Comment définir le bonheur ?
On court tous après. Le bonheur figure même dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, en tant qu’objectif à atteindre, et dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme. Mais comment le définir ?
La Larousse définit le bonheur comme un « état de complète satisfaction ». Mais encore ? Vivre au Lycée a tenté d’aller plus loin…
Le bonheur en philosophie
Le bonheur a intéressé les penseurs dès l’Antiquité, quand Aristote, Épicure, Cicéron et Sénèque (parmi d’autres) se sont interrogés au sujet des conditions qui lient et opposent le bonheur durable et le plaisir passager, tout en se questionnant sur le concept de bonheur en tant qu’état collectif.
Aristote a ainsi défini le bonheur comme le but suprême à atteindre dans la vie. Le plus difficile étant que toujours selon Aristote, le bonheur n’est pas quelque chose que l’on peut trouver à l’extérieur mais en soi-même. Celui-ci étant lié à la raison et à toutes les spécificités qui font de nous des êtres humains. Aristote a aussi mis en relation nos rapports avec les autres comme autant de facteurs qui peuvent influencer le bonheur ou au contraire l’absence de bonheur.
Sénèque quant à lui, a défini le bonheur à partir du concept de stoïcisme. Ainsi, Sénèque a souligné que le bonheur n’avait rien à voir avec ce que l’on peut envier chez les autres, comme par exemple la puissance ou la richesse. Il a aussi mis en exergue le paradoxe selon lequel les hommes recherchent souvent le bonheur à tout prix sans vraiment le comprendre. Une incompréhension du bonheur qui, selon lui, contribue au fait que la majorité des personnes ne le trouve jamais vraiment.
« Rien n’a plus d’importance que d’éviter de suivre, comme le font les moutons, le troupeau de ceux qui nous précèdent, nous dirigeant non pas où il faut aller, mais où il va ». Cette citation de Sénèque illustre bien sa conception du bonheur. Pour lui, la foule a toujours tort et celui qui s’y réfugie est donc condamné à s’égarer. Le meilleur moyen d’oublier sa propre raison et donc de s’éloigner de la vraie idée d’un bonheur durable.
Bonheur et matérialisme
Au fil des siècles, la conception du bonheur s’est diversifiée. De plus en plus souvent, le bonheur est relié aux possessions. Alors que la religion a depuis longtemps affirmé que le bonheur ultime n’était possible qu’au Paradis, après la mort donc, et que sur Terre, l’Homme pouvait atteindre la béatitude dans la prière afin notamment de préparer sa « vie d’après », les philosophes ont souvent cherché l’alternative. Ces derniers s’intéressant non plus à « l’après » mais au « maintenant », en étudiant la notion de bonheur et en cherchant à établir des préconisations pour l’atteindre de manière durable. Pour les penseurs, toute idée de bonheur est reliée à la façon de percevoir le monde et d’y évoluer dans les meilleures conditions.
Bonheur et politique
Au XVIIIe siècle, le bonheur collectif semble l’emporter sur le bonheur individuel. La démocratie découle alors de cette recherche de bonheur collectif, avec des hommes politiques élus par le peuple, qui sont chargés de créer une société propice à l’épanouissement général. Une idée qui, on le sait aujourd’hui, avait tout d’une utopie.
Le bonheur selon Nietzsche et Marx
Le philosophe allemand Friedrich Nietzsche a une conception bien particulière du bonheur, qui est selon lui tout sauf nécessaire ou même prioritaire. En totale opposition avec les penseurs eudémonistes, il a toujours défini l’être humain et même tous les êtres vivants, de la bactérie à l’Homme, comme des forces en quête de puissance et de conquête. Pour lui, la vie est volonté de puissance, avec des notions comme l’agressivité et la destruction. Nietzsche parlait aussi du bonheur comme d’un « à-côté » qu’il était possible d’atteindre à condition de couper les ponts avec le passé et ne pas penser au futur, pour se concentrer sur l’instant présent pour accomplir notre pleine puissance. Il rejoint ainsi Spinoza dans l’idée que l’accroissement de notre puissance entraîne irrémédiablement notre bonheur.
Karl Marx pense que le bonheur est une valeur bourgeoise qu’il faut changer en question politique. Il a aussi indiqué que le bonheur pouvait occulter les réalités essentielles comme les inégalités sociales.
Plus récemment…
Le bonheur a largement occupé les penseurs mais aussi tous les individus, qui, tous à leur manière, ne cessent de le rechercher. Objet d’une journée mondiale créée par les Nations Unies, au centre du Bonheur intérieur brut au Bhoutan et du Ministère du bonheur aux Émirats arabes unis, le bonheur est au centre des préoccupations. On désigne les pays les plus heureux et au final, chacun semble avoir sa propre conception. Certains pensent que le bonheur est dans pré et cherchent ainsi à aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs, d’autres relient le bonheur à la richesse ou à l’amour…
Pour Socrate, l’Homme ne peut être heureux que s’il ne cesse jamais de prendre soin de son élément divin, tout en maintenant en bonne forme le démon qui demeure en lui. En d’autres termes, on peut comprendre ici que le bonheur réside dans l’acceptation de notre dualité et de nos contradictions.
John Lennon pensait que le bonheur pouvait consister en l’absence de possessions et de religion quand d’autres relient irrémédiablement cette dernière au bonheur. D’autres pensent que le bonheur est relatif aux possessions. Dans Into the Wild, Jon Krakauer affirme que « le bonheur ne vaut d’être vécu que s’il est partagé » niant ainsi le bonheur purement individuel.
On peut alors se demander, de façon très concrète, si le bonheur réside dans une recherche constante, liée à une insatisfaction chronique (le fameux « j’en veux toujours plus ») où au contraire, dans la faculté à apprécier ce que l’on possède déjà et ceux qui nous entourent pour ce qu’ils représentent pour nous. Doit-on se comparer aux autres pour être heureux ou chercher la satisfaction durable dans nos propres expériences, nos acquis, nos connaissances et notre faculté à faire preuve de recul ?
Le bonheur et la science
Si les philosophes se sont donc largement intéressés à la question du bonheur, les scientifiques aussi. Pour schématiser, le bonheur serait donc possible à condition de respecter des règles simples. Après tout, encore une fois pour schématiser à l’extrême, le bonheur est aussi une question de sérotonine. Pour les scientifiques donc, dormir suffisamment, savoir se challenger, essayer de nouvelles choses, rire le plus possible, faire preuve de générosité, et se sentir aimé favoriserait le bonheur. Une façon de stimuler notre organisme qui serait alors plus prompt à se sentir bien, de manière durable…
Une chose est sûre. La recette du bonheur n’est pas universelle. Chacun à la sienne. Et si le plus compliqué était d’identifier les choses en mesure de nous rendre heureux ?
Crédit photo : Catalin Pop-Unsplash