Le Manuel d’Epictète, guide pratique du stoïcisme
Régulièrement, Vivre au Lycée publie des portraits de philosophes dont les idées et les thèmes sont au programme des épreuves du bac. A la manière d’une fiche pratique, ces portraits résument l’essentiel des faits et idées à retenir en vue de l’examen. Dans cet article, nous nous penchons sur un des plus grands stoïciens dont d’importants textes ont traversé les siècles.
REPÈRES GÉNÉRAUX
Épictète est un philosophe de l’école stoïcienne. Il naît esclave à Hiérapolis en Phrygie, vers l’an 50 avant Jésus-Christ. Très jeune, il est déporté et vendu à Rome à Épaphrodite. Ce dernier, charmé par l’esprit de son esclave, lui fait suivre les leçons de Caius Musonius Rufus – un stoïcien qui avait ouvert une école à Rome – avant de l’affranchir.
Une fois affranchi, Épictète fait profession de philosophie, mais il est victime de la décision de Domitien qui, en l’an 89 avant notre ère, bannit les philosophes de Rome. Épictète se rend alors à Nicopolis, en Epire (une région administrative de la Grèce). Là, il reprend son enseignement et reçoit des élèves occasionnels et des disciples assidus qui, sous sa conduite, font une sorte de retraite spirituelle.
Épictète vit très simplement : sans femme, sans famille, il vit dans une petite maison pauvre et dénuée.
Son enseignement et ses discours visent l’atteinte du bonheur et l’absence de souffrance. Comment ? En accordant exclusivement notre attention à ce qui dépend de nous, et en acceptant les évènements extérieurs à notre volonté qui, eux, ne dépendent pas de nous.
Tout comme Socrate, il n’a rien écrit. Nous devons les discours que nous connaissons de lui à son disciple Flavius Arrien qui, ayant suivi les leçons d’Épictète à Nicopolis, rédigea les notes qu’il avait prises en écoutant son maître. De celles-ci, il tira huit ouvrages, Les Entretiens d’Epictète, dont seul en reste quatre livres nous sont parvenus. A partir de ces Entretiens, Arrien rédigea une synthèse, un condensé regroupant l’essentiel des enseignements de son maître : le Manuel d’Épictète.
Pop juste comme il faut, mordant et agressif plus qu’à son tour, Rock Believer ne déçoit pas. Au contraire, il surprend. En 2022, certains dinosaures ont lâché la rampe mais pas Scorpions. L’animal pique toujours et possède dans ses réserves encore assez de venin pour nous mettre K.O. !
GRANDES IDÉES
Épictète, nous l’avons vu, est un philosophe de l’école stoïcienne. Fondée par Zénon de Kition, cette doctrine philosophique défend notamment l’idée que la sagesse consiste à accepter la place qui nous est donnée dans l’univers et à vivre en harmonie avec la nature. Les stoïciens recherchent le bonheur dans l’ataraxie, c’est-à-dire l’absence de trouble.
Le Manuel d’Épictète est un texte court (environ 25 pages) regroupant 53 “livres”. Épictète y aborde plusieurs notions, dont nous allons voir les principales ici.
Ce qui ne dépend pas de nous
“Il y a des choses qui dépendent de nous ; il y en a d’autres qui n’en dépendent pas. Ce qui dépend de nous, ce sont nos jugements, nos tendances, nos désirs, nos aversions : en un mot, toutes les œuvres qui nous appartiennent. Ce qui ne dépend pas de nous, c’est notre corps, c’est la richesse, la célébrité, le pouvoir ; en un mot, toutes les œuvres qui ne nous appartiennent pas.” (Manuel, I, 1)
C’est avec ces mots que s’ouvre le Manuel d’Epictète, et c’est là l’idée centrale de l’ouvrage. Il faut distinguer les choses qui dépendent de nous et celles qui ne dépendent pas de nous, et se concentrer sur les premières d’entre elles.
