Œdipe Roi de Sophocle

Régulièrement, Vivre au Lycée vous présente des classiques de la littérature afin de développer votre culture littéraire en vue des épreuves de français. Aujourd’hui, nous étudions Oedipe Roi, l’une des tragédies les plus célèbres de la Grèce antique.

REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES

Sophocle naît à Colone, village proche d’Athènes, en 495 av. J.-C. Avec Eschyle et Euripide, il fait partie des rares grands dramaturges grecs dont les récits aient été conservés jusqu’à nos jours. Sur les 123 pièces qu’il a rédigées, seules huit nous sont restées, parmi lesquelles les très célèbres Œdipe Roi et Antigone. 

Très jeune, il reçoit une éducation soignée, notamment dans le domaine musical et dans le domaine de la gymnastique. Plus tard, Sophocle participe à la vie politique d’Athènes et est notamment désigné parmi les hellénotames (trésoriers chargés de recouvrer les sommes fournies par les États grecs pour les dépenses de la guerre contre les Perses).

Côté théâtre, ce qui le distingue de ses confrères dramaturges est que la psychologie de ses personnages est plus développée dans ses pièces et que les Dieux y sont beaucoup moins présents. On sait qu’il a commencé sa carrière de tragédien au plus tôt en 468 av. J.-C. et qu’il a reçu cette année-là le premier prix devant Eschyle, qui est resté par la suite son rival. 

L’OEUVRE EN CONTEXTE

Œdipe Roi est une tragédie grecque, genre caractéristique de l’Athènes antique du Vème siècle av. J.-C. La grande majorité des tragédies grecques ont des bases communes en ce qui concerne leurs sujets. Elles s’inspirent ainsi d’un nombre limité de mythes, à partir desquelles elles mettent en scène de grandes familles aux destins tragiques. Oedipe, par exemple, est issu de la famille des Labdacides et transmet lui-même son destin tragique à ses enfants, parmi lesquels on connaît la très célèbre Antigone. 

La tragédie grecque se caractérise par une particularité : la présence à la fois de dialogues parlés et de chants oraux. En dehors des scènes plus classiques de dialogues, Œdipe Roi est ainsi entrecoupé de chants, portés par le Chœur, et qui viennent s’ajouter à la pièce. Cela donne une double dimension à ces tragédies, qui relèvent à la fois de l’histoire et du spectacle. 

Dans La Poétique, Aristote décrit le schéma de ces tragédies grecques :  «  (..) si on considère l’étendue de la tragédie et les divisions séparées en lesquelles elle se partage, les parties sont les suivantes : le prologue, l’épisode, l’exode et le chant du chœur ». 

L’OEUVRE

Parmi les tragédies grecques, Œdipe Roi a le statut de tragédie-modèle, sans pour autant manquer de singularité. 

Les grandes lignes

Avant d’entrer dans l’analyse de la pièce, prenons le temps de résumer son intrigue : Œdipe, fils de Polybe (roi de Corinthe) reçoit d’un oracle une prophétie terrible, qui lui prédit un parricide et un inceste. Refusant de voir cette prédiction devenir réalité, il fuit Corinthe en direction de Thèbes et, sur la route, tue un voyageur. Une fois arrivé, il sauve la ville du Sphinx, devient roi de Thèbes et épouse Jocaste, la femme de l’ancien roi. 

La pièce commence quelques années après ces premières péripéties, alors qu’Œdipe assure toujours sa fonction de Roi et vit toujours aux côtés de Jocaste et de leurs enfants. Cependant, depuis un certain temps, la peste s’est abattue sur la ville. Une réponse arrive alors de Delphes concernant les racines de ce mal : le malheur de la cité prend son origine dans le meurtre de Laïos, ancien Roi de Thèbes. Pour y remédier, il faut punir ce crime. Œdipe s’engage alors à retrouver et à punir les malfaiteurs. Un devin est convoqué, qui désigne Œdipe comme coupable.

Œdipe croit en un complot de Créon, le frère de Jocaste, pour lui voler le pouvoir et menace de le tuer puis, face aux supplications de Jocaste, de l’exiler. Cette dernière lui révèle que Laïos a jadis été tué à un carrefour par des brigands et Œdipe se souvient avoir tué un homme à cet endroit. Il convoque un ancien serviteur, devenu berger, témoin de ce crime. C’est alors qu’arrive de Corinthe la nouvelle de la mort du roi Polybe. Œdipe est rassuré : il n’a pas tué son père et a de fait échappé au terrible oracle qu’il fuyait. 

Mais, comme nous sommes dans une tragédie grecque, les choses ne peuvent bien sûr pas s’arrêter là. En effet, le messager qui rapporte la mort de Polybe raconte avoir lui-même donné Œdipe, lorsqu’il était bébé, au roi Polybe après l’avoir reçu d’un berger de Laïos. Jocaste supplie son mari d’arrêter là son enquête mais Œdipe reçoit alors le fameux berger qui reconnaît avoir jadis reçu un enfant des mains de celle-ci. Œdipe comprend alors qu’il est le fils de Jocaste et de Laïos et que la prophétie s’est bien réalisée. Jocaste se suicide, Œdipe se crève les deux yeux et s’exile. 

Bonheur ou vérité

« Dans Œdipe Roi il y a le thème de l’Inceste et cette idée que la nature se moque de la morale ; et qu’il y a quelque part des forces errantes auxquelles nous ferions bien de prendre garde ; qu’on les appelle destin ces forces ou autrement ». – Antonin Artaud 

Œdipe Roi est l’une des tragédies les plus célèbres de Sophocle. Elle a probablement été écrite vers 425 av. J.-C. Dans cette pièce, l’histoire d’Œdipe est racontée sous la forme d’une enquête. Il faut résoudre le mystère de la mort de Laïos. Les éléments découverts et les actions s’enchaînent donc de façon logique jusqu’à la résolution. 

« Il faut en effet qu’indépendamment du spectacle l’histoire soit ainsi constituée qu’en apprenant les faits qui se produisent on frissonne et on soit pris de pitié devant ce qui se passe : c’est ce qu’on ressentirait en écoutant l’histoire d’Œdipe. » – Aristote

La pièce propose une réflexion philosophique sur les notions de bonheur, de pouvoir et de savoir. Au commencement de la pièce, Œdipe est heureux, car il vit dans l’ignorance. Mais sa quête de vérité le perd. Lorsqu’il apprend sa véritable histoire, toute sa vie s’effondre. Œdipe se crève les yeux, car la vérité est trop difficile à voir. Sophocle résume ainsi la morale de cette histoire : « Gardons-nous d’appeler jamais un homme heureux avant qu’il n’ait franchi le terme de sa vie sans avoir subi un chagrin ».