Si vous vous baladez dans les rayons de science-fiction des librairies ou des bibliothèques, vous le connaissez forcément, car c’est lui qui illustre depuis des années une grande partie des ouvrages édités dans ce genre très populaire. Célèbre chez les aficionados de S-F, lauréat de nombreux prix, Manchu est un homme aussi discret que son talent est immense. Vivre au Lycée l’a rencontré.
J’ai commencé à « gratter le papier » dès que j’ai su tenir un crayon. Mais je ne me suis jamais dit : « Tiens, ça serait pas mal si j’en faisais mon métier ». Je dessinais, et je voulais dessiner, point ! Mes parents m’ont tout naturellement orienté vers ça par la suite.
J’ai juste le BEPC [l’ancien Brevet des collèges]. Ensuite, j’ai pris la direction de Tours, à l’Ecole Brassart qui préparait à un diplôme de dessinateur publicitaire en trois ans. A cette époque, il y avait des possibilités de spécialisation et mes parents m’ont payé une quatrième année spécialisée dans l’illustration pure.
La dernière année avant d’intégrer Brassart, un conseiller d’orientation a dit à mes parents et j’étais là, que le dessin n’était certainement pas la meilleure option pour moi dans le futur ! J’espère qu’il s’est reconverti depuis 😊!
Il y avait plusieurs choses intéressantes au fait d’être dans l’armée de l’air. J’étais au bureau dessin, je réalisais des caricatures pour les élèves pilotes dans leurs livres de vol, et des panneaux de signalisations divers : signalisation routière pour la base, panneaux de sécurité pour les hangars avions, etc. Et j’ai pu durant cette année voler sur quelques appareils, mais pas sur des chasseurs malheureusement !
La période Ulysse 31 a été assez brève. Le studio de dessins animés DIC ayant migré à Paris, j’ai décidé de ne pas le suivre. En même temps, la possibilité de travailler sur la série Il était Une Fois… L’Espace est arrivée et là, je pouvais travailler chez moi. Et c’était avec mon copain dessinateur Jean Barbaud, donc c’était vraiment cool. Sur cette série, j’étais à la création des designs pour les engins, les machines, les décors (juste les principaux pour donner l’esprit). Je me suis bien amusé mais, petit à petit, c’est devenu un peu frustrant car mon travail n’apparaissait pas à l’écran. Tout était repris par d’autres gens. Ce qui a été déterminant, ça a été la rencontre avec Gérard Klein un jour chez les frères Bogdanoff [Igor et Grichka Bogdanoff animaient alors l’émission célèbre Temps X]. Gérard Klein est auteur de S-F, directeur de collection au Livre de Poche, et directeur de la prestigieuse collection Ailleurs et Demain chez Robert Laffont. C’est vraiment grâce à lui que j’ai commencé à faire le boulot qui me plaisait vraiment, et il m’a beaucoup appris.
C’est difficile à dire, mais j’ai sans doute réalisé une bonne partie des couvertures du Livre de poche. Il y avait deux ou trois personnes qui collaboraient régulièrement, mais c’est certainement moi qui suis resté le plus longtemps.
Au CNES et à l’ESA, j’ai travaillé sur Ariane V, sur l’avion spatial Hermes, sur le laboratoire spatial Colombus, ainsi que sur le vol de Jean-Loup Chrétien dans la station russe MIR. J’ai aussi collaboré avec le magazine Ciel et Espace pendant une dizaine d’année et j’ai adoré ça. Je travaille quelquefois sur des visuels pour l’association Planète Mars dont je fais partie. Dernièrement, j’ai travaillé sur la mission InSight [actuellement en cours] en collaboration avec Bureau 21.
La dernière couv’ realisée est pour Albin Michel pour le roman Semiosis. Et en ce moment, je travaille pour les éditions Le Bélial’, sur la couverture du prochain Laurent Genefort. Mes préférées, hum, c’est dur... Peut-être Chants de la Terre Lointaine, mais certainement parce que c’est un Arthur. C. Clarke 😊.
Je travaille en mode traditionnel : pinceaux, brosses, peinture acrylique sur papier ou papier cartonné pour les grands formats.
« Il faut bien connaître la perspective »
Pour les exoplanètes, les contraintes sont les données scientifiques fournies par les chercheurs, et les contraintes physiques classiques en astronomie. Malgré cela, il y reste quand même une grande part pour l’interprétation et l’imagination.
Il faut bien connaître la perspective, mais cela ne nécessite pas de bagage particulier en maths. Il faut être rigoureux, logique et méthodique.
D’y réfléchir à deux fois ! Ce métier devient de plus en plus dur, avec beaucoup de monde sur le marché et une baisse régulière des prix. Ce n’est clairement pas un métier où l’on devient riche. Ça serait même plutôt le contraire pour pas mal de gens. Il faut beaucoup de temps pour accéder à un niveau correct, et la technique est longue à acquérir – au moins dans le type d’illustration que je fais. C’est certainement beaucoup plus long que de travailler avec le digital. Mais un dessin original traditionnel, sur papier, aura toujours plus de valeur qu’un fichier jpeg. Bref, il faut vraiment que le besoin de dessiner soit vital. A partir de là, il y a de grandes satisfactions, c’est un très beau métier.
Fu Manchu était un personnage diabolique des romans de Sax Rohmer et interprété par l’acteur Boris Karloff, qui a également incarné à l’écran le monstre de Frankenstein. J’adorais ces films quand j’étais à Brassart, et c’est à cause de ça que mes copains m’avaient surnommé Fu Manchu.
« La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau »
C’est effectivement 2001 L’Odyssée de l’Espace 😊 ! Mais il y en a d’autres : Blade Runner de Ridley Scott. Celui de Villeneuve est excellent aussi (Blade Runner 2049), mais le premier est vraiment le film culte. Alien de Ridley Scott aussi. J’aime également beaucoup celui de James Cameron aussi (Aliens, Le retour). Après, j’ai un petit faible pour les Predators. Je suis fan de leur design, que je trouve très beau. Les films en eux-mêmes le sont moins malheureusement, sauf peut-être le premier.
Babylon 5, Star Trek et dernièrement The Expanse : là, c’est du haut vol, c’est vraiment excellent !
Celle qui me vient à l’esprit immédiatement a été écrite par Constantin Tsiolkovski, précurseur génial de l’astronautique : « La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau ».
Propos recueillis par Fabien Cluzel