Il n’y a que sur les choses qui dépendent de nous que nous avons un pouvoir : “Tout homme a pour maître celui qui peut lui apporter ou lui soustraire ce qu’il désire ou ce qu’il craint. Que ceux qui veulent être libres s’abstiennent donc de vouloir ce qui ne dépend pas d’eux seuls: sinon, inévitablement, ils seront esclaves” (Manuel, Epictète, livre 14).
Être libre pour être heureux
De là découlent beaucoup de réflexions, notamment le rapport à la liberté. Pour être heureux, les hommes doivent être libres. “Est libre celui qui est comme il veut, qu’on ne peut ni contraindre ni empêcher ni forcer, dont les volontés sont sans obstacles, dont les désirs atteignent leur but, dont les aversions ne rencontrent pas l’objet détesté” (Entretiens d’Épictète, livre IV, I, 1).
La distinction entre les choses qui dépendent de nous et celles qui ne dépendent pas de nous est centrale dans le rapport à la liberté. Si, par exemple, le corps peut être entravé, cela ne remet pas en cause la liberté de choisir : “La maladie est une gêne pour le corps ; pas pour la liberté de choisir, à moins qu’on ne l’abdique soi-même. Avoir un pied trop court est une gêne pour le corps, pas pour la liberté de choisir. Aie cette réponse à l’esprit en toute occasion : tu verras que la gêne est pour les choses ou pour les autres, non pour toi” (Manuel, Épictète, livre 9).
L’autonomie du jugement
Une autre idée maîtresse du Manuel est relative au regard que nous portons sur les choses. C’est lui, et non les choses en elles-mêmes, qui nous fait souffrir : “Ce qui tourmente les hommes, ce n’est pas la réalité mais les jugements qu’il porte sur elle […]. Donc, lorsque quelque chose nous tourmente ou nous chagrine, n’en accusons personne d’autre que nous-mêmes : c’est-à-dire nos opinions” (Manuel, Épictète, livre 5).
Pour Épictète, puisqu’elles ne dépendent pas de nous, il ne faut pas s’attarder sur les choses du corps. Car c’est “la marque d’une infériorité naturelle à la pratique de la philosophie que de s’attarder aux choses du corps […] ; c’est sur notre jugement que nous devons porter toute notre attention” (Manuel, Épictète, livre 41).
CE QU’IL FAUT RETENIR
La citation à retenir
C’est dans doute la plus célèbre, et qui a toute sa place dans le corpus de la sagesse populaire : « Ne demande pas que ce qui arrive arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent et tu seras heureux ».
Et vous, êtes-vous capable d’être stoïque ?
Il existe une très célèbre anecdote concernant Épictète. On raconte que, lorsque celui-ci était encore esclave, l’un de ses maîtres lui aurait appliqué à la jambe un instrument de torture (il était boiteux depuis son plus jeune âge). Épictète lui aurait alors dit en souriant : “Tu vas la casser”. Lorsque sa jambe, inévitablement, avait cassé, il aurait ajouté : “Je te l’avais bien dit”.
Et vous, êtes-vous capable d’être stoïque ?
Il existe une très célèbre anecdote concernant Épictète. On raconte que, lorsque celui-ci était encore esclave, l’un de ses maîtres lui aurait appliqué à la jambe un instrument de torture (il était boiteux depuis son plus jeune âge). Épictète lui aurait alors dit en souriant : “Tu vas la casser”. Lorsque sa jambe, inévitablement, avait cassé, il aurait ajouté : “Je te l’avais bien dit”.
Cette anecdote illustre bien la définition du mot “stoïque” que l’on emploie encore aujourd’hui, en l’occurrence, ici, en étant impassible face à la douleur. Au-delà de ça, elle illustre bien les propos d’Épictète et du stoïcisme. Ici, l’attitude de son maître ne dépend pas d’Épictète : il accepte donc de ne pas avoir de contrôle sur la situation afin d’en souffrir le moins possible.