Sartre et l’existentialisme
Régulièrement, Vivre au Lycée publie des portraits de philosophes dont les idées et les thèmes sont au programme des épreuves du bac. A la manière d’une fiche pratique, ces portraits résument l’essentiel des faits et idées à retenir en vue de l’examen. Dans cet article, Jean-Paul Sartre et le courant philosophique l’existentialisme. REPERES GENERAUX Sartre est un philosophe et écrivain français du XXe siècle (1905-1980). Surtout connu du grand public pour ses pièces de théâtre (Huis Clos et la célèbre phrase « L’enfer, c’est les autres », ou encore Les Mouches) et pour ses romans, il est également une figure marquante de la philosophie de son époque, au sein de laquelle il représente le courant existentialiste. Dans son livre L’Être et le Néant (1943), il traite des rapports entre conscience et liberté. Il recevra pour ce traité beaucoup de critiques, notamment des intellectuels chrétiens et des intellectuels communistes. De manière générale, L’Être et le Néant est jugé démoralisant et anti humaniste car, en cherchant dans cet ouvrage à répondre à la question “qu’est-ce que l’être ?”, Sartre aborde des sujets comme le néant, autrui, la mauvaise foi ou encore la honte et semble dépeindre une humanité assez sombre. GRANDES IDEES Nous allons ici nous concentrer sur L’existentialisme est un humanisme, un texte de Sartre issu d’une conférence qu’il donne à Paris le 29 octobre 1945. Cette conférence, il la donne pour lever les malentendus et pour répondre aux critiques faites sur l’existentialisme suite à la publication, deux ans auparavant, de son ouvrage L’Être et le Néant. Il souhaite ainsi présenter au public un aperçu cohérent et juste de sa philosophie. Il faut noter avant toute chose qu’il existe deux catégories d’existentialistes : les existentialistes chrétiens et les existentialistes athées, dont Sartre fait partie. La définition de l’existentialisme ici présentée est donc celle d’un existentialisme athée. La thèse que défend Sartre est que, chez l’homme, l’existence précède l’essence. Pour illustrer son propos, il prend l’exemple d’un coupe-papier. Quand un homme décide de fabriquer un coupe-papier, il s’inspire du concept préexistant de coupe-papier pour le créer. Ainsi, dans le processus de fabrication, l’essence précède l’existence puisque c’est à partir de l’idée de coupe-papier que le fabricant crée l’objet physique qu’est le coupe-papier. Il en est de même lorsque nous concevons un Dieu créateur. Souvent assimilé à un artisan supérieur, Dieu agit de la même façon que le fabricant : il crée l’homme à partir de l’idée d’homme, en sachant précisément ce qu’il crée. Encore une fois, ici c’est l’essence qui précède l’existence. L’existentialisme, au contraire, défend que chez l’homme c’est l’existence qui précède l’essence. La responsabilité “Qu’est-ce que signifie que l’existence précède l’essence ? Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit après”. L’homme existe et ce n’est qu’ensuite qu’il se définit par ses actes. Cela implique que l’homme est responsable de ses actes et de ce qu’il est, de sorte que la responsabilité totale de son existence repose sur lui-même. Et si l’existentialisme rend l’homme responsable de sa propre individualité, il le rend également responsable de tous les hommes parce que, comme l’explique Sartre, “il n’est pas un de nos actes qui, en créant l’homme que nous voulons être, ne crée en même temps une image de l’homme tel que nous estimons qu’il doit être”. Dès lors, la responsabilité de chacun est bien plus importante qu’elle n’y paraît, puisqu’elle engage l’humanité toute entière. Le fait de se choisir soi-même et de choisir l’humanité toute entière dans chacun de ses choix amène à un sentiment de totale et de profonde responsabilité qui anime lui-même un sentiment d’angoisse, puisque si je choisis pour tous les hommes, je suis obligé à chaque instant de faire des choix exemplaires. Sartre écrit : “Tout se pose comme si, pour tout homme, toute l’humanité avait les yeux fixés sur ce qu’il fait et se réglait sur ce qu’il fait. Et chaque homme doit se dire : suis-je bien celui qui a le droit d’agir de telle sorte que l’humanité se règle sur mes actes ?”. La liberté Une autre conséquence de l’idée selon laquelle l’existence précède l’essence, c’est qu’il n’y a pas de déterminisme et que l’homme est libre. En effet, puisque l’homme se définit lui-même, il ne peut pas expliquer ses actes en référence à une nature humaine donnée et figée. Ainsi pour Sartre, l’homme est condamné à être libre. “Condamné parce qu’il ne s’est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait”. L’existentialisme stipule que Dieu n’existe pas et qu’il faut en tirer les conséquences jusqu’au bout, notamment qu’avec lui “disparaît toute possibilité de trouver des valeurs dans un ciel intelligible ; il ne peut donc plus y avoir d’a priori, puisqu’il n’y a pas de conscience infinie et parfaite pour le penser”. Il n’existe donc pas de morale générale ou a priori qui puisse indiquer aux hommes ce qu’il faut faire ; c’est toujours l’homme qui doit décider selon son propre sentiment, entre ce qu’il considère comme le bien et ce qu’il considère comme le mal. L’action L’existentialisme s’oppose à la passivité car il déclare qu’il n’y a de réalité que dans l’action et que “l’homme n’est rien d’autre que son projet, il n’existe que dans la mesure où il se réalise, il n’est donc rien d’autre que l’ensemble de ses actes, rien d’autre que sa vie”. Encore une fois, Sartre souligne la responsabilité de l’homme. Pour Sartre, cette responsabilisation rend l’existentialisme difficile à accepter pour beaucoup qui pensent que ce sont les circonstances de leurs vies qui les ont empêchés d’accomplir de grandes choses. Ainsi, à celui qui dira qu’il n’a jamais connu de grands amours, de grandes amitiés, ou encore qu’il n’a jamais réalisé de grandes œuvres parce que les circonstances ne lui ont pas été favorables, l’existentialiste répondra que les amitiés et les amours se construisent et que le génie doit être exprimé pour exister. Il ne tient qu’aux hommes de se réaliser, en dehors des circonstances. “Ce que dit l’existentialisme, c’est que le lâche se fait lâche, que le héros se fait héros ; il y a toujours une possibilité pour le lâche de ne plus être lâche, et pour le héros de cesser d’être héros”. CE QU’IL FAUT RETENIR En définitive, que dit Sartre quand il affirme que l’existentialisme est un humanisme ? Il ne se réfère pas ici à une définition de l’humanisme classique (mouvement littéraire et philosophique apparu à la Renaissance) qui affirme la valeur de l’homme en tant qu’homme et qui défend sa dignité comme espèce tenant une place particulière au sein de l’univers. Il refuse ce sens classique et affirme au contraire que n’étant pas une essence figée, l’homme se définit lui-même. C’est donc dans sa liberté que réside la dignité de l’homme. L’existentialisme est donc un humanisme dans la mesure où l’existence humaine y est avant tout liberté. Fanny Aici “Qu’est-ce que signifie ici que l’existence précède l’essence ? Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde et qu’il se définit après.” – L’Existentialisme est un humanisme, Sartre “L’homme n’est rien d’autre que son projet, il n’existe que dans la mesure où il se réalise, il n’est donc rien d’autre que l’ensemble de ses actes, rien d’autre que sa vie.” – L’Existentialisme est un humanisme, Sartre
LE SAVIEZ-VOUS ?
LES CITATIONS
Comprendre en vidéo avec Cyrus North