Pourquoi le catch est-il si populaire ?
Sport phare aux États-Unis, le catch a aussi réussi à s’imposer en France où il a aujourd’hui atteint une popularité inédite. Au point d’ailleurs où la WWE, la fédération américaine, organise régulièrement des shows XXL dans l’hexagone pour répondre à une demande bien réelle.
Le catch divise mais fascine avant tout. On parle de sport factice, de théâtre ou encore d’arnaque mais au fond, le catch reste l’un des divertissements les plus appréciés par les jeunes (et moins jeunes) aujourd’hui. Décryptage…
De la lutte au catch
Figurant parmi les plus anciens sports au monde, la lutte existait déjà bien avant notre ère. Au fil des siècles, ce sport a réussi à évoluer dans sa forme première, devenant notamment une discipline olympique.
Pour autant, la lutte s’est aussi transformée pour donner naissance à une déclinaison, à savoir le catch.
On estime que le catch a commencé à apparaître dans les champs de foire où des combats étaient organisés afin de divertir les foules. Peu à peu, les combattants, qui se déplaçaient de ville en ville, ont développé des techniques issues de plusieurs sortes de luttes différentes pour finalement mettre l’accent sur le grand spectacle, au détriment des règles qui régissent habituellement la lutte. Parfois, ces lutteurs se produisaient lors de spectacles où les membres du public étaient invités à se frotter aux champions pour tenter de remporter une intéressante somme d’argent.
Populaire en France dès le milieu du XXe siècle, avec des champions comme Le Bourreau de Bethune, l’Ange Blanc ou Roger Delaporte, le catch a progressivement introduit une notion qui lui a permis de définitivement s’affranchir des anciens codes de la lutte. Cet élément étant bien sûr le côté très théâtral. Si certains champions se sont toujours contentés de monter sur le ring vêtus simplement, sous leur propre nom, d’autres ont inventé des personnages et porté des costumes extravagants. Et c’est ainsi que le catch est devenu l’une des plus spectaculaires et outrancières métaphores de la lutte du bien contre le mal.
L’explosion du catch américain
Le catch s’est vraiment transformé aux États-Unis, où il a lui aussi fait son apparition très tôt, à la fin du XIXe siècle. Le catch féminin s’est d’ailleurs également développé, en particulier pendant la guerre, où les hommes étaient mobilisés. Néanmoins, la popularité du catch a connu des hauts et des bas et a même fait l’objet d’un véritable désamour quand le public a compris que les affrontements étaient « écrits » et les gagnants désignés à l’avance. Car oui, le catch, à mesure qu’il a défini ses codes, a aussi amplifié son côté théâtral avec des pratiquants amenés à suivre une trame au fil de matchs riches en prises plus ou moins aériennes.
Notamment influencé par le catch mexicain, la lucha libre, avec des combattants masqués, le catch américain s’est vite organisé en fédérations, grâce à l’ambition de personnages hauts en couleur qui ont vu son potentiel commercial.
Cela dit, c’est dans les années 1960 que le catch américain est devenu incontournable, avec des spectacles incroyables et des champions de plus en plus musclés et de plus en plus outranciers. Dans les années 1970 et 1980, le succès aidant, le catch a vu émerger de véritables stars comme les frères Von Erich (dont le film Iron Claw raconte l’histoire), l’inénarrable Ric Flair, André The Giant, un français aux proportions hors normes, ou encore bien sûr des superstars comme Hulk Hogan et les frères Hart.
Il est alors devenu évident que le catch n’était pas un sport comme les autres. Si dans certains pays et dans certaines fédérations, les affrontements ne sont pas calculés à l’avance, avec des coups véritablement portés et des règles très floues autorisant l’utilisation d’objets (comme dans le catch hardcore), c’est bien le modèle imposé par la WWF, qui est devenue la WWE, qui est le plus populaire.
Pourquoi le catch plaît-il autant ?
Il est assez paradoxal de constater que si au début du XXe siècle, le catch était considéré comme une supercherie en raison de son côté théâtral, c’est visiblement surtout pour cette raison qu’il est apprécié aujourd’hui. Depuis l’âge d’or des années 1980, le catch professionnel américain est en effet beaucoup plus bavard. Il suffit de regarder un match pour s’en convaincre. Les combattants passent beaucoup de temps à se provoquer verbalement avant de passer à l’action et de nombreux efforts sont déployés pour en mettre toujours plein les yeux, avec des mises en scène élaborées et des scénarios qui impliquent plusieurs champions, séquences tournées dans les vestiaires incluses, pour renforcer l’immersion et faire des catcheurs non pas seulement des sportifs mais de véritables acteurs. Ce n’est pas pour rien que très tôt, les athlètes ont été courtisés par le cinéma, avec des figures du ring devenues de véritables stars du film d’action comme Dwayne Johnson, Dave Batista ou John Cena.
