Le mouvement gothique : style ou culture ?
Issu du punk, le mouvement gothique est apparu il y a près de 30 ans au Royaume-Uni. Bien qu’aujourd’hui très dynamique, il a tellement évolué qu’on a du mal à distinguer ceux qui y puisent des racines de ceux qui n’en ont que la panoplie.
Rares sont les lycées qui ne comptent dans leurs rangs quelques élèves gothiques, plus souvent des filles que des garçons d’ailleurs, arborant un « total black look » – quelquefois prétexte à une grande élégance.
L’esthétique gothique n’est d’ailleurs pas une vaine expression, car outre des racines culturelles fortes et indiscutables, le style vestimentaire témoigne lui aussi d’une vraie cohérence derrière les dentelles, les chemises amples, les chaînes et crucifix (toujours argentés, jamais dorés), les ongles bleus ou noirs, le cuir, le vynil, les robes longues, les Doc Martens et enfin le maquillage fortement contrasté.
Une contre-culture ?
Reste que pour une partie des goths, le mouvement se résume seulement au look, qui les a séduit mais dont ils ignorent les soubassements historiques. Car loin d’être un simple style musical et vestimentaire, le rock gothique et ses dérivés reposent sur une grande variété d’éléments culturels et artistiques, qui font de ce mouvement une véritable sous-culture (expression non péjorative !), voire une contre-culture.
Côté rock d’abord, les racines puisent dans des groupes mythiques tels que Bauhaus, Siouxsie & the Banshees, Joy Division (mythique et fondateur du cold rock) puis The Sisters of Mercy ou encore The Cure et bien d’autres, fondateurs d’un courant qui s’inspire du punk en y rajoutant une culture sombre faite de noirceur, de théâtralité, de mélancolie et de romantisme fataliste.
https://www.youtube.com/watch?v=674KGKRQBPEhttps://www.youtube.com/watch?v=xik-y0xlpZ0
A tel point qu’après n’avoir été qu’un avatar du punk, le rock gothique a acquis son existence propre au milieu des années 80 : c’est à partir de là qu’une culture gothique s’est pleinement déployée au-delà de la musique, en revisitant d’autres racines culturelles et littéraires (voir encadré) mais aussi cinématographiques.
Des amalgames avec le métal
Le mouvement va connaître un déclin à la fin des années 80 et dans les années 90, et sa visibilité va aussi souffrir d’amalgames entre le rock métal et le rock gothique, bien que totalement opposés dans l’esprit malgré quelques passerelles (on pense à Killing Joke). La confusion demeure d’ailleurs, car un icône rock tel que Marylin Manson passe parfois pour gothique – il en a les tenues – alors qu’il appartient davantage à la scène métal, dans sa musique comme dans ses délires.
Cette confusion est entretenue par l’adhésion de beaucoup d’ados au style goth, fortement typé, qui permet de se démarquer. Mais, alors que le rock gothique se distingue par son rejet de la société de consommation et, à la différence du mouvement punk, prend de la distance avec une expression violente pour lui préférer la voie des arts, beaucoup de jeunes goths d’aujourd’hui sont bien souvent les deux pieds dans la société de consommation.
Un mouvement littéraire revisité par le rock
Bien avant le mouvement rock, il existe un mouvement de littérature gothique. On doit le terme à un aristocrate anglais érudit du XVIIIe siècle, Horace Walpole, passionné par l’architecture gothique, et auteur d’un roman, « Le Château d’Otrante : Histoire gothique », qui constitue l’acte de naissance d’un genre conjuguant roman noir et fantastique.
Tout au long du XVIIIe siècle et bien après, le mouvement sera animé par de grands auteurs de la littérature anglophone tels que Wordsworth, Walter Scott, Shelley (Dracula), Lovecraft ou encore Keats dans un premier temps, puis par les romantiques du XIXe siècle comme A.E. Poe, voire, côté français, par les auteurs du courant Spleen (Baudelaire).
Enfin, si vous aimez la littérature gothique, sachez que la BnF (Bibliothèque nationale de France) a mis en ligne gratuitement 60 romans gothiques.
Six films gothiques cultes
The Rocky Horror Picture Show (1975)
Nosferatu (1922)
Frankenstein (l’original de 1931 avec Boris Karloff)
L’étrange Noël de M. Jack (1993)
Le cabinet du Docteur Caligari (1920)
The Crow (1994)