Comprendre la relativité restreinte
Le monde de la physique nous amène à la découverte de phénomènes étranges… Parmi eux, la déformation du temps et de l’espace. Lorsqu’un objet se déplace à des vitesses extrêmement élevées, proches de celle de la lumière, il devient en effet plus lourd, plus court, et le temps semble ralentir pour lui.
Rien ne peut dépasser la vitesse de la lumière. Cette règle, universelle, est au cœur de la relativité restreinte, formulée en 1905 par le très célèbre Albert Einstein. Aujourd’hui, plongeons au cœur de l’une des théories scientifiques les plus importantes du siècle dernier, à la rencontre du temps, de l’espace, de la matière et de la lumière…
Ether, es-tu là ?
À la fin du XIXe siècle, les physiciens pensaient que l’espace n’était pas vide, mais qu’il était rempli qu’une substance, l’éther, dans laquelle se déplaçait la lumière. Tout comme le son qui ne peut pas voyager dans le vide, ils pensaient en effet que la lumière avait besoin d’un support pour se propager.
En 1887, les scientifiques Albert Michelson et Edward Morley réalisèrent une expérience pour tenter de prouver l’existence de l’éther. Malheureusement pour eux, cette expérience leur donna les conclusions inverses. Ils tentèrent de détecter le mouvement de la Terre par rapport à l’éther en comparant la vitesse de deux faisceaux lumineux.
L’un était envoyé dans un sens, l’autre dans un autre sens (perpendiculairement), et tous deux étaient renvoyés vers leur point de départ par un miroir. Si l’éther avait existé, l’un des deux faisceaux aurait dû être plus lent que l’autre à revenir, car il aurait avancé à « contre-courant » de l’éther. Résultat de l’expérience ? La vitesse de la lumière demeurait inchangée, indépendamment du mouvement de la Terre.
Et si vous pensez que cette expérience n’a rien fait d’autre que mettre au placard la théorie de l’éther, détrompez-vous ! Elle marqua au contraire un tournant, en démontrant que la lumière se déplace à une vitesse fixe, quel que soit le référentiel.
Pourquoi faut-il que tout mouvement soit relatif ?
Mais c’est quoi un référentiel ? C’est un point de vue à partir duquel on observe un mouvement, une sorte de point d’observation. Si, par exemple, vous êtes dans un train qui se déplace à vitesse constante et que vous fermez les yeux, vous aurez l’impression d’être immobile. S’il se déplace à vitesse constante, votre référentiel est toujours immobile. De fait, vous ne sentez pas la rotation de la Terre sur elle-même, ni sa rotation autour du Soleil.
Si votre train se déplace à 100 km/h et que vous lancez une balle à 5 km/h à l’intérieur, votre balle se déplacera, dans votre référentiel, à 5 km/h et non pas à une vitesse cumulée de 105 km/h. Tandis que pour un observateur extérieur, qui regarde le train depuis le quai, cette balle se déplacera bien à 105 km/h.
Einstein nomma ces différents points de vue des « référentiels d’inertie », qui sont des espaces en mouvement les uns par rapport aux autres à vitesse constante. Tout mouvement est donc relatif, dans le sens où il dépend du référentiel à partir duquel on l’observe.
Mais dans le cas de la lumière, les choses sont différentes, et c’est ce qu’a (involontairement) démontré l’expérience de Michelson et Morley : la lumière voyage à la même vitesse, peu importe le référentiel.
L’espace et le temps sont aussi relatifs
La lumière se déplace à une vitesse fixe et cette vitesse est la même pour tous les observateurs, peu importe leur vitesse. Voilà le point de départ d’Einstein pour élaborer sa théorie de la relativité restreinte. Mais si la vitesse de la lumière ne change pas, quelque chose d’autre doit changer. Voyons pourquoi.
La vitesse de la lumière est une constante universelle. Elle se déplace à 300 000 km par seconde, quelle que soit la situation, que vous soyez immobile, en train de courir ou même à bord d’une fusée. Pour reprendre l’analogie du train évoquée plus haut, si vous lancez votre balle à bord de votre train en mouvement, la vitesse de votre balle par rapport au quai est de 105 km/h. Suivant cette logique, si vous étiez embarqué dans une fusée filant à 200 000 km/s et que vous envoyiez un faisceau lumineux à 300 000 km/s, un observateur extérieur devrait voir ce faisceau se déplacer à 500 000 km/s. Or, c’est tout bonnement impossible.
La lumière, limite inatteignable
Ce constat selon lequel la vitesse de la lumière est constante et que rien ne peut la dépasser a plusieurs conséquences très étonnantes.
La première est que le temps ralentit pour des objets qui se déplacent à une vitesse proche de celle de la lumière. Donc, plus un objet se déplace vite, plus le temps passe lentement pour lui par rapport à un observateur immobile. C’est le phénomène de dilatation du temps.
Pour illustrer ce phénomène, prenons l’exemple du célèbre paradoxe des jumeaux. Imaginez deux jumeaux : l’un reste sur Terre, tandis que l’autre embarque dans un vaisseau qui voyage à une vitesse proche de celle de la lumière. Pour l’astronaute, le temps s’écoulera plus lentement que pour celui resté sur Terre. Quand il reviendra, il sera donc un peu plus jeune que son frère. Ce propos est d’ailleurs très bien illustré dans le film Interstellar.
La seconde est que les objets qui se déplacent très rapidement semblent devenir plus courts pour un observateur extérieur, dans la direction de leur mouvement. Cette contraction des longueurs ne devient significative qu’à l’approche de vitesses proches de celle de la lumière.
Donc, si une fusée voyageait à une vitesse proche de celle de la lumière, un observateur sur Terre la verrait contractée, plus courte que sa longueur normale.
La troisième est qu’à mesure qu’un objet accélère et se rapproche de la vitesse de la lumière, sa masse augmente. C’est la très célèbre formule E = mc² qui illustre cette augmentation, en montrant que la masse et l’énergie sont liées. Conformément à cette formule, un objet deviendrait infiniment lourd s’il se déplaçait à la vitesse de la lumière, rendant toute nouvelle accélération impossible : plus il s’en approche, plus il devient lourd et difficile à accélérer. La lumière n’a pas ce problème, car les photons qui la composent ont une masse nulle.
De la relativité restreinte à la relativité générale
Un problème se pose toutefois pour Einstein lorsqu’il expose sa théorie en 1905. En effet, la relativité restreinte nous apprend que rien ne peut aller plus vite que la vitesse de la lumière. Or, à cette époque, la théorie de la gravitation de Newton suppose que la gravitation agit instantanément, ce qui la rendrait de fait plus rapide que la lumière.
Il travailla les dix années suivantes à la résolution de ce problème, jusqu’à publier en 1915 la théorie de la relativité générale (une théorie générale de la gravitation), dans laquelle il démontre que la gravitation n’est pas une force, mais bien la conséquence de la courbure de l’espace-temps.
Mais ça, c’est une autre histoire… et on vous la raconte dans notre article dédié : Relativité générale et espace courbe.
Fanny Aici
Crédit photo : Jéshoots-Unsplash