Thomas More et L’Utopie
Régulièrement, Vivre au Lycée publie des portraits de philosophes dont les idées et les thèmes sont au programme des épreuves du bac. A la manière d’une fiche pratique, ces portraits résument l’essentiel des faits et idées à retenir en vue de l’examen. L’Utopie de Thomas More, esprit éclectique du XVIe siècle, est un grand classique à connaître un minimum à défaut de l’avoir lu !
REPÈRES GÉNÉRAUX
Chancelier du roi Henri VIII, Thomas More est un juriste, historien, philosophe, humaniste, théologien et homme politique anglais. Né en 1478, il sera condamné à mort et décapité en 1535 pour s’être opposé au projet d’Henri VIII de divorcer de Catherine d’Espagne pour épouser Anne Boleyn.
L’Utopie de Thomas More est rédigée dans le contexte particulier d’une Europe du XVIe siècle en proie à une profonde crise intellectuelle et religieuse. Le XVIe siècle est en effet une période de transition entre le Moyen-Âge et les Temps Modernes. Thomas More considère que l’époque se prête à la critique. Il regrette les tendances tyranniques des rois, l’accumulation de biens des plus riches, la facilité des Etats à partir en guerre, etc.
GRANDES IDÉES
L’Utopie de Thomas More, publiée en 1516 (à la même période que Le Prince de Machiavel), est l’un des ouvrages les plus controversés de la littérature philosophique. Thomas More s’attaque à la monarchie anglaise du XVIe siècle et imagine un État païen, fondé sur la raison et la philosophie.
Fiction vs réalité
L’Utopie est divisée en deux parties. La première (qui a d’ailleurs été écrite après la seconde) est un dialogue entre Thomas More et le personnage de Raphaël Hythloday, un marin portugais. Dans cette partie, Thomas More fait un point sur l’état des choses en Angleterre et en Europe au début XVIe. Il y fait une critique des lois, de la guerre, de la vie de la cour, des ambitions princières et de la chrétienté.
La deuxième partie est le récit de la rencontre entre Thomas More et Raphaël Hythloday, dont le nom de famille vient du grec : habile à raconter des histoires. C’est le récit d’un voyage fictif sur une île imaginaire. Hythloday y décrit l’île d’Utopie et son gouvernement, les mœurs et les coutumes de ses citoyens, leur religion, leur politique, leur rapport à la guerre, etc.
Les institutions, au cœur de la réflexion
Globalement, dans son ouvrage, Thomas More s’applique à proposer un autre modèle que celui existant. Lui vit dans un monde dans lequel les sociétés sont construites sur le principe de l’avoir et de l’accumulation des biens et des richesses, toujours au profit des puissants et des riches. Sur l’île d’Utopie, au contraire, le bien suprême est le bonheur social et toutes les institutions ont pour but d’aider à la stabilité de la communauté humaine.
Les institutions sont une partie importante de la réflexion de Thomas More dans son ouvrage : “Aussi quand je compare les institutions utopiennes à celles des autres pays, je ne puis assez admirer la sagesse et l’humanité d’une part, et déplorer, de l’autre, la déraison et la barbarie”.
Plus loin, Hythloday explique encore : “Ces institutions ont pour but d’empêcher le prince et les tranibores [élus du gouvernement de l’Utopie] de conspirer ensemble contre la liberté, d’opprimer le peuple par des lois tyranniques, et de changer la forme du gouvernement“.
Les pouvoirs de l’utopie
Le modèle de l’utopie a survécu à Thomas More et est devenu un outil courant de remise en cause du système en place. Elle permet en effet, en proposant le modèle fictif d’un monde meilleur, d’alimenter l’espoir d’une réelle transformation dans le monde réel.
En proposant d’autres institutions, d’autres organisations, Thomas More permet au lecteur de prendre du recul sur les institutions politiques qui le gouvernent, sur le mode de vie qu’il mène. Cela permet au lecteur de se rendre compte des choses qui peuvent être injustes ou incohérentes. De là, l’utopie peut devenir, de tout temps, une invitation à la contestation, au changement.
Les utopiens de More ont un rapport au monde bien différent de celui des européens du XVIe siècle. “Les Utopiens ont la guerre en abomination, comme une chose brutalement animale […]. Contrairement aux mœurs de presque toutes les nations, rien de si honteux, en Utopie, que de chercher la gloire sur les champs de bataille. […] Ils ne l’entreprennent que pour défendre leurs frontières, ou pour repousser une invasion ennemie sur les terres de leurs alliés”.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’Utopie est l’ouvrage le plus célèbre de Thomas More. Il y propose le récit du voyage fictif de Raphaël Hythloday, un marin portugais, sur l’île d’Utopie. Celui-ci raconte, dans la deuxième partie du livre, ce qu’il a vu sur l’île, comment fonctionne le gouvernement et quelles sont les mœurs de ses habitants.
C’est un modèle idéal de société que Thomas More décrit à travers la description de l’île d’Utopie. Mais la visée n’est pas seulement littéraire puisque le récit est en fait un prétexte pour remettre en cause les institutions politiques de l’Europe du XVIe siècle.
LE TERME A BIEN COMPRENDRE
Thomas More a créé le mot “utopie”, qui vient du grec et signifie lieu qui n’est nulle part. Le terme est apparu pour la première fois dans le dictionnaire en 1611, moins de 100 ans après la publication de l’ouvrage. Depuis, l’utopie désigne un genre littéraire à part entière qui vise à décrire une société fictive idéale.
Fanny Aici
Les citations à retenir
“En Utopie, l’avarice est impossible, puisque l’argent n’y est d’aucun usage ; […] Qui ne sait, en effet, que les fraudes, les vols, les rapines, les rixes, les tumultes, les querelles, les séditions, les meurtres, les trahisons, les empoisonnements ; qui ne sait, dis-je, que tous ces crimes dont la société se venge par des supplices permanents, sans pouvoir les prévenir, seraient anéantis le jour où l’argent aurait disparu ?” – L’Utopie, Thomas More (1516)
“En Utopie, au contraire, où tout appartient à tous, personne ne peut manquer de rien […] ; l’on n’y voit ni pauvre ni mendiant, et quoique personne n’ait rien à soi, cependant tout le monde est riche. Est-il, en effet, de plus belle richesse que de vivre joyeux et tranquille, sans inquiétude ni souci ?” – L’Utopie, Thomas More (1516)