Théo Faure : un parcours en or
Théo Faure fait partie des lycéens et étudiants qui ont été sélectionnés aux JO de Paris 2024 et en sont revenus avec une médaille. Et pour lui et son équipe de volley, ce n’était pas la moindre, puisqu’il s’agissait de la médaille d’or. Ce rêve que fait tout athlète de haut niveau, le jeune homme de 25 ans a pu le réaliser aussi grâce à des aménagements dont il a bénéficié dès le lycée pour pouvoir performer dans ce sport sans que ce soit au détriment de ses études, des études d’ingénieur en génie physique. Son parcours pourrait en inspirer d’autres…
Quand êtes-vous « tombé » dans le volley ?
J’ai toujours baigné dedans puisque mes parents ont été des joueurs internationaux aussi [Stéphane Faure a été joueur et entraîneur français, entraîneur national, entraîneur du Pôle France de Talence (33), ainsi que responsable de la Détection Nationale, et Beate Bühler était une joueuse allemande qui a notamment disputé les Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles et en beach en 1996, ndlr]. J’ai du coup passé beaucoup de temps l’été, sur la plage, à jouer au beach volley en famille ! Mais c’est à 10 ans que j’ai intégré mon premier club de volley, à Talence, avec des copains.
À quel moment de votre scolarité avez-vous commencé à bénéficier d’aménagements spécifiques pour booster votre carrière de sportif ?
J’ai été sélectionné à 15 ans, lorsque j’étais en première, pour intégrer le Pôle Espoir volley à Talence : j’y ai découvert mon premier cursus aménagé, dont j’ai bénéficié durant mes deux dernières années de lycée. J’étais logé au CREPS (Centre de ressources d’expertise et de performance sportive) avec les autres élèves, là où on s’entraînait en semaine, et scolarisé dans le lycée d’à côté. Le week-end, je m’entraînais avec le club de Saint-Jean d’Illac et, en parallèle, je faisais les compétitions inter-pôles durant lesquelles se font les repérages pour le centre national de volley. Centre que je n’ai pas rejoint car j’ai eu l’occasion de basculer en club pro, au centre de formation du Spacer’s Toulouse (2017-2021). J’en avais eu de bons échos et Nicolas Burel était passé par ce club : il montrait que c’était possible. Et en parallèle, l’INSA Toulouse (Institut national des sciences appliquées) me proposait, pour suivre sa formation d’ingénieur, un allongement de mes années d’études ainsi que des séances de tutorat pour rattraper les cours. En 3e année, la blessure d’un titulaire m’a donné l’opportunité d’évoluer au sein de l’équipe 1 des Spacer’s, au poste de pointu [attaquant, ndlr]. J’ai rejoint ensuite le Montpellier Hérault Sport Club de 2021 à 2023, années durant lesquelles j’ai pu participer pour la première fois à la Ligue des Nations masculine de volley-ball et remporter avec elle le titre de Champion de France. Et aujourd’hui, j’attaque ma 2e année au club de Cisterna, en Italie, en continuant quand même l’INSA à distance.
Pourquoi avoir choisi le club « éloigné » de l’Italie pour vous entraîner ?
Le championnat italien, c’est l’un des plus relevés, on y retrouve les plus grosses équipes du monde. C’était une occasion pour moi d’acquérir le plus d’expérience possible et de grandir sportivement après la saison en Ligue des Nations et le titre de champion de France avec Montpellier. Ce n’est pas pareil lorsqu’on est un joueur français à l’étranger : on est loin de chez nous, hors de sa zone de confort, on prend des risques et c’est ce qui fait grandir ! J’ai été le meilleur marqueur du championnat SuperLega pour la saison 2023/2024.
« L’internat a été pour moi une expérience formidable car on se portait tous ! Cela permet de garder la motivation alors qu’il y a des moments forcément un peu durs »
Que vous ont apporté les aménagements scolaires dont vous avez bénéficié et en quoi vous semblent-ils importants ?
Certes, on peut très bien gagner sa vie quand on est au top niveau dans ce sport, mais le mieux est d’avoir une formation en parallèle car rien n’est gagné d’avance. Basculer pro au volley était potentiellement un objectif, mais je ne me suis jamais dit que ce serait le seul. Ces aménagements et cet accompagnement au lycée, puis à l’INSA, que l’on ne le trouve pas dans tous les établissements, m’ont apporté un équilibre précieux. C’est grâce à ça que je suis aujourd’hui en 4e année de génie physique ! Ma première expérience à Talence, lorsque j’étais au Pôle Espoir, m’a beaucoup marqué. Alors que, jusque-là, j’étais en lycée traditionnel à Gradignan et que je suivais deux entraînements par semaine puis jouais en match le week-end, je suis passé à un entraînement par jour, après les cours qui finissaient vers 16h30, voire deux, les mardis et jeudis où le matin nous finissions les cours à 10h pour pouvoir aussi nous entraîner à ce moment-là. À l’internat, nous avions de créneaux d’études obligatoires après le dîner, utiles si nous avions des difficultés, et nos entraîneurs et nos profs se parlaient régulièrement, car si on ne s’en sortait pas au lycée, cela pouvait avoir un effet sur la pratique sportive. J’ai pu également bénéficier d’un report de contrôle du fait d’un déplacement en compétition et profiter de rencontres avec d’anciens sportifs, de conférences… C’était très complet. Être aussi avec tous les autres sportifs, ensemble dans le même bateau, pour réviser les bacs blancs, le bac français, etc., pour faire face à un rythme parfois assez effréné, rendait ces périodes plus sympas à traverser. Et nous avions tout un accompagnement à côté dont on ne se rend pas forcément compte sur le moment, comme celui des surveillants, par exemple. L’internat a été pour moi une expérience formidable car on se portait tous ! Cela permet de garder la motivation alors qu’il y a des moments forcément un peu durs. Jusque-là, je ne m’étais pas posé la question d’arrêter de faire l’un au bénéfice de l’autre [le sport ou les études, ndlr], mais en fin de terminale, je me suis vraiment rendu compte de l’équilibre précieux que ça m’avait donné. Quant à l’INSA, il m’a permis de faire mes deux 1res années en 3 ans, puis ma 3e année sur deux ans, et, depuis l’an dernier, je prépare ma 4e année qui sera étalée sur 3-4 ans, par correspondance. Garder ce lien avec les études permet aussi d’avoir un intérêt différent du volley et de garder le contact avec des profils différents. C’est une bulle d’air.
