Les objets connectés : quels métiers pour demain ?
Nous en parlions déjà le mois dernier, les objets connectés ouvrent sans cesse de nouveaux débouchés. Capteurs sur les objets qui recueillent des données, connexions sans fil et échanges d'informations en temps réel… Sans parler des innombrables applications capables d'analyser vos données et de prendre des décisions à votre place... Ces bouleversements créent de la demande pour beaucoup de métiers, dont certains totalement nouveaux.
Imaginez un e-firmier... C’est-à-dire un infirmier assisté par des technologies connectées, voire intelligentes, donc prenant des décisions, pour surveiller à distance, diagnostiquer et intervenir ou faire intervenir d'autres professionnels en limitant les trajets superflus. Ce sont des chercheurs de l'université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) qui ont profilé ce nouveau métier. Pourquoi ? Parce que leur territoire, et la Suisse qui le jouxte, est confronté à un manque de professionnels du champ médical.
Ce ne sera certainement pas le seul métier « mutant ». Ces chercheurs en ont imaginé d'autres, dont le digital « transgénieur » : un ingénieur, formé à piloter la conception d'un produit, d'un service, d'un équipement, mais qui exercera son métier dans de petites unités plus proches des clients, réparties sur le territoire, et non plus dans une seule grosse usine.
Cet ingénieur 4.0 pourra coordonner à distance la conception et la production sur plusieurs lieux et des équipes de tailles variables en fonction des projets. D'autres imaginent aussi des services de ressources humaines et de recrutement qui se serviront d'applications innovantes qui analyseront des données de CV et collectées sur les réseaux sociaux et autres pour trouver le candidat idéal...
De l’informatique au wearable
Mais d'ores et déjà, la profusion des objets connectés a provoqué un boom dans certains métiers déjà connus. Par exemple dans les réseaux pour la connectivité, dans les capteurs pour recueillir les données, dans l'informatique et l'intelligence artificielle (IA) pour créer des applications intelligentes : architecte objets embarqués, concepteur de logiciels d'objets connectés, développeur, domoticien qui s'intéresse à automatiser des gestes quotidiens ou à mettre en place des systèmes d'alerte dans la maison...
Cette tendance est très logique quand on voit comment l'Internet des objets (IoT) révolutionne les services rendus dans de nombreux domaines :
- les avions sont équipés de capteurs pour assurer leur maintenance ;
- les agriculteurs utilisent des applications pour reconnaître les mauvaises herbes qui peuvent mettre en péril des récoltes, ou encore qui les assistent pour la gestion de leur exploitation ;
- le Canal de Provence a installé des capteurs et des appareils de mesure pour contrôler le débit de l'eau, sa pression, son niveau, etc. et assurer une régulation en temps réel depuis son centre de gestion...
Et ce n’est pas tout : les wearable en tous genres explosent. Du sac à main qui vous informe qu'il vous manque tel accessoire, au bikini connecté qui vous prévient quand il est temps de se remettre de la crème solaire, en passant par des capteurs de sommeil, placés sous l'oreiller, qui décomposent vos cycles et vous réveillent au meilleur moment…
Et les nouvelles idées ne manquent pas, comme celles sur lesquelles travaille l'équipe de recherche de l'UTBM, avec des systèmes qui permettront de suivre en direct l'état de santé des pompiers en intervention… ou des soutiens-gorges détecteurs de cancers !
Recherche chercheurs désespérément
En haut du pavé de ces « emplois 4.0 » à saisir, on trouve des chercheurs ou des ingénieurs et des techniciens de haut niveau spécialisés informatique, automatisme, réseau, robotique, électronique, électricité... Parce que c'est la recherche scientifique qui est le plus souvent à l'origine de ces innovations technologiques.
L'analyste est également recherché. C'est celui qui, en analysant les besoins des utilisateurs, propose la solution informatique la plus adaptée qui sera ensuite programmée par des développeurs.
Dans sa dernière enquête 2019, Pôle Emploi plaçait l'ingénieur informatique à la 5e position des métiers les plus recherchés en France. On cherche aussi des automaticiens qui, dans l'entreprise, contrôlent, règlent, remplacent tout ou partie des dispositifs robotisés, voire reprogramment les logiciels. Et évidemment, on recherche des experts réseaux et en électronique chez les fournisseurs de connectivité et pour la fabrication des capteurs et des objets.
Les psychologues et les philosophes aussi !
Mais cette vague de nouveaux métiers nécessite de faire aussi appel à des spécialités des sciences humaines et sociales (SHS*). Car il faut aussi inventer de nouveaux modèles commerciaux et, malgré les prouesses technologiques, ça n'est pas toujours évident de commercialiser.
