Sportif, artiste, engagé : chemins aménagés pour 2 vies
Pratiquer à haut niveau le sport, la musique, la danse, le théâtre, être élu, dans l’associatif, dans un service civique… et poursuivre ses études, c’est possible. À l’origine réservés aux sportifs de haut niveau, les aménagements pédagogiques pour permettre aux étudiants de mener un double-projet s’étendent et se multiplient. Utile dès lors de se renseigner sur les établissements qui les proposent pour pouvoir s’accomplir sur les deux chemins que vous avez choisis…
« Dans tous les aspects de ma vie, c’est l’excellence qui m’intéresse. Ce que j’entreprends, je le fais vraiment à fond ! » Arnaud Gauthier-Rat (www.arnaudgauthierrat.com) est sportif de haut niveau (inscrit sur la liste ministérielle depuis 2014), et en même temps qu’il donne tout pour pouvoir se qualifier aux JO de Paris 2024 dans la discipline du beach volley où il excelle, il suit un cursus d’ingénieur à l’INSA Toulouse. S’il peut imaginer aujourd’hui se qualifier pour cette compétition qui représente le Graal chez tout athlète amateur, c’est grâce aux résultats déjà accumulés – dont un titre de vice-champion d’Europe U20 et une participation aux JO de la Jeunesse de Nankin en 2014 -, rendus possibles aussi par un accompagnement offert par sa formation d’ingénieur.
Tout lycéen peut donc porter le même « rêve » que lui, en intégrant un établissement d’enseignement supérieur qui propose ce type d’aménagements pour pouvoir mener de front un double-projet.
Légende : Arnaud Gauthier-Rat, en 4e année à l’INSA Toulouse, a notamment fini, en décembre 2022, à la 1re place au World Tour Elite 16 de Torquay, jamais remportée jusque là par une équipe de France
Crédit photo : Visuddhi UNG @visualisation
Reports d’examens, tutorat, étalement du cursus sur plusieurs années…
Possibilités de reports d’examens (en cas d’absence), tutorat pour rattraper des cours ratés ou encore possibilité d’étalement des études sur davantage d’années que celles auxquelles sont soumises les autres étudiants, figurent parmi les aménagements les plus fréquemment proposés.
Parmi les « bons élèves » figurent justement l’INSA Toulouse ou encore l’INSA Lyon qui fut précurseur en la matière, l’université Grenoble Alpes (UGA) ou encore l’université de Bordeaux, via son dispositif PHASE. Ces établissements ne se contentent pas d’accompagner, pour ce qui concerne les sportifs, les seuls inscrits sur liste ministérielle (niveaux Élite, Senior, Relève), ils élargissent ces aides aux sportifs de bon niveau national, considérés comme ayant du potentiel pour accéder à du haut niveau.
Ils vont même plus loin en étendant ces aides à d’autres profils. L’INSA Toulouse a été ainsi pionnière avec ses filières artistiques, la première ayant été ouverte aux musiciens il y a plus de 20 ans sous le pilotage d’un chef d’orchestre, Laurent Grégoire. Filière qui a donné naissance ensuite à celle de la danse, en 2010, puis à celle dédiée au théâtre, dernière-née en date de 2018. Quant à l’UGA, elle a même élargi les aménagements concernant les artistes à ceux qui « ont des projets artistiques d’envergure, comme monter un spectacle ou ouvrir une galerie d’art », précise Julie Cuchet, la responsable du Service des publics à besoins spécifiques (SPBS).
Des aménagements parfois étendus aux engagés, salariés, aidants…
Ce service, dédié à ces aides, concerne également ici les étudiants salariés, en service civique, sapeurs pompiers volontaires, réservistes de la gendarmerie, élus, membres d’un bureau directeur d’une association, mais aussi les « chargés de famille », entendez par là de jeunes parents, ou encore les « aidants » qui prennent en charge des personnes malades ou handicapées dans leur entourage.
