La lumière et la matière, ondes et particules à la fois ?
C’est une expérience à la fois simple et fondatrice pour la physique moderne qu’a mené en 1801 Thomas Young. Elle nous permet de comprendre que la lumière, mais aussi la matière, bien que toutes deux constituées de particules, se comportent aussi sous forme d’ondes, et qu’en vertu de ce phénomène, une même particule peut se trouver en deux endroits distincts à la fois ! Rassurez-vous, David Louapre explique ça très clairement dans une vidéo de 15 minutes sur sa chaîne YouTube Science étonnante. Cette expérience, simple et spectaculaire, est emblématique de la physique quantique, cette physique de l’infiniment petit, à l’échelle de laquelle des particules adoptent parfois des comportements étranges. Pour comprendre cette expérience, il faut remonter à la fin du 17e siècle, lorsque deux grands physiciens s’affrontaient quant à la nature de la lumière : le grand Isaac Newton, père de la notion de gravitation universelle, était persuadé que la lumière était constituée de corpuscules, tandis que le néerlandais Christian Huygens, était convaincu qu’il s’agissait d’une onde. Une découverte incroyable : la dualité onde-corpuscule La question n’a pas été tranchée de leur vivant, mais beaucoup de scientifiques ont longtemps pensé que c’est Newton qui avait raison… Parce que c’était Newton. Mais voilà qu’en 1801, le physicien Thomas Young a relancé le débat en faisant une expérience à l’aide, tout simplement, d’une plaque dans laquelle étaient taillées deux fentes parallèles. Pour quoi faire ? Simplement pour pouvoir observer comment se comporte la lumière que l’on projette sur cette plaque, une fois qu’elle est passée à travers les fentes. Certes, mais pourquoi une seule fente ne suffirait pas pour faire cette observation ? Vous allez le découvrir… Comme David le montre dans sa vidéo, si l’on tire avec une carabine sur une plaque percée par une ou deux fentes, une partie des balles s’arrête sur la plaque et une autre, en passant par les deux fentes, forme un motif qui correspond à la forme des fentes dans les plaques. Jusque là, c’est normal. Young a fait la même chose, mais en projetant de la lumière. Ce que continuent aujourd’hui de faire les chercheurs avec des outils plus modernes, comme on le voit dans la vidéo. Et là, surprise. Si l’on émet de la lumière à travers une fente, on observe qu’une vague se forme et se propage derrière la plaque : Ce phénomène a un nom : c’est la diffraction. En faisant la même chose à travers deux fentes, on observe que deux séries de vagues se forment et que dans les zones où les deux ondes se rencontrent, elles « s’ajoutent » (la ligne pointillée sur l’image suivante) et la crête de l’onde (la hauteur de la vague) est doublée. C’est logique, puisque deux ondes de valeur 1 s’additionnent pour former une onde de valeur 2. Mais si l’on se déplace légèrement à côté de la ligne pointillée, des ondes de valeur 1 rencontrent des ondes de valeur – 1, c’est-à-dire des creux (comme le creux d’une vague), et elles s’annulent, car elles se compensent exactement. On dit que l’amplitude est nulle. Logique encore, nous direz-vous. Mais il faut bien comprendre ce que cela implique : si l’on se trouve là où les ondes de lumière s’annulent, on est dans le noir ! Cette expérience manifeste ce que l’on appelle des interférences entre les ondes. C’est ce phénomène qui fait que, à l’arrivée, en faisant passer de la lumière par deux fentes, on n’obtient pas deux taches de lumière correspondant aux deux fentes, mais une série de barres de lumière et de noir : Or, avec l’expérience des balles tirées par une carabine, que nous évoquions plus haut, ce phénomène d’interférence ne se produit pas. Tout simplement parce que l’interférence est une manifestation typique des ondes. Conclusion : bien que la lumière soit constituée de particules (les photons), elle se comporte bel et bien comme une onde. C’est ce qu’on appelle la dualité onde-particule, que l’on rencontre avec d’autres particules élémentaires. Car en effet, nous avons parlé au début de cet article de mécanique quantique. Ici, cela se complique un peu… En faisant la même expérience en prenant des électrons plutôt que de la lumière, les scientifiques ont envoyé ceux-ci sur une plaque à deux fentes en les tirant un par un. Et là, il se produit un phénomène stupéfiant : une fois qu’une multitude d’électrons ont été tirés individuellement sur la plaque, il se forme, comme avec la lumière, des bandes claires et sombres, preuve qu’il y a là aussi des interférences ! Un seul électron passe par deux fentes à la fois ! Or, cela paraît complètement illogique ! Comment des électrons tirés un par un pourraient-ils s’influencer à la manière des ondes et former des interférences ? C’est pourtant bien ce qu’il se passe ! Pour avoir la preuve définitive que c’est bien un phénomène d’interférence qui se manifeste, il suffit de faire la même expérience en tirant sur une seule fente : là, on voit qu’un nuage de point se forme, comme une tâche étalée. Pas d’interférence, donc… Or, si on compare les figures « une seule des deux fentes ouvertes » avec la figure « les deux fentes ouvertes », nous n’obtenons pas une figure additionnant les motifs obtenus avec chacune des deux fentes prises isolément, mais bien un résultat montrant qu’il y a des interférences : En plus clair, le comportement d’un électron passant par une fente 1 va dépendre de l’éventuelle ouverture de la fente 2… Même si au moment où il passe par la fente 1, aucun électron ne passe par la fente 2 ! Cela semble impossible ! Comment expliquer cela ? C’est là que la physique quantique intervient, et que ça se corse encore. Comme la lumière, l’électron, bien que particule, se comporte comme une onde et passe… par les deux fentes à la fois ! Physique quantique ou physique… magique ? C’est déjà étrange en soit, mais cela ne s’arrête pas là : si l’on veut à tout prix savoir par quelle fente un électron passe en utilisant des instruments de mesure, on va en quelque sorte le « forcer » à choisir une des deux fentes. Eh bien savez-vous ce qui se passe ? Au moment précis de la mesure, l’électron va perdre son caractère ondulatoire pour se comporter exclusivement comme une particule. On appelle cela l’effondrement de la fonction d’onde, et on baigne bel et bien dans la physique quantique. Là, la physique n’est plus déterministe, mais probabiliste : une particule qui a autant de chance de se trouver en A qu’en B… se trouve à la fois en A et en B tant que l’on n’a pas effondré son onde. On espère ne pas vous avoir donné mal à la tête, mais au contraire, envie d’en savoir plus sur les phénomènes merveilleux de l’infiniment petit, en allant regarder la vidéo de Science Étonnante jusqu’au bout ! Fabien Cluzel