Ancien prof de français et d’histoire, Johan Heliot est un des écrivains français les plus prolifiques de sa génération, et ce dans de nombreux genres : science-fiction, fantasy, thriller, polar, policier, horreur… Il a publié plus de 70 romans, dont une quarantaine pour la jeunesse, et a remporté un grand nombre de prix littéraires. Vivre au Lycée l’a rencontré.
Le futur se pense dès aujourd’hui. Le progrès technologique va de plus en plus vite et loin. C’est formidable (je n’y suis pas allergique !) mais, comme le pouvoir de Spiderman, cela implique de grandes responsabilités – quel usage et quelles limites donner aux IA, par exemple ? Au big data ? Le citoyen doit s’emparer de ces questions (ce n’est hélas pas le cas, loin s’en faut !) car elles déterminent son avenir, sa place réelle dans la société. Mais je suis plutôt confiant dans la jeunesse quand je vois de quelle façon elle agit pour lutter contre le réchauffement climatique en ce moment, je me dis qu’elle évitera peut-être les erreurs que nous avons commises, nous, adultes, pourtant informés depuis longtemps des graves conséquences de nos actes (entre autres par les auteurs de S-F !).
« Que les ados s’évadent quelques heures de leur réalité »
Pour dire la vérité, je ne pense jamais à l’âge du lecteur quand j’écris ! Je me laisse guider par mon intrigue, mes personnages, mon imagination – tout ça impose un style, une manière de raconter. Après coup, au moment de corriger, je vois si c’est adapté ou non au public visé par l’éditeur, mais c’est plus ce dernier que ça concerne. Sinon, je veux que les ados s’évadent quelques heures de leur réalité et, peut-être, se posent quelques questions sur le monde… C’est toute mon ambition !
Oui, c’est un roman écrit pour lecteurs plus chevronnés, mais tout dépend de l’âge auquel on devient adulte, en réalité !
Du cinéma hollywoodien découvert à la télé, gamin (merci monsieur Eddy et sa dernière séance, le Cinéma de minuit). Captain Blood avec Errol Flynn, L’île au trésor, Les contrebandiers de Moonfleet, ce genre de choses…
Faërie Hackers (Folio S-F).
Le plus souvent, tout part de l’association de deux éléments incompatibles en toute logique. Ici, le règne de Louis XIV et la conquête de l’espace ! Je commence par me demander de quelle façon les deux pourraient se raccorder et je laisse mon imagination faire le travail. Un scénario se construit au fur et à mesure des réponses apportées aux nombreuses questions soulevées par les improbabilités historiques ou autres. Et la science-fiction me permet la plupart du temps de passer outre l’impossible !
Franchement, je ne m’en souvenais plus ! Mais oui, j’aime émailler mes romans plus adultes et uchroniques de clins d’œil, quand cela ne nuit pas à l’intrigue et son déroulement. C’est un jeu qui m’amuse, et aussi le lecteur quand il les repère, sans que ça soit obligatoire pour se laisser porter par l’histoire.
« Je suis confiant dans la jeunesse »
Je suis moi aussi né à Besançon 😊. Plus sérieusement, je lui dois une bonne note à mon examen oral du concours de prof de lettres, alors… J’admire autant le poète que le romancier, l’homme politique et engagé. Il représente LA figure de l’intellectuel qui agit, avec une stature qu’aucun autre n’aura plus après lui.
Bac B (éco), études d’Histoire jusqu’en maîtrise – option Antiquité romaine.
Honnêtement, je pense avoir été plutôt cool avec mes élèves et leur avoir laissé un bon souvenir ! En tout cas, pas du tout sévère, je détestais sanctionner et même noter !
Le genre à ne pas se faire trop remarquer et attendre que ça se passe ! Je ne détestais pas les cours, mais de là à aimer ça… Je participais le plus en français, j’adorais écrire des rédactions. En revanche, je m’ennuyais terriblement en sciences, en langues…
La découverte de la littérature de science-fiction grâce à ma prof de français de 6e et l’anthologie Histoires de robots.
Galéré, pas vraiment, j’avais mon métier de prof. Mais il m’a fallu environ dix ans avant de publier un premier roman. Pas parce qu’on m’en refusait, non, mais parce que je ne me sentais pas prêt et que je n’écrivais que des nouvelles. Ensuite, il a fallu que je me mette à publier pour la jeunesse pour pouvoir lâcher l’enseignement et commencer à vivre de ma plume – c’était il y a maintenant dix-sept ans !