Pourquoi l’UGA a-t-elle fait ce choix ? « Parce qu’ils subissent des contraintes fortes et qu’ils ont aussi besoin d’être aidés », répond Philippe Giroud, à la tête du service. Ce service, qui capitalise sur une longue expérience d’aide aux SHN, a choisi aussi de mutualiser l’accompagnement quel que soit le statut. En résumé, il y a un seul enseignant coordinateur pour tous dans une filière. Plus facile de s’y retrouver pour l’étudiant qui reste dans son « cadre » d’études et n’a pas besoin de savoir qui s’occupe des sportifs, qui s’occupe des artistes, qui s’occupe des autres bénéficiaires.
Un système que l’université cherche à simplifier davantage encore. Ainsi, elle permet aux étudiants de faire leur demande de statut directement en ligne, communique directement sur ces aménagements auprès des lycéens et invite par ailleurs à signaler un statut de SHN sur Parcoursup (pour l’instant le seul profil à pouvoir le faire sur la plateforme), « car c’est un motif pour pouvoir saisir la CAES, la commission d’admission d’exception, en cas de non proposition d’admission », souligne Julie Cuchet.
Parcoursup : un filtre pour connaître les formations qui facilitent le parcours sport et études
Sur Parcoursup, il faut cocher dans la rubrique « Aménagements » le filtre « Formations avec aménagements pour sportifs haut niveau ». Et une fois dans la fiche de la formation qui vous intéresse, il suffit de cliquer sur « Aménagements pour les publics ayant un profil particulier » pour être renvoyé sur le site de l’établissement et obtenir le détail des aménagements et des procédures, et les contacts.
« En aidant les sportifs de bon niveau qui ne bénéficient pas du même accompagnement, on crée les conditions qui peuvent leur permettre de basculer au haut niveau » – Philippe Giroud
L’UGA va un encore plus loin en s’étant associée avec 5 partenaires académiques et sportifs (dont Grenoble École de Management, côté académique) pour créer un Centre d’accompagnement des sportifs d’excellence Grenoble Alpes (CASE), afin de développer le sport d’excellence sur le territoire, dispositif unique en France. Objectif, « faire des choses qu’on ne pourrait pas faire chacun de son côté, comme accompagner l’orientation de ces sportifs dès le lycée et travailler sur leur insertion professionnelle », explique Philippe Giroud, qui est aussi co-directeur du CASE.
Le bénéfice visé est aussi en termes de performances sportives pour ces sportifs, puisque parmi les volets du projet figurent celui de travailler sur leur accompagnement médical (pour leur faire bénéficier notamment de prises en charge plus rapides en cas de blessure via un réseau structuré de coordinateurs) et social, et celui de faire monter en compétences leurs entraîneurs, en s’appuyant sur la recherche, afin de rendre les sportifs « plus performants ». Logique qui rejoint celle d’ailleurs d’une démarche menée à Toulouse (lire l’encadré). Et là aussi, on ne vise pas que les SHN. « Car si vous aidez le système, vous aidez tout le monde derrière », estime en effet Philippe Giroud. « En aidant les sportifs de bon niveau qui ne bénéficient pas du même accompagnement, on crée les conditions qui peuvent leur permettre de basculer au haut niveau. On leur donne réellement leur chance ! »
Des aménagements qui permettent aux étudiants de ne pas décrocher…
Pourquoi un tel engagement ? Parce que ces « profils diversifiés » « enrichissent la communauté », aime souligner Julie Cuchet. C’est aussi un moyen de porter des élèves qui développent de par leur pratique des compétences particulièrement recherchées par le monde socio-professionnel : travail en équipe, respect des personnes et des consignes, persévérance et résilience, humilité…
D’où l’intérêt de proposer des dispositifs qui vont leur permettre de ne pas décrocher. Ce qui marche, comme le reconnaît volontiers Arnaud Gauthier-Rat tout comme Julie Cuchet qui observe « un taux de réussite globalement bon, voire même meilleur que chez les étudiants ‘classiques’ ».
