Pop culture : comment le geek a viré le beau gosse !
La pop culture, c'est à dire le cinéma, la musique, les séries TV ou encore les BD, influence nos vies au jour le jour, et réciproquement. Cette pop culture s'est intéressée très tôt à la figure de l'élève populaire au collège ou au lycée. Une figure qui a peu à peu évolué pour finalement, avec le temps, se réinventer complètement...
Dans les années 70 et 80, dans les films et les séries, l'élève populaire répondait à une description bien précise : le beau gosse sportif assez musclé, bien coiffé et probablement capitaine de son équipe de football pour les garçons, et la fille aux mensurations de mannequin, blonde comme les blés, officiant dans l'équipe des pom-pom girls, pour les filles. Les deux sortaient souvent ensemble histoire de dominer pleinement le reste des élèves du bahut. Ils étaient les chefs d'un mouvement de file puissant, qui avait tous les pouvoirs sur les geeks, les nerds et plus globalement toutes celles et ceux dont le look ou les goûts ne cadraient pas avec ces mêmes critères.Complexes et rébellion
Certains films ont poussé le concept très loin, comme Carrie, de Brian De Palma, dans lequel deux représentants de cette « élite » décident de ridiculiser une jeune fille peu sûre d'elle pendant le bal de fin d'année. Une décision qui aura des répercutions terribles sur l'ensemble de la promo. Parfois, l'élève populaire pouvait aussi se montrer rebelle, à sa façon. On se souvient par exemple de Zack Morris et de Kelly Kapowski, les héros de la série Sauvé par le gong !, ou encore de Brendon, Brenda, Dylan et Kelly, les personnages de Beverly Hills. Kelly cochait par exemple toutes les cases de la parfaite fille populaire : blonde, jolie et de bonne famille. Dans le film Lolita Malgré moi, le « gang » des filles populaires répond aussi à ces critères et exerce sur tout le lycée une grosse influence, finissant de complexer encore un peu plus toutes celles et ceux qui ne s'y conforment pas. Que ce soit par choix ou parce qu'ils ne le peuvent tout simplement pas. Dans la réalité, ces personnages ont fortement influencé les élèves du monde entier. Que ce soit aux États-Unis, où a été « inventée » cette image, mais aussi en Europe. Les classes se divisant en plusieurs castes : d'un côté les ados sûrs d'eux, forts en sport et parfois même en classe, et de l'autre les geeks, qui adorent les jeux vidéos, les comics, le nez plongé dans leurs bouquins. Les premiers organisent des fêtes populaires tandis que les autres passent leurs week-end à bûcher ou à se réunir pour jouer à des jeux de rôles. Des activités qui n'allaient néanmoins pas tarder à changer de camp...L'heure du changement
Au cinéma, le changement est venu grâce à un réalisateur/scénariste : John Hughes. Responsable de films cultes comme Breakfast Club, La Folle Journée de Ferris Bueller ou Une Créature de rêve, John Hughes a toujours pris le soin de mettre sur le devant de la scène les laissés-pour-compte. Cela, tout en exposant au grand jour cette figure de l'élève populaire pour nous démontrer que ce dernier aussi avait des faiblesses et que son assurance cachait bien souvent une sorte de détresse. C'est en substance ce que raconte Breakfast Club où plusieurs élèves, très différents les uns des autres, sont collés ensemble et doivent donc cohabiter. Dans La Folle Journée de Ferris Bueller, Matthew Broderick incarne un jeune homme qui ne correspond pas à la description de l'élève populaire mais dont l'intelligence lui permet de s’élever au-dessus de la masse et de surpasser tout le monde. Dans Une Créature de rêve, deux geeks parviennent à créer, grâce à un programme informatique, la fille parfaite. Un exploit qui leur permet de devenir à leur tour populaires et donc de changer de caste. La série inspirée du film, Code Lisa, reprend à son compte le même principe. Tous ces films ont montré à ceux qui, au collège ou au lycée, n'avaient pas les faveurs des élèves populaires, que ce n'était pas un problème car il était possible d'exister et de s’épanouir en restant fidèle à ses valeurs. Une vraie révolution !La tête d'ampoule
