Rire enchaîné – Petite anthologie de l’humour des esclaves noirs américains
Rire sous le fouet, dans l’accablement d’une vie de bête de somme, sous le coup de l’une des pires institutions que l’humanité ait jamais été capable d’inventer, comment donc cela serait-il seulement pensable ? Et pourtant… Au travers de ce petit livre, on découvre l’élégance d’esprit des esclaves grâce aux folkloristes américains qui ont collecté, des années 1880 aux années 1960, la mémoire des récits humoristiques qui avaient cours parmi les esclaves noirs des États-Unis. L’auteur a ici rassemblé et traduit les textes les plus représentatifs de ces blagues, contes, galéjades ou boniments qui sont à la fois une des sources du répertoire du blues et à l’origine d’un personnage aussi célèbre que Bugs Bunny (!). Parce que condamnés à l’accablement tyrannique d’une vie de bête de somme, les esclaves noirs américains se sont vus contraints de recourir à l’arme libératrice du rire. Sous le coup de l’une des institutions les plus brutales et stupides jamais sorties de cervelle humaine, ils raillèrent aussi bien un « Monsieur Maître » cruel et crétin que l’esclave « John », rusé mais candide. Se jouant des codes de l’univers borné de la plantation selon les modes divers du conte animalier, de la blague ou du boniment, ils affirmaient leur humanité face à leurs bourreaux. C’est inattendu, insolite, original, et bel un éloge de l’esprit humain, capable de survivre et de rire avec lucidité dans les pires conditions. Thierry Beauchamp, Anacharsis, 128 pages, 7 euros.