Sophie Germain : la génie autodidacte des maths
Dans l’histoire des mathématiques, plusieurs figures sont parvenues à se distinguer. Parmi ces dernières, Sophie Germain est incontournable. Véritable surdouée, mathématicienne mais aussi physicienne et philosophe, elle a notamment contribué à la conception de la tour Eiffel.
Sophie Germain a changé la face des mathématiques de bien des façons. Grand prix de mathématiques en 1815, cette véritable star de la discipline possède également une histoire hors du commun. Histoire que voici…
La rencontre avec les maths
Marie-Sophie Germain voit le jour le 1er avril 1776 à Paris dans une famille aisée de la bourgeoisie française. Très vite, la jeune fille profite de la bibliothèque de ses parents qui contient quelques volumes essentiels sur les maths. Une discipline pour laquelle elle se passionne. Alors qu’elle est âgée de 17 ans, pendant la Terreur, suite à la Révolution, Sophie ne sort que très peu de chez elle et en profite pour étudier. Elle sait en outre que sa condition lui empêchera tôt ou tard de véritablement s’engager dans la voie des maths, qui est alors interdite aux femmes.
Sans jamais prendre le moindre cours, Sophie Germain se forme seule, avec ses livres. Elle passe de la théorie des nombres de Bézout à Leçons de calcul différentiel et de calcul intégral de Jacques Antoine Joseph Cousin. Ce qui l’encourage dans la foulée à apprendre seule le grec et le latin. Le tout avant de se pencher sur les œuvres d’auteurs comme Leonhard Euler, Isaac Newton et Carl Friedrich Gauss.
Soutenue par son parents, même si son père a tenté pendant un moment de la dissuader de s’engager dans cette voie, elle poursuit son objectif et entre en possession des cours de l’École polytechnique, qui est alors réservée aux hommes. On raconte qu’elle aurait pour cela emprunté le nom d’Antoine Auguste Le Blanc, un ancien élève. D’autres spécialistes de son histoire affirment que ce dernier était bel et bien élève à l’école et aurait communiqué les cours à Sophie Germain.
Un peu plus tard, toujours sous une fausse identité masculine, la jeune fille prend pour habitude d’envoyer des notes à Joseph-Louis Lagrange, un illustre mathématicien. Vivement impressionné, ce dernier décide de la convoquer et découvre qui elle est vraiment. C’est alors qu’il devient contre toute-attente son mentor.
La nouvelle star des mathématiques
Les travaux de Sophie Germain lui ouvrent les portes des milieux autorisés et malgré la méfiance qu’elle inspire à certains en raison de son genre, elle ne tarde pas à s’imposer grâce à son talent. Sa famille, de son côté, renonce à respecter les convenances de l’époque qui auraient exigé que Sophie soit mariée à un bon parti. Croyant fermement en ces extraordinaires capacités, son père et sa mère décident de la soutenir pleinement.
Elle peut alors laisser libre court à sa passion et se lance dans l’étude du théorème de Fermat, de la théorie des nombres ou du problème des plaques vibrantes. Elle devient peu de temps après la première à fonder une méthode solide pour une infinité de nombres premiers. Plusieurs de ses théorèmes sont ensuite publiés.
Sophie Germain et la tour Eiffel
Si vous connaissez bien la tour Eiffel, vous savez sûrement que sur celle-ci sont inscrits les noms de 72 savants qui ont contribué à sa conception et à son édification. Celui de Sophie Germain n’y figure pas. Une injustice flagrante quand on sait que la mathématicienne a étudié les surfaces élastiques lors du Prix de l’Académie des Sciences et que ces travaux ont été exploités pour concevoir le monument. On peut même avancer que sans elle, la tour qui aujourd’hui symbolise non seulement Paris mais tout notre pays, n’aurait peut-être jamais pu voir le jour. Pas à l’époque en tout cas.
Mathématicienne et philosophe
Si elle reste surtout connue pour ses travaux mathématiques, qui ont permis de considérables avancées, Sophie Germain a aussi évolué dans le domaine de la philosophie. Éditée à titre posthume par Armand Lherbette, son neveu, elle reste célèbre pour les ouvrages Considérations générales sur l’état des Sciences et des Lettres aux différentes époques de leur culture, ainsi que Pensées diverses.
Fin de vie
Si elle s’est justement dédiée à la philosophie durant la dernière partie de son existence, Sophie Germain n’a jamais vraiment laissé tomber les maths mais n’a rien produit de nouveau. En 1829, on lui diagnostique un cancer du sein. Se sachant condamnée, elle met à profit le temps qui lui reste pour publier certains des résultats qu’elle avait obtenus au terme de ses travaux précédents. Elle rend finalement son dernier souffle le 27 juin 1831 dans son domicile parisien du 13 rue de Savoie. Elle repose depuis au cimetière du Père-Lachaise. Les réserves du Musée de l’Homme abritent en outre un moulage post-mortem de son crâne. Son certificat de décès mentionne qu’elle était rentière et ne fait jamais état de son statut de scientifique.
L’héritage de Sophie Germain
Si en son temps, Sophie Germain a dû lutter contre les esprits étriqués pour s’imposer, malgré l’aspect révolutionnaire de ses travaux, elle est en revanche aujourd’hui reconnue comme une figure incontournable des mathématiques.
En cela, plusieurs rues, à Toulouse notamment, portent son nom, tout comme des écoles, des collèges et des lycées.
Un navire câblier inauguré en septembre 2023 porte aussi son nom et la Poste a édité un timbre à son effigie. Tous les ans, la fondation Sophie Germain remet un prix du même nom.
L’ouvrage de bande dessinée Les audaces de Sophie Germain, d’Elena et Adriana Tartaglini (éditions Petit à Petit), raconte son histoire, tout comme le récent manga Céleste Harmonie, de Chika Shimana et Nomame Mitsushiro (éditions Komikko Editions)
Image : Wikimedia