Vlad Tepes : qui était vraiment Dracula ?
La sortie au cinéma du Dernier Voyage du Demeter, inspiré du roman épistolaire de Bram Stoker, Dracula, met une nouvelle fois le plus légendaire des vampires sous les feux des projecteurs. Une bonne occasion de nous intéresser au mythe de Vlad Tepes, le véritable personnage historique sur lequel Bram Stoker s’est basé pour écrire son chef-d’œuvre.
Qui était vraiment Vlad Tepes, dit Vlad l’empaleur ? Pourquoi est-il rattaché au mythe du vampire ? Retour dans les Carpates, au XVème siècle…
Une naissance dans les flammes
Vlad Tepes voit le jour entre 1431 et 1436, à Târgoviste en Roumanie (même si certaines sources, plus anciennes, évoquent plutôt Bucarest). À l’époque, son père, Vlad II Dracul, ou Vlad II Le Dragon dans notre langue (car oui, « dracul » signifie « dragon »), est en passe de parvenir à conclure un traité de paix avec les Ottomans. Pour cela, l’homme de guerre doit notamment envoyer ses deux fils, Vlad Tepes et Radu II le Beau auprès du sultan Mourad II, afin d’honorer l’impôt du sang. Les deux garçons doivent alors être éduqués selon les lois de l’Islam dans le but d’occuper plus tard une place dans l’administration de l’empire. Vlad et son frère sont éduqués à Andrinople. Une période clé pour Vlad qui en profite pour consolider son apprentissage et construire les bases sur lesquelles il s’appuiera plus tard pour prendre le pouvoir.
L’ascension d’un homme impitoyable
En 1448, Vlad prend la tête d’une armée constituée de membres de la cavalerie turque et d’hommes du pacha Mustafa Hassan. Son objectif est clairement de s’emparer du trône. Quand a lieu la chute de Constantinople en 1453, sous l’impulsion de l’armée turque, Vlad est envoyé afin de défendre la Valachie, le royaume de son père, et la Transylvanie. À la place, Vlad s’adjoint les services de boyards valaques et prend le trône de Valachie. Il n’hésite pas à faire preuve d’une grande cruauté mais tente tout de même d’acheter les hommes qui lui résistent. Si ces derniers ne cèdent pas, Vlad les tue sans autre forme de procès.
Tout puissant, Vlad prend confiance et décide de briser son alliance avec les Ottomans. Il s’en prend aussi avec violence à l’église catholique, au point d’attirer l’attention du Pape. Sur le Danube, son armée tue plus de 30 000 hommes. On estime que c’est à cette époque que Vlad « gagne » son surnom de « l’Empaleur » en raison de la sauvagerie de ses méthodes. Son frère, toujours à ses côtés, n’approuve pas ses actes et prend la tangente pour rejoindre les Turcs. Ces derniers comptent sur Radu pour reprendre le trône de Valachie et poussent Vlad à se retirer à Târgoviste. Acculé dans la forteresse de Poenari, Vlad continue ses massacres contre ses ennemis à travers de courtes attaques.
La plus célèbre a d’ailleurs lieu à Târgoviste, le 17 juin 1462. C’est d’ailleurs pendant cette terrible nuit que Vlad aurait commandé l’empalement de 20 000 Ottomans.
On raconte que c’est lors de son séjour dans le château que l’épouse de Vlad meurt en chutant de la falaise. Une histoire qui sert de point de départ au livre de Bram Stoker, Dracula (adapté au cinéma par Francis Ford Coppola). Alors qu’il parvient à s’échapper, Tepes est finalement fait prisonnier en Hongrie. En 1476, il est néanmoins à nouveau élu prince de Valachie avant d’être assassiné en décembre de la même année à Bucarest. Sa tête est envoyée au Sultan qui expose son macabre trophée afin de prouver sa supériorité.
Quel rapport entre Vlad Tepes et Dracula ?
Avant d’expliquer comment Vlad Tepes est devenu Dracula dans la culture populaire, il est bon de rappeler que le vampire n’est pas né sous la plume de Bram Stoker. Non, car ce dernier a pour la première fois été mentionné vers 1723, dans les légendes d’Arnold Paole et Peter Plogojowitz, deux soldats autrichiens qui seraient revenus sous la forme de vampires, morts-vivants, après avoir trouvé la mort au cours des guerres entre l’Empire d’Autriche et l’Empire Ottoman. Le vampire descendant également du strigoi, une figure mythologique du folklore roumain.
Avant 1897 et la publication de Dracula, le vampire était donc déjà bien présent dans la littérature fantastique. Ce qu’a fait Bram Stoker en revanche, c’est véritablement le rattacher à une figure historique bien connue, à savoir Vlad Tepes. Au point d’ailleurs de brouiller les pistes et d’encourager de nombreuses personnes à faire l’amalgame. Vlad Tepes étant devenu lui-même avec le temps une sorte de monstre légendaire. Des lettres écrites par Vlad Tepes, retrouvées récemment, prouvant en plus que ce dernier était probablement atteint d’hémolacrie. Une pathologie qui se manifeste par des larmes de sang…
Le goût du sang
Pour résumer, Bram Stoker a donc choisi la figure de Vlad Tepes en raison de la brutalité de ce dernier, ainsi que les légendes sur les vampires dont les romanciers gothiques se sont largement inspirés dès le début du XIXème siècle en Angleterre. Le nom Dracula provenant de l’Ordre du Dragon, dont faisait partie le père de Vlad Tepes. Tepes lui-même ayant été qualifié par ses ennemis de Draculea, à savoir de dragonneau, durant son existence. Le fait que Tepes se soit aussi opposé à la religion catholique a largement inspiré le personnage de Dracula, lui-même en contradiction avec les principes de la religion, allergique à la croix et à l’eau bénite.
Le cas du château de Bran
Aujourd’hui en Transylvanie, Dracula et les vampires en général, ont toujours la côte. Un véritable tourisme alternatif s’est développé en Roumanie, où des milliers de visiteurs se rendent pour tenter de percer les mystères qui entourent l’existence trouble du tyran Vlad Tepes, dit Vlad l’Empaleur. En cela, le château de Bran a pris avec les années une importance considérable, pour des raisons pour le moins mystérieuses elles aussi. Car au fond, si l’édifice est surnommé le château de Dracula, rien ne prouve que Tepes y a séjourné ne serait-ce qu’une nuit. Pendant ce temps, la citadelle de Poenari, où Tepes s’est retranché et où sa femme serait morte, est copieusement ignorée.
Même Bram Stoker ne mentionne jamais Bran dans son célèbre roman. Il dit simplement que le comte Dracula vit à Borgo où en réalité, il n’existe aucun château. Pire encore, pendant le règne de Vlad, le château de Bran ne faisait même pas partie de son royaume la Valachie.
Un monstre culte
Figurant dans des dizaines de films, romans et autres BD, Dracula est, à l’instar de la créature de Frankenstein, l’un des monstres les plus emblématiques de la culture populaire. Si certaines œuvres ont souhaité couper tout lien avec Vlad Tepes, d’autres, comme Dracula de Bram Stoker, ont savamment entretenu le mythe, transformant un homme d’état sanguinaire en créature de la nuit capable de contrôler les animaux et de se changer en chauve-souris pour se repaître du sang de pauvres innocents. Alors que des pans entiers de l’existence de Tepes semblent perdus à tout jamais dans les limbes de l’histoire, la pop culture s’est chargée de broder pour lui conférer une célébrité toute autre, afin d’encourager les frissons.
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