Machiavel et Le Prince
Régulièrement, Vivre au Lycée publie des portraits de philosophes dont les idées et les thèmes sont au programme des épreuves du bac. A la manière d’une fiche pratique, ces portraits résument l’essentiel des faits et idées à retenir en vue de l’examen. Ce mois-ci, on se penche sur un des premiers traités emblématiques de l’Humanisme naissant du XVIe siècle, Le Prince de Nicolas Machiavel. Machiavel (1469-1527) est un penseur humaniste italien de la Renaissance. Il s’intéresse particulièrement aux thématiques de la politique, de l’histoire et de la guerre. L’époque de Machiavel est marquée par de nombreux conflits politiques, il vit donc dans un contexte historique compliqué. L’Italie de la Renaissance est en effet divisée en petits États instables, qui sont des proies faciles pour des invasions étrangères. En conséquence, de 1494 à 1527, l’Italie ne cesse d’être envahie et pillée. Machiavel lui-même est très proche du milieu politique puisqu’il est secrétaire politique. Entre 1499 et 1512, il fréquente les cours d’Italie, d’Allemagne, de France… et rencontre la plupart des grands souverains de son époque. Mais avec la chute de la République de Florence en 1512, il est accusé de conspiration, emprisonné et torturé. C’est en prison qu’il écrira Le Prince, en 1513. Toutefois, son traité ne sera publié qu’en 1532, après sa mort. Le Prince est un ouvrage central de la réflexion sur le politique en Europe au XVIe siècle, et continue aujourd’hui d’interpeller. Il est à la fois l’un des traités politiques les plus influents et les plus contestés qui ont existé. Ce traité, Machiavel l’écrit pour indiquer aux rois et aux princes les bonnes décisions à prendre pour gouverner, et comment vivre aux époques troublées, marquées par les guerres civiles et les invasions extérieures. A sa sortie, le traité intéresse, notamment des princes. Mais il semble prôner une amoralité du politique, ce qui déclenche des condamnations et des réfutations. Si bien qu’en 1557, le pape Paul IV interdit la circulation du livre. En Italie, il continuera toutefois de circuler clandestinement. Ce qui est novateur dans Le Prince, c’est que Machiavel sépare les sphères de la morale et de la politique. L’ordre politique du Moyen-Âge avait en effet été dominé par les valeurs chevaleresques, en lien direct avec le christianisme. De nombreux ouvrages, à l’époque, dressaient le portrait du souverain idéal, un souverain qui respecterait les valeurs de la chevalerie et qui mènerait un gouvernement modéré. Mais Machiavel, qui constate la réalité politique de son époque, estime que le souverain qui voudrait se conformer à cette morale idéalisée en paierait nécessairement le prix : “Celui qui laissera ce qui se fait pour cela qui se devrait faire, il apprend plutôt à se perdre qu’à se conserver ; car qui veut faire entièrement profession d’homme de bien, il ne peut éviter sa perte parmi tant d’autres qui ne sont pas bons.” Ce que lui reprochent ses critiques, c’est de vouloir supprimer les normes morales dans la gouvernance. C’est de dire que la ruse, l’intrigue et la loi du plus fort l’emportent sur le reste. Que, finalement, tout soit justifiable au nom du pouvoir. Mais ce n’est pas là le projet de Machiavel. Lui souhaite en fait étudier l’art de gouverner, d’organiser et de maintenir un État. La question centrale que se pose Machiavel est “Comment prendre le pouvoir et le garder ?”. Bien qu’il ne l’ait pas écrite, la phrase “la fin justifie les moyens” résume plutôt bien la position de Machiavel sur le sujet. Pour lui, le but de la politique n’est pas la morale, mais bien la réussite. Et, pour réussir, le prince doit avant tout établir une Cité et assurer la stabilité d’une organisation collective. Pour parvenir à cette fin, le prince peut user de la loi, de la force ou de la ruse. Si ces stratégies doivent servir à assurer le maintien de la Cité, elles doivent aussi s’appliquer aux relations entre Etats. La guerre est d’ailleurs un sujet central du Prince. « Les princes doivent donc faire de l’art de la guerre leur unique étude et leur seule occupation ; c’est là proprement la science de ceux qui gouvernent. […] Oui, je le répète : c’est en négligeant cet art qu’on perd ses États, et c’est en le cultivant qu’on les conquiert », affirme Machiavel. Le traité est organisé en 26 chapitres, qui tous présentent une idée principale. Dans les onze premiers chapitres, Machiavel présente différents types de monarchies (héréditaires, mixtes, civiles, etc.), examine les différents moyens de conquérir les Etats et explique comment ils peuvent être gouvernés et conservés. Dans les chapitres 12 à 14, il traite de la politique militaire et prend position pour le recrutement d’une armée nationale et contre le recrutement de mercenaires en cas d’agression et de défense. Dans les chapitres 15 à 23, Machiavel examine les relations que le prince doit entretenir avec son entourage et ses sujets. Il y présente des recommandations dépourvues de toute moralité, visant à conserver le pouvoir. Les trois derniers chapitres, quant à eux, présentent les recommandations de Machiavel pour libérer et unifier l’Italie. Le Prince de Machiavel est un traité politique du XVIe siècle qui a beaucoup fait parler de lui à sa sortie. Ce traité est adressé aux princes et aux dirigeants et doit leur servir de guide pour gouverner et conserver leurs États. Il a été très contesté parce qu’il préconisait des méthodes allant contre toute morale : l’usage de la ruse et de la force notamment. C’est du Prince de Machiavel que vient le terme machiavélisme. Dans le langage courant, le machiavélisme désigne l’attitude d’une personne usant de ruse et de mauvaise foi pour arriver à ses fins. Par analogie directe avec le traité de Machiavel, ce terme désigne donc plus spécifiquement des principes d’action politique dans lesquels la fin justifie les moyens et qui sont guidés par la mauvaise foi et la perfidie. Fanny Aici « Il y a deux manières de combattre : l’une avec les lois ; l’autre avec la force. La première est celle des hommes ; la seconde celle des bêtes. Mais comme très souvent la première ne suffit pas, il est besoin de recourir à la seconde. »
REPÈRES GÉNÉRAUX
GRANDES IDÉES
La question de la morale
La fin justifie-t-elle les moyens ?
CE QU’IL FAUT RETENIR
LE TERME A BIEN COMPRENDRE
Les citations à retenir
Comprendre Machiavel en vidéo avec Politikon