… et de briller dans leur pratique
En même temps, évidemment, on veut leur permettre de briller dans leur pratique et de s’y épanouir. Ce qui marche aussi au vu de nombreux résultats et trajectoires. À titre d’exemple, l’UGA compte parmi ses étudiants le triple champion paralympique de ski (descente, slalom, super-combiné) et médaillé de bronze en géant, Arthur Bauchet. Les résultats sont aussi au rendez-vous côté sport à l’INSA Toulouse. À titre d’exemple, Zazie Gardeau (liste Espoir) a décroché l’été dernier la médaille d’or aux championnats d’Europe au concours complet d’équitation des moins de 21 ans et s’offre ainsi la possibilité de se qualifier pour les prochains JO 2024.
Légende : Arthur Bauchet, étudiant sportif de haut niveau à l’UGA en licence 1 de physique, a décroché 4 médailles (3 en or et une en bronze) aux Jeux paralympiques de Pékin en mars 2022
Crédit photo : © L. Percival – Comité paralympique et sportif français (CPSF).
Les autres établissements qui proposent ces aménagements ne sont pas en reste d’étudiants brillants. Du côté des écoles de commerce, Clarisse Agbegnenou remportait la médaille d’or de judo aux JO de Tokyo en 2021 alors qu’elle préparait son diplôme de coach de vie à HEC Paris, et Romain Cannone était sacré champion olympique d’escrime (épée), alors qu’il suivait en parallèle un master à SKEMA Business School.
Un double-parcours « intense », mais qui ne se « regrette pas »
Idem pour les artistes. Parmi les jolis parcours menés à l’INSA Toulouse figure celui d’Anaïs Rabary, chanteuse lyrique diplômée informatique et réseaux, qui avait pu suivre près de 12 h de cours de chant hebdomadaires grâce aux aménagements. Aujourd’hui, elle travaille dans le Big Data et continue de se produire dans toute l’Occitanie !
Compte tenu de ces parcours, dommage de faire un choix pour un projet plutôt qu’un autre quand on peut faire les deux. Certes, « c’est difficile et les journées sont intenses », reconnaît Arnaud Gauthier-Rat, « mais ce n’est pas insurmontable quand on a la discipline et la résilience pour le mener à bien ». Une trajectoire qu’il « ne regrette pas » car elle lui a donné l’occasion de vivre des « moments très forts », comme lorsqu’ils ont raflé en décembre dernier en Australie, avec Youssef Krou, la 1re place au World Tour Elite 16 de Torquay, jamais remportée jusque là par une équipe de France.
Une plateforme de recherche à Toulouse pour améliorer vos performances
À Toulouse, Montpellier et Font-Romeu, le CREPS et la Faculté des sciences du sport et du mouvement humain, qui gère les STAPS, ont créé un laboratoire très spécial. Celui-ci vise, avec des outils tels que des caméras cinétiques, des plateformes de force pour évaluer les efforts musculaires, des cellules photoélectriques pour mesurer la vitesse, des eyetrackers… à collecter et analyser des données de ces sportifs pour améliorer leur performance sportive.
Tous les SHN et leurs entraîneurs ont accès à ce centre (dont les équipements sont mobiles) et peuvent faire une demande spécifique.Ces équipements peuvent servir plusieurs usages : étudier les performances musculaires pour identifier les mécanismes responsables de l’arrêt de l’effort (y compris psychologiques) ; analyser les vitesses maximales d’une arme d’escrime ou encore l’allonge maximale de l’athlète, pour ensuite les améliorer ; comprendre ce qui peut influencer la prise d’information de volleyeuses pour la réception de services, grâce à des lunettes eyetracker… Et le centre sert aussi les sportifs de haut niveau porteurs de handicaps.