépenses pour faire simple ! NdlR] de la culture si des millions de touristes chinois cessent de se déplacer pour venir admirer notre patrimoine ? Idem dans la santé : les virus se propagent plus vite avec le dérèglement climatique… La production de médicaments et leur transport requiert beaucoup d’énergie... Il faut se projeter, que les métiers de demain intègrent toutes ces questions pour être en capacité de relever les défis. Tout cela est lié à un projet de société qui serait sobre en consommation d’énergie, et ainsi plus résilient.

Dans une vidéo sur la pollution numérique qui a eu beaucoup d’écho, Jean-Marc Jancovici explique que 80 % de la bande passante mondiale du Net est consommé par le visionnage de vidéos. 13 % de cette même bande passante est consommé par un seul opérateur, Netflix… D’abord, pouvez-vous nous expliquer le lien centre ce chiffre et les gaz à effet de serre ?

On parle de quelque chose d’invisible et de dématérialisé, donc de difficile à concevoir. On a tendance à penser que tout ce qui est invisible n’a pas d’impact. C’est faux, les conséquences sont juste délocalisées.

La bande passante du web repose sur des data centers dont l’électricité est fournie par les énergies fossiles, dont la production émet de grandes quantités de gaz à effet de serre. Ce sont des systèmes très énergivores. Quand on regarde une vidéo en streaming, il y a à l’autre bout du monde un système avec des machines qui consomment beaucoup d’énergie.

Mais il y a aussi la production de l’outil (téléphone, tablette, ordinateur…) : 90 % de l’impact carbone d’un smartphone est produit lors de sa fabrication. Sa durée de vie moyenne est de deux ans, alors qu’il a un impact considérable en termes de ressources et de consommation d’énergie. Il faut ajouter à ça tous les réseaux sur lesquels circulent les informations, aux aussi très énergivores et consommateurs de matériaux pour les construire et les entretenir.

« Tout est fait pour inciter l’utilisateur à aller au-delà de son besoin »

Une solution consisterait à regarder ces vidéos en basse définition… Mais les spectateurs sont-ils prêts à perdre du confort ? Est-ce que le recours au DVD est écologiquement « meilleur » que le streaming ?

La vidéo en ligne génère 60 % des flux de données mondiaux et 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit autant que l’Espagne. C’est ce que montrent nos travaux.

La question est : pourquoi regarde-t-on des vidéos ? Et est-ce qu’on les regarde vraiment ? Par exemple la musique sur YouTube : on écoute, mais on ne regarde pas ou peu. On peut donc diminuer la qualité de ces vidéos, la paramétrer par défaut sur une faible résolution, puis rétablir une bonne définition lorsqu’on regarde vraiment. Pour nous, ce n’est pas forcément l’utilisateur le « méchant », mais le système : il est conçu pour que la consommation d’énergie de ces supports vidéo soit maximale. Il faudrait que par défaut YouTube paramètre une qualité vidéo minimale. On peut facilement faire des gestes pour que nous consommions moins d’énergie. Par exemple, désactiver (quand c’est possible) le mécanisme qui fait s’enchaîner les vidéos toutes seules, qui fait qu’alors qu’au départ on est venu voir un sujet, on reste devant son écran et on consomme de la vidéo (et de la bande passante) pendant des heures. Tout est fait pour inciter l’utilisateur à aller au-delà de son besoin, mais chacun peut dire « stop ».

Il y a par ailleurs des situations absurdes, par exemple la surenchère de la qualité des écrans télé : au-delà d’une certaine qualité, nos yeux ne sont plus capables de percevoir la différence entre une ancienne et une nouvelle technologie.

Concernant la pollution liée à l’extraction des métaux utilisés pour fabriquer des smartphones, quelles sont les alternatives ? Que peut-on faire, ou que doit-on faire ?

Il y a beaucoup à faire et à dire ! D’abord, on peut essayer de faire durer nos smartphones. Aujourd’hui, on les change trop souvent, trop tôt… Notamment à cause de l’obsolescence programmée par les fabricants (voir dernière condamnation d’Apple). Mais les consommateurs commencent à en prendre conscience. Au Shift Project, nous incitons les organisations (entreprises, collectivités) à ne pas renouveler leur parc informatique ou téléphonique trop souvent, à le rendre plus sobre en énergie, à faire réparer plutôt qu’à changer, quand c’est possible. Et puis à recycler ! La part du recyclage est très faible aujourd’hui, car ça coûte très cher parce qu’il faut « redissocier » les métaux rares qui sont assemblés dans les smartphones, et cela demande beaucoup de manipulation et d’énergie.

Tant qu’on ne paye pas le prix environnemental des métaux rares qui sont utilisés, on ne peut pas assurer au produit ce recyclage, une fin de vie respectueuse de l’environnement.

La question est : comment faire payer ce prix ? Il faudrait payer plus cher notre téléphone, mais on le garderait plus longtemps. Quand au problème des logiciels obsolètes, qui rendent à leur tour notre téléphone obsolète, c’est un problème du système, et donc de règlementation.
 