Ainsi, si 6 Français sur 10 jugent les objets connectés utiles, notamment pour l'aide aux personnes âgées, dans les domaines de la sécurité et de la santé (sondage BVA de fin 2018), ils sont seulement 15 % à déclarer vouloir une habitation bardée de haute technologie, selon une autre enquête de Sociovision.
Il faut aussi anticiper et accompagner les répercussions, importantes, y compris sur les habitudes sociales. Parce que quand on y réfléchit, à quoi ça sert de faire de l'ingénierie du futur, si le produit ne s'adapte pas à celui qui l'utilise ?
C’est ce que souligne Emmanuel Éveno, géographe de l'université Jean-Jaurès à Toulouse, lorsqu'il évoque les premières villes intelligentes développées dans le monde, avec des systèmes qui collectent et analysent les informations laissées par les individus (notamment via leurs smartphones), en termes de déplacements, de consommation... afin de produire des services sur-mesure, pour par exemple réguler le trafic ou la pollution. « Santander, en Espagne, a réparti 20 000 capteurs dans l'espace urbain, nous explique-t-il : quand la poubelle est pleine, elle le signale. Quand la plante a soif, elle le signale, et des centaines de capteurs signalent les places de parking vides. Mais les Espagnols, comme les Français, ne se garent pas bien et débordent sur les traces ! Les ingénieurs conçoivent comme si les usagers étaient prévisibles. L'innovation doit être en respiration avec le monde social qui est effervescent, chaotique, voire contestataire ! »
Et la complexité humaine, dans tout ça ?
Au laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes, à Toulouse, on travaille sur des robots assistants en collaboration avec des psychologues et des philosophes.
Car si, oui, il y a déjà des robots autonomes (ils savent gagner une partie d'échec), mais ils ne savent pas encore tenir compte de la complexité humaine et se comporter avec les codes des humains. Comme par exemple, respecter une distance acceptable par la personne pour lui amener un objet, pour ne pas l'effrayer.
Si les SHS sont très attendues pour optimiser l’interaction homme-machine, on en aura aussi besoin pour résoudre des « problèmes moraux », comme le souligne Franck Gechter, un autre chercheur de l'UTBM spécialisé dans l'intelligence artificielle. Que doit, par exemple, privilégier un programme de conduite d'un véhicule en cas d'imprévu qui implique des choix en matière de sécurité des humains ? La question n’est pas sans évoquer des « problèmes philosophiques », car les humains vont devoir accepter qu'une voiture « prenne des décisions qui vont engager leur vie ».
Responsabilité et flous juridiques : du travail pour les juristes !
Enfin, au niveau juridique, il y a du travail aussi. Qui, par exemple, est responsable en cas de panne, d'accident : le concepteur, le fabricant, le vendeur, l'acheteur... ? Il va y avoir des postes à prendre pour les futurs étudiants en droit. Les flous ou « trous » juridiques expliquent certainement que Google ait abandonné ses Google Glass pour le grand public et n'ait poursuivi que pour les entreprises.
Équipées d'un écran en surimpression et de multiples capteurs dont une caméra et un GPS, ces lunettes, connectées via le wi-fi ou le Bluetooth et commandées par la voix, devaient faire basculer celui qui les porte dans une réalité augmentée pour lui donner des informations sur son environnement. L'idée que des lunettes vous disent tout rien qu'en regardant un objet, un lieu, voire à terme des personnes, se heurtait à quelques freins au regard des libertés individuelles.
Ces questions – de natures éthique, juridique, philosophiques – se posent d'autant plus que des mutations numériques commencent à toucher l'être humain. En Suède par exemple, des salariés ont accepté en 2015 de se faire implanter des puces d'identification par radiofréquence RFID dans la main, pour être identifiés aux portiques de sécurité et aux photocopieuses sans composer un code ou présenter une carte magnétique !
Les spécialistes SHS ont encore du boulot pour qu'on accepte ça et pour que soient respectées les libertés fondamentales. Et ça n'est pas plus mal...
Camille Pons
* A l’université, les Sciences humaines et sociales regroupent de nombreuses disciplines : histoire, géographie, psychologie, philosophie, sociologie, droit, économie, communication…
Pilote de drone : formation obligatoire !
Télépilote est un métier en vogue. Pas que pour des fins militaires, mais aussi pour inspecter des ouvrages, faire de la dépose d'objets, effectuer des relevés topographiques, évaluer des cultures... Les sapeurs-pompiers des Landes utilisent ainsi un drone pour filmer des feux de forêt, ce qui permet d'établir, en temps réel, un contour du feu au fur et à mesure de son évolution. C’est aussi utile pour intervenir efficacement et en tirer des enseignements pour après. Que l'on veuille utiliser cet objet dans un cadre professionnel ou en loisir, si celui-ci pèse plus de 800 grammes, une formation de pilote de drone est obligatoire. La Fédération professionnelle du drone civil liste les centres de formations agréés par la Direction générale de l'aviation civile.