« Plus c’est gros, plus ça passe »
Avec toujours ce concept du bien contre le mal, avec ses catcheurs sans pitié comme l’Undertaker, Brock Lesnar, Razor Ramon ou Kane, ses gentils comme Shawn Michaels, Bret Hart ou encore John Cena, dont l’imagerie a toujours ciblé un public particulier (les femmes pour Shawn Michaels, les enfants pour John Cena, etc.), le catch n’a définitivement plus pour ambition de proposer une compétition disputée mais plutôt un superbe et défoulant hybride entre la lutte et le cinéma.
Fort de plus en plus de moyens, inhérents au succès sans cesse grandissant, le catch a aussi imposé ses propres codes. On suit le catch non pas comme on suit la Coupe du monde de football mais comme on suit une série. À chaque semaine ses rebondissements avec toujours des surprises, du rire, des frissons parfois et bien sûr du grand spectacle.
C’est ainsi que le catch a vu intervenir des champions toujours plus musclés, capables d’effectuer des prises sans cesse plus spectaculaires. Les matchs eux-mêmes, qui se déroulent dans des cages, à plusieurs sur un seul et même ring ou encore en dehors de l’arène, mettent l’accent sur l’outrance pour captiver et étonner. Le tout dans un état d’esprit étudié pour fédérer tous les publics.
Le succès du catch est donc énorme car le catch divertit d’une manière unique. Le mélange entre réel et fiction est parfait et savoureux. On sait que le gagnant est désigné mais on sait aussi que pour faire ce qu’ils font, les catcheurs doivent se soumettre à une discipline extrême. Ils ne se frappent peut-être pas « pour de vrai » mais quand ils se soulèvent, se jettent dans les airs depuis la troisième corde ou tombent d’une échelle super haute, ils ne font pas semblant. La condition physique des champions est indéniable, ainsi que leur force. Des athlètes accomplis qui évoluent dans un milieu qui a certes perverti le concept de compétition, mais qui possède des aptitudes extraordinaires qui expliquent le succès du catch.
Autant de sportifs venus de la lutte, qui avant de revêtir leurs habits de lumière pour devenir des personnages très codifiés, ont sué sang et eau dans les salles de musculation et sur les tapis, pour développer leur musculature et apprendre les prises, jour après jour.
Une histoire de parité et de modèles
Enfin, on peut aussi saluer le fait que la WWE n’a jamais cessé de proposer des matchs de catch féminin avec des championnes elles aussi très spectaculaires. Le catch féminin n’a ainsi jamais été en reste par rapport au catch masculin et aujourd’hui, le panthéon mondial du catch compte des femmes qui ont largement contribué au succès de la discipline. Des athlètes comme Michelle McCool, AJ Lee, Molly Holly ou encore Alexa Bliss.
Finalement, le catch fédère car il inspire. Il existe un catcheur pour chaque profil. Sur le ring, le bien finit toujours par triompher. Les gentils du catch inspirent les plus jeunes et, plus que jamais aujourd’hui, se font les vecteurs d’une morale bienveillante. Les catcheurs montrent la voie, terrassent le mal et diffusent une morale qui fait mouche. Et si en 2024, cet aspect-là semble un peu trop mis en avant pour les fans plus anciens, qui regrettent l’époque où tout paraissait un peu plus spontané et moins manichéen, force est de reconnaître que c’est cette recette qui a su propulser le catch dans les hautes sphères.
Les 3 et 4 mai 2024 se tenaient à Lyon le Smackdown et le Backlash de la WWE. Deux événements qui ont réuni 11 000 fans français. Parfaitement inenvisageable il y a quelques années, ce plébiscite prouve bien que le catch a fait un considérable bon en avant. Aujourd’hui, tout ce qui concerne de près ou de loin la WWE s’arrache. Les t-shirts, les places pour les événements, les diffusions TV, le merchandising… Tout ! Même les champions américains qui ont fait le déplacement en France n’en revenaient pas. Le succès du catch ayant d’ailleurs fait naître des vocations comme l’illustrent les ouvertures de plus en plus fréquentes d’écoles de catch dans l’hexagone… Et parti comme c’est parti, gageons que ce n’est pas prêt de s’arrêter !
Crédit photo : Simon from UK-WWE-Wikimedia