Le tout début des années 2000 a vu arriver à la télévision la série Malcolm. Série mettant en scène une famille haute en couleurs, avec un jeune héros, génie des sciences promis à un brillant avenir, Malcolm a aussi contribué à changer les mentalités. Les « têtes d'ampoules », pour reprendre le terme dont sont affublés Malcolm et ses amis, s'imposant comme les vrais héros d'un récit qui, sans cesse, prouve par A + B qu'être malin vaut bien plus que de pouvoir compter sur un physique et un look parfaits. Les parents de Malcolm n'ont pas beaucoup d'argent, ils n'ont pas une grosse voiture ni une grande maison mais pourtant, à la fin, c'est souvent Malcolm et ses frères qui l'emportent ! Un grand pas en avant qui ouvrira la porte à d'autres films et séries du même acabit, et qui initiera en quelque sorte la montée en puissance du geek dans la culture populaire. Sorti en 2007, le film Supergrave va aussi un peu dans ce sens. Ici, ce sont trois amis un peu marginaux, pas vraiment beaux, pas vraiment populaires, mais pleins d'astuce, qui partent à l'assaut de leur petit monde. Lolita malgré moi organise de son côté le dynamitage en règle de codes qui ont fait leur temps. Même le culte Clueless et son héroïne parfaite, qui change et découvre les vrais valeurs de la vie au contact d'un garçon un peu geek, va dans ce sens. Résultat : au début des années 2000, l'ancienne figure de l'élève populaire ne faisait plus rêver personne. C'était désormais le rebelle, le gentil geek ou l'intello qui récoltaient les suffrages. Et la tendance allait encore s'amplifier...Théorie du Big Bang
Désormais, bien souvent, dans les œuvres ayant compté en tout cas, le beau gosse ou la belle fille qui n'a rien d'autre à proposer que son physique, son argent ou ses capacités sportives, est sans cesse ridiculisé au cinéma ou dans les séries. Ridiculisé et ramené à une condition plus modeste. Dans The Faculty par exemple, le beau gosse campé par Josh Harnett cache une vraie détresse. Dans American Pie, ce n'est pas la grande gueule Stiffler qui remporte la mise mais bel et bien Jim, le gentil mec un peu gauche et pas spécialement beau. Dans le cinéma d'horreur, on sacrifie carrément les plus populaires. Dans le slasher (Vendredi 13, Halloween, Freddy...), c'est même la norme depuis le début des années 80. Comme si ces films avaient été écrits par d’anciens élèves un peu persécutés afin de se venger. En 2007 arrive sur les écrans The Big Bang Theory. Ici, pas d'élèves populaires. Les héros sont tous des grosses têtes. Des scientifiques portés sur les jeux vidéo, les comics, la recherche, le cinéma et les séries. Ils vont au Comic Con tous les ans, débattent pour savoir qui est le plus rapide entre Superman et Flash, et se souviennent parfois avec amertume de leurs années au lycée, où ils étaient souvent enfermés dans leur casier par les élèves populaires. Dans The Big Bang Theory, tous les personnages finissent par trouver l'amour. Leonard se met carrément en couple avec Penny, l'archétype parfait de la blonde populaire qui au lycée, met tout le monde à ses pieds. Une série comique qui en dit beaucoup sur les changements opérés dans la culture populaire ces dernières années concernant le geek et plus globalement le laissé-pour-compte. Et quand on regarde aujourd'hui dans les lycées et les collèges, les alter ego de Sheldon Cooper sont nombreux. Ce que ces œuvres ont démontré, c'est qu'il ne fallait pas avoir honte d'être soi-même et que le fait de répondre à des schémas pré-établis n'aidait en rien. Des films comme The Social Network ou Steve Jobs ont insisté dans ce sens-là en rappelant que les gens qui avaient créé Facebook, Twitter, Instagram, Apple et plus globalement toutes ces choses aujourd'hui au centre de notre existence, étaient des geeks. Le même genre qui, dans les années 80/90, était persécuté. Être intelligent, s'y connaître en manga ou en comics, est devenu cool ! Plus besoin d'avoir peur des moqueries quand on porte un t-shirt avec le tableau périodique des éléments ! C'est tendance ! Comme Sheldon ! Plus besoin de se forcer à être un autre : il suffit juste d'être soi-même. À l'image de Peter Parker, alias Spider-Man, un autre marginal devenu super-héros.La tendance est la même pour les jeux vidéos. « Avant », à l'époque des consoles 8bits, jouer était considéré comme une activité de geek. Mais plus maintenant, en 2020, où les champions de gaming sont devenus des superstars, faisant jeu égal avec les chanteuses, acteurs et autres sportifs.
La figure du Youtubeur, elle aussi immensément populaire, traduit cet état de fait. S’adonner au cosplay, se montrer dans les conventions, aduler Star Trek ou Star Wars, apprendre le dothraki comme dans Game of Thrones, chanter dans chorale comme dans Glee, s'habiller aux couleurs de Poudlard... C'est cool !
Gilles Rolland
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