Si vous n’avez jamais entendu son nom, c’est que vous vivez dans une grotte. Mort il y a un demi-siècle, Boris Vian était un homme universel : il savait faire tout ce à quoi il s’essayait et qui le passionnait.
Ingénieur, écrivain, poète, scénariste, parolier, chanteur, critique et musicien de jazz, mais aussi traducteur... Avouez qu’il y a de quoi complexer à la lecteur des multiples talents de Boris Vian.
Grand cœur malade
Comme souvent dans les itinéraires exceptionnels, un accident de parcours a probablement joué un rôle : depuis ses douze ans, Boris Vian souffrait d’une maladie de cœur, qui perturbera sa scolarité, marquera ses œuvres et lui sera fatale.
Mais c’est certainement l’influence familiale le déterminant majeur de la fantaisie et la subtilité qui traverse son œuvre. Grands bourgeois cultivés et fantaisistes, encouragent leurs enfants à développer leurs capacités créatives et leur goût pour la musique et la lecture.
La famille joue à un jeu, le «
bout-rimé » : à partir de rimes imposées, chacun doit composer un poème. En 1941, dans
Cent sonnets, un recueil de 100 poèmes écrits par jeu et à l’adresse de sa famille et de ses amis, pointe déjà l’art et la manière de Boris Vian : énumérations, variations sur les proverbes, jeu sur les mots.
Pour parler de l’oeuvre de Boris Vian, il faudrait des pages. Publié à l’époque sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, son premier roman est, en principe, connu (je n’ai pas dit
lu) de tout lycéen qui n’a pas séché la moitié des cours de français :
J’irai cracher sur vos tombes (1946), dénonciation violente du racisme dans le sud des États-Unis (où il n’a d’ailleurs jamais mis les pieds). Considéré par la société bien-pensante comme pornographique et immoral, ce roman lui vaudra une condamnation pour outrage aux bonnes mœurs. Il en écrira 10 autres.
Boris est aussi un passionné de jazz. Il joue d’ailleurs de la trompette, chronique le jazz dans la presse. Il est même, un temps, directeur artistique dans une grande une maison de disque.
Passionné par la culture américaine, il traduit également des romans noirs et de SF.
Son ouverture d’esprit est une des causes de son succès et de sa popularité. Son adhésion au collège de pataphysique en est une illustration (voir encadré).
Et moi émois
Son cœur le lâche en 1959, à 39 ans, alors qu’il assiste à la première de l’adaptation cinéma de
J’irai cracher sur vos tombes. Opposé aux producteurs, il avait dénoncé cette adaptation et souhaitait faire enlever son nom du générique.
Pourquoi son nom est-il si souvent associé à l’adolescence ? Redécouvert en mai 68, il symbolise l’éternel adolescent et a su trouver les mots, en particulier dans
L’écume de jours (1947), œuvre à la fois romantique et fantastique, pour parler des émois existentialistes de la jeunesse.
F.C.