Maurice Leblanc, Gaston Leroux, Conan Doyle – les feuilletonnistes de la fin du XIXe et du début XXe, en gros. Sans oublier le lieutenant X dans la Bibliothèque Verte, de son vrai nom Vladimir Volkoff, le génial créateur de Langelot ! Et puis tous les « classiques » de la S-F anglo-saxonne : Dick, Vance, Van Vogt, Silverberg, Sheckley, Heinlein… Plus tard, dans un autre genre, il y eu la claque Bukowski et Fante, et aussi Jean-Patrick Manchette !
Oui, plutôt que par le premier tome de 500 pages d’une trilogie, parce que mieux vaut faire ses erreurs de débutant (inévitables et formatrices !) sur un format court. Et, surtout, lire, lire et lire encore, de tout ! Et enfin, écrire, écrire, écrire !
En me contactant via ma page Facebook ou encore plus directement à l’adresse mail suivante : johan.heliot@wanadoo.fr
.Mon premier fanzine, au lycée, s’appelait « La fesse » (oui, oui) et n’avait comme son nom l’indique rien à avoir avec la S-F, mais était d’influence Hara-Kiri, Charlie… Quelques années plus tard, avec un groupe d’amis, j’ai lancé MaelströM, consacré aux différentes littératures et à l’imaginaire, qui m’a permis de faire mes premiers pas en écriture (sous pseudo !). Je suis fier d’y avoir publié des textes d’écrivains de S-F que j’admire, au premier rang desquels le regretté Roland Wagner.
La cinéphagie de films bis, série B à Z avec une prédilection pour les années 70 et 80 italiennes (jeune lecteur curieux, découvre Lucio Fulci, Mario Bava, Sergio Sollima, tu me remercieras… ou pas !)
Sleaford Mods, un duo anglais de rap-punk engagé, féroce et drôle. Ou sinon Kadavar, un chouette trio metal allemand sous influence 70’s (Led Zep, Black Sabbath…).
L’autobiographie de Dee Dee Ramone, Mort aux Ramones !, parue au Diable Vauvert il y a quelques années. Sinon, je vais attaquer la trilogie Starfish – Rifteurs – Béhémoth de Peter Watts, un des auteurs de S-F les plus stimulants du moment.
« Le véritable talent, c’est la persévérance. » Stephen King (je ne garantis pas les termes exacts, mais l’esprit, oui !).
Propos recueillis par Fabien Cluzel
Nous sommes 1914, pendant la Première Guerre mondiale, mais dans une « histoire parallèle », différente de la nôtre. Après des premiers combats désastreux, les Anglais lancent l’opération Frankenstein : à partir des archives du fameux docteur et grâce à la production d’électricité, ils fabriquent des soldats pouvant être sacrifiés sans remords.
Mais l’opération est finalement interrompue, et l’un d’eux, Victor, échappe au massacre. Il est secouru par la grande scientifique franco-polonaise Marie Curie, qui le rend à la vie consciente grâce aux radiations. Réfugié dans les décombres de Londres, qui a été détruite et rendue inhabitable par un bombardement à l’arme chimique, Victor retrouve le laboratoire où il est né, et engage un combat pour l’émancipation des siens. C’est là qu’un jeune couple, elle, résistante à l’occupation, lui, historien, finit par le retrouver en 1958, dans l’espoir de lever le voile sur ce versant secret de l’Histoire que la censure en vigueur ne suffit pas à expliquer. Se dessine, au fil de la lecture, un panorama fascinant des conséquences d’une Grande Guerre qui n’aurait pas pris fin en 1918, dont le cœur est un hommage à Mary Shelley (l’auteure du Frankenstein original) et sa fameuse créature.
Comment une histoire se construit-elle ? Combien de temps prend l’écriture d’un roman ? Est-ce que les éditeurs corrigent les écrivains comme les profs corrigent les élèves ? D’où vient l’inspiration ? Comment est choisie l’illustration de couverture ? Dans cette rencontre avec des élèves dans une médiathèque, Johan Heliot explique sa démarche et son travail avec beaucoup de clarté.