« Mon coach m’a appelé pour m’annoncer que j’étais sélectionné (…) c’était un rêve qui prenait forme (…), mais qui n’était pas encore vraiment concret ! »
Vous souvenez-vous du moment où on vous a annoncé votre sélection pour les JO ?
J’avais eu la chance de faire la Ligue des Nations en 2021, ainsi que les championnats d’Europe mais je n’avais pas disputé les JO de Tokyo. Ceux de 2024 allaient se tenir à « domicile », on savait donc que l’équipe était qualifiée. L’objectif, c’était de faire partie de cette équipe ! Cela faisait plusieurs années que j’étais dans la réserve, c’est-à-dire le remplaçant du remplaçant à mon poste [dans une équipe, chaque poste dispose d’un titulaire et d’un remplaçant, ndlr]. Cette année-là, j’ai pu, parce qu’un joueur au même poste que moi avait subi une blessure à la cheville, faire davantage de matchs durant la Ligue des Nations. Et j’ai bien joué ! C’est à la fin d’une de ces étapes que mon coach m’a appelé, quelques heures à peine après qu’on se soit quittés, pour m’annoncer que j’étais sélectionné. Il me l’a dit très factuellement, mais j’étais dans le train, j’allais retrouver ma famille, et toutes les émotions se sont mélangées : c’était un rêve qui prenait forme alors que, depuis tout petit, je suivais toutes les compétitions des JO à la télé, mais qui n’était pas encore vraiment concret !
« Aux JO, après chaque match, il y avait des émotions toujours plus folles »
Comment avez-vous vécu cette aventure des JO ?
Cette nouvelle s’est ensuite concrétisée lorsqu’on a reçu les tenues officielles du Coq Sportif, puis à l’arrivée au village olympique et, enfin, lorsqu’on a disputé le 1er match dans une ambiance complètement folle ! Il y a eu ensuite l’étape, rude, des matchs éliminatoires : car si tu gagnes, tu n’as malgré tout encore rien fait, et si tu perds, c’est fini ! Après chaque match, il y avait donc des émotions toujours plus folles. Mais c’est surtout le quart de finale qui m’a marqué, car c’est l’étape qui change tout dans la compétition : si tu la perds, c’est comme si tu perdais les poules, alors qu’en demi-finale, il reste encore une chance d’aller décrocher une médaille. Ce quart de finale était particulièrement sous tension. Contre l’Allemagne, nous étions menés 2-0 et nous avons réussi à revenir à 3-2. On a repris confiance. Autres moments forts, lorsqu’on a gagné la demi-finale et que la salle s’est mise à chanter l’hymne national et, enfin, la finale, durant laquelle l’équipe a sorti un jeu et déployé une énergie incroyable. On gagne et se succèdent alors des moments très forts : on aperçoit nos proches heureux dans les tribunes, on partage la victoire dans les vestiaires, on vit une émotion très intense sur le podium, puis on enchaîne au club France avec la famille, les amis, les médias jusqu’à 1h du mat sans interruption. C’était un mood tellement fort !
« Peu importe le niveau de pratique, le sport fait vivre des moments forts »
Quel message aimeriez-vous faire passer à des lycéens qui imagineraient suivre la même voie que vous ?
À partir du moment où il y a la volonté de faire du sport à haut niveau, il ne faut pas avoir peur d’y aller et de vivre à fond ce projet : ne pas avoir peur de perdre du temps, car on trouve toujours les solutions pour trouver un équilibre entre pratique sportive et études, même si on vit tout ça, les cours et le volley, un peu en accéléré. Peu importe le niveau de pratique, le sport fait vivre des moments forts.
Quels sont vos projets aujourd’hui ?
J’ai vécu un été émotionnellement fort puisque, avec l’équipe de France, j’ai gagné des grands titres : la Ligue des Nations en juin contre le Japon, puis la médaille d’or aux JO en août. Ce sont forcément des moments très intenses que j’ai envie de revivre, même si c’est dur et que la concurrence est très forte.
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Propos recueillis par Camille Pons
Crédit de la photo principale : CNOSF/KMSP