 
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« Le numérique est la première ressource dans notre histoire qui soit perçue comme illimitée »

La sobriété numérique, en quoi ça consiste ? Et est-ce réaliste pour des usagers, pour ne pas dire des consommateurs, qui sont nés avec le numérique et le tout connecté ?

Nos travaux ont montré que la consommation d’énergie du numérique est aujourd’hui en hausse de 9 % par an. La part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre a augmenté de moitié depuis 2013, passant de 2,5 % à 3,7 % du total des émissions mondiales. Et la tendance est à la numérisation systématique de tous nos supports et usages, sans considération de l’utilité réelle de l’opération.

La sobriété, ça consiste à revenir au besoin. A quel moment le recours au numérique répond à un besoin, est utile, ou apporte une valeur ajoutée ? La tendance aujourd’hui est de tout numériser. Ça fait moderne, ça génère du PIB [produit intérieur brut, qui quantifie la richesse globale produite par un pays, NdlR], mais les conséquences invisibles sont bien réelles. Il faut bien comprendre que le numérique est la première ressource dans notre histoire qui soit perçue comme illimitée. Jamais on n’avait eu ça avant. Aujourd’hui, nous avons des abonnements avec consommation illimitée… C’est difficile pour les jeunes générations qui n’ont connu que ça de faire un effort. Or, il s’agit d’une considération sociétale majeure à laquelle il faut former les plus jeunes, afin que chacun soit capable de prendre du recul, et réfléchir au lien entre son usage et son besoin.

On ne pourra pas échapper à la sobriété numérique, parce que les chiffres montrent qu’on ne pourra pas éternellement suivre cette trajectoire de consommation. On va y être confronté de toute façon, qu’on le veuille ou non : nous allons devoir consommer moins d’énergie d’ici à quelques années. Donc, autant s’y préparer, s’y former, et amorcer une trajectoire qui soit vivable et contrôlée. Mais il y aura des résistances ! Pour l’anecdote, j’ai vu dans une école d’ingénieurs des élèves refuser l’obligation de s’équiper d’un ordinateur – sans succès d’ailleurs. Imposer l’ordinateur aux jeunes dans le système éducatif, c’est pour moi la première dynamique à casser.

Est-ce que The Shift Project « recrute » dans les lycées ? Ou disons, cherche à se faire connaître des plus jeunes pour les intéresser à sa mission ?

Nous sommes plus présents dans les universités ou dans les écoles où on nous demande d’intervenir. Nous avons quelques sollicitations en lycée. Des shifters bénévoles forment des conférenciers pour intervenir dans les établissements. Si des lycéens ou un lycée sont intéressés pour accueillir une intervention, il suffit de nous écrire à communication@theshiftproject.org.

« Vous pouvez mobiliser vos enseignants pour qu’ils abordent davantage le sujet de la transition énergétique »

Si je suis lycéen(ne), qu’est-ce que je peux faire dans mon lycée pour que les choses bougent ?

D’abord, faire en sorte de ne pas se sentir seul. Lire de bonnes sources pour comprendre, s’entourer d’adultes bienveillants qui connaissent bien le sujet, se rendre à des conférences, solliciter les enseignants. Pour agir, il y a beaucoup de choses à faire. On peut être éco-délégué dans son établissement. Dans une perspective de sensibilisation et de formation comme celle du Shift Project, vous pouvez mobiliser vos enseignants pour qu’ils abordent davantage le sujet de la transition énergétique. Et pas seulement en SVT, mais aussi en géographie, en histoire… Ou aller voir le chef d’établissement pour discuter avec lui de l’isolation des bâtiments, l’alerter sur l’absence de pistes cyclables pour venir à vélo au lycée… Demander plus de solutions de transports collectifs, rationnaliser l’usage du papier ET du numérique ; à la cantine, chasser le gaspillage et demander des produits locaux et de saison, et moins de viande (surtout rouge)… Beaucoup de messages peuvent être portés.

Vous êtes passé par un IEP. Quels conseils donneriez-vous à des lycéens intéressés par cette filière ?

Pour ma part, je parlais très bien anglais car j’avais fait un séjour d’immersion, et ça m’a beaucoup servi lors du concours d’entrée ! Pour se préparer, il faut lire beaucoup, s’intéresser à des sujets de culture générale, être à jour du programme mais aussi appliquer le jour venu une bonne méthodologie. Et attention à l’orthographe : même une bonne copie sur le fond peut être très mal notée si celle-ci n’est pas au niveau.

Et surtout ne pas s’autocensurer : je n’aurais jamais osé passer le concours si mon grand frère ne m’y avait pas poussée, car je manquais de confiance en moi. Je lui ai fait confiance, je me suis dit « pourquoi pas ? » Quand bien même on aurait peur de ne pas le réussir, c’est intéressant de le passer, ne fut-ce que pour s’entraîner… et ne pas avoir de regret plus tard !

Propos recueillis par Fabien Cluzel
 
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