Platon et le Banquet – Partie 2
Régulièrement, Vivre au Lycée publie des portraits de philosophes dont les idées et les thèmes sont au programme des épreuves du bac. A la manière d’une fiche pratique, ces portraits résument l’essentiel des faits et idées à retenir en vue de l’examen. Dans cet article, Le Banquet de Platon – deuxième partie. REPERES GENERAUX Platon est un philosophe grec du IVe siècle av. J.-C. Il est l’élève et le disciple de Socrate et fait partie des grandes figures de la philosophie. C’est grâce à lui que nous connaissons la pensée de Socrate, qui de son côté n’a rien écrit. Platon le met en scène dans ses écrits, lui et d’autres personnages, sous forme de Dialogues. Chacun de ces Dialogues est l’occasion d’aborder un sujet particulier : le beau, le courage, l’amour, la justice, etc. GRANDES IDEES Le Banquet fait partie des Discours les plus célèbres de Platon et a pour sujet l’Amour. Nous avons vu dans la première partie de cet article les points essentiels des cinq premiers discours, qui correspondent à la première partie du Banquet : ceux qui exposent les théories non philosophiques de l’Amour. Nous allons ici nous concentrer sur la seconde partie, celle du discours de Socrate. Après les discours des cinq premiers convives, vient le tour de Socrate, qui délaisse le monologue au profit du dialogue. Il commence par interroger Agathon et lui fait admettre les points suivants : l’Amour est toujours amour de quelque chose, il est toujours relatif à un objet. Ce n’est que quand il n’a pas quelque chose que l’Amour le désire car, nécessairement, “on désire ce dont on est privé et non ce dont on n’est pas privé”. Or, puisque l’Amour recherche le Beau et le bon, il ne peut être ni beau ni bon lui-même (car on ne peut désirer ce dont on est déjà pourvu). Une fois établis ces deux points, Socrate ne va pas exposer sa propre théorie de l’Amour, mais va rapporter le discours de Diotime, la prêtresse de Mantinée, avec qui il s’est entretenu autrefois sur ce sujet. Cet échange entre Diotime et Socrate va d’abord déterminer la nature de l’Amour : il n’est ni beau ni délicat, ni savant ni ignorant, ni mortel ni immortel. L’amour est un être intermédiaire, que Diotime qualifie de “grand démon”. Une fois déterminée la nature de l’Amour, Diotime propose à Socrate le récit mythique de sa naissance. Le jour de la naissance d’Aphrodite, les dieux célèbrent un banquet auquel est notamment convié Ressource, fils d’Invention. A la fin du repas, Ressource, ivre de nectar, va s’allonger dans le jardin de Zeus. Pauvreté, qui était venue pour mendier, trouve Ressource endormi et, souhaitant remédier à sa propre pauvreté en ayant un enfant de lui, s’étend à ses côtés et c’est ainsi qu’elle conçoit l’Amour. Conçu le jour de la naissance d’Aphrodite, l’Amour est donc lié à la déesse de l’amour et de la beauté, duquel il devient le suivant et le servant. Fils de Ressource et de Pauvreté, il est l’incarnation des contraires. “Il est toujours pauvre, […] rude, sale, un va-nu-pieds sans abri, toujours couchant par terre, à la dure”, c’est là l’héritage de sa mère. Mais l’héritage de son père lui vaut “d’être toujours à l’affût du beau et du bien, courageux, entreprenant, ardent, redoutable chasseur toujours à tendre d’autres pièges, passionné d’inventions, fertile en expédients”. L’Amour est un être intermédiaire, également en ce qui concerne la connaissance. Les dieux ne pratiquent pas la philosophie, puisqu’ils sont déjà sages. Les ignorants, ou ceux qui se pensent déjà sages, ne philosophent pas, car ils pensent déjà détenir la sagesse. Il reste donc un intermédiaire : le philosophe lui-même, qui n’est pas sage mais souhaite le devenir. L’Amour est lui-même philosophe car il se trouve à mi-chemin entre la sagesse et l’ignorance. Amour et immortalité Diotime continue son discours et fait admettre à Socrate que les hommes aiment le bien et qu’ils aiment à le posséder, et surtout à le posséder toujours. L’amour tend à la possession perpétuelle du bien. Il en découle donc que l’œuvre propre de l’amour, c’est l’enfantement dans la beauté. “L’union de l’homme et de la femme est un enfantement, et cet acte a quelque chose de divin ; car fécondité et procréation sont en l’homme, vivant et mortel, la part d’immortalité”. Ainsi, l’objet de l’amour est la procréation car elle est tout ce qu’un mortel peut obtenir d’immortalité. Ici ressort encore une fois l’incarnation des contraires : ni mortel ni immortel, le démon Amour désire l’immortalité. Reste que Diotime fait une distinction entre la fécondité de l’âme et celle du corps. Il est des hommes qui sont féconds selon le corps et d’autres selon l’âme, les seconds étant “les poètes créateurs, et tous les gens de métier auxquels on reconnaît le génie de l’invention”, qui assurent leur immortalité par leurs œuvres. Amour et Beauté Arrive enfin le dernier degré de la révélation. Nous l’avons dit, l’amour est recherche de la Beauté. Toutefois, explique Diotime, celle-ci n’est pas atteignable immédiatement mais nécessite de passer par un long processus. La première étape est de chercher l’amour dans un seul corps puis de se rendre compte que la beauté de tous les corps se vaut : l’initié se tourne alors vers l’amour des corps, au pluriel, et c’est là un progrès. Ensuite, il apparaît que la beauté de l’âme semble bien plus précieuse : l’initié se tourne donc vers quelque chose de plus spirituel, l’amour des belles âmes. Ensuite, l’amour se tourne vers la connaissance. Enfin, au terme de cette ascension se trouve une connaissance unique, celle du Beau. Arrive donc la description du Beau par Diotime. L’extrait suivant est un peu long mais mérite d’être restranscrit en entier : “Celui que l’amour aura conduit jusque-là, après avoir gravi les degrés du beau, s’avançant désormais vers le terme de cette initiation, discernera soudain une beauté d’une nature merveilleuse, celle-là même à quoi tendaient tous ses précédents efforts ; beauté éternelle qui ne connaît naissance ni mort, accroissement ni diminution ; beauté qui n’est point belle en ceci, laide en cela, ni belle un jour et pas le suivant, belle sous tel rapport et sous tel autre laide, belle ici et laide ailleurs, belle pour toi et laide pour moi ; beauté qui n’apparaît point avec un visage ou des mains ou quoi que ce soit de charnel, qui n’est pas non plus une parole ou une connaissance, pas davantage un être distinct, vivant au ciel ou sur la terre, ou tout autre être imaginable ; mais qui reste en elle-même identique à elle-même éternellement elle-même, cependant que les choses belles y participent, mais sans que leur naissance et leur mort ne lui enlèvent ni ne lui ajoutent rien, sans qu’elles l’altèrent en aucune façon.” CE QU’IL FAUT RETENIR L’Amour, dans le discours de Socrate, est une recherche du Beau qui doit, par l’initiation, amener à l’amour de la Beauté éternelle et absolue, étrangère à toute forme de détermination relative : le temps, l’espace, l’aspect, etc. Fanny Aici