Marc Aurèle et la recherche du bonheur
Régulièrement, Vivre au Lycée publie des portraits de philosophes dont les idées et les thèmes sont au programme des épreuves du bac. A la manière d’une fiche pratique, ces portraits résument l’essentiel des faits et idées à retenir en vue de l’examen. Trop souvent méconnu, « l’empereur-philosophe » Marc Aurèle est une figure marquante du stoïcisme qui mérite d’être relu par les temps qui courent…
REPÈRES GÉNÉRAUX
Marc Aurèle est un empereur romain, écrivain et philosophe stoïcien né en l’an 121 et mort en 180 après Jésus-Christ. Si vous avez vu le film Gladiator, eh bien c’est lui qui est assassiné dès le début du film par son fils adoptif Commode.
L’éducation de Marc Aurèle est marquée par la philosophie, qu’il étudie dès sa jeune enfance. Il est influencé par les grandes écoles des traditions grecques et romaines, parmi lesquelles notamment l’Académie (l’école de Platon), le Lycée (l’école d’Aristote) ou encore le Portique (l’école de Zénon). C’est sur les maximes de cette dernière que Marc Aurèle décide, très jeune, de régler sa conduite. L’école de Zénon est une école du stoïcisme, une doctrine qui exhorte à vivre en accord avec la nature et la raison pour atteindre la sagesse et le bonheur.
GRANDES IDÉES
Les Pensées pour moi-même de Marc Aurèle sont une référence majeure de la philosophie stoïcienne. Cet ouvrage est un recueil de pensées et réflexions rédigées entre 170 et 180 par l’auteur, souvent à l’occasion de ses campagnes militaires.
Marc Aurèle n’a pas écrit ses Pensées pour la postérité. D’autres ont retrouvé les liasses de documents recueillant ses réflexions après sa mort et ont décidé d’en copier le contenu.
Comme les stoïciens, Marc Aurèle recherche le bonheur dans l’ataraxie, c’est-à-dire l’absence de troubles et les émotions. Les Pensées illustrent cette recherche du bonheur et donnent des pistes sur les façons de l’atteindre, concrètement. La recherche de la sérénité traverse l’ouvrage.
Le rapport à la mort
La question de la mort est très présente dans l’ouvrage. Elle est en effet la plus angoissante des idées et donc, potentiellement, un frein important à la sérénité. Selon Marc Aurèle, celle-ci ne doit pourtant pas nous inquiéter. Elle entre en effet dans le cours naturel des choses .
“Qu’est-ce que mourir ? Si l’on envisage la mort en elle-même, et si, divisant sa notion, on en écarte les fantômes dont elle s’est revêtue, il ne restera plus autre chose à penser, sinon qu’elle est une action naturelle”. Il ajoute d’ailleurs qu’elle n’est pas seulement une action naturelle mais encore “une œuvre utile à la nature” (livre II, 12).
Puisqu’il est dans notre nature de mourir, il est aussi vain de tenter d’y résister. Le corps est destiné à mourir, on n’y peut rien. Pour se libérer de la peur liée à la mort, il ne faut pas chercher à en fuir la pensée. Il faut au contraire s’y confronter, s’y accoutumer pour mieux accepter notre condition de simple mortel. C’est dans l’affrontement de l’idée de la mort que l’on peut trouver la sérénité puisque penser à la mort nous amène à relativiser la gravité des événements de la vie. Rien n’est grave face à la mort.
“Il est donc d’un homme réfléchi de ne pas, en face de la mort, se comporter avec hostilité, véhémence et dédain, mais de l’attendre comme une action naturelle. Et, de la même façon que tu attends aujourd’hui l’instant où l’enfant qu’elle porte sortira du ventre de ta femme, tu dois semblablement attendre l’heure où ton âme se détachera de son enveloppe”. (livre IX, 3).
Hasard vs destin
Une autre des composantes importantes des réflexions de Marc Aurèle est le rapport au destin. En effet, pour les stoïciens, il n’y a pas de hasard, mais bien un destin. Ainsi, chaque événement est la conséquence d’une cause antérieure, qui est elle-même la conséquence d’une cause antérieure, qui est elle-même… Les choses se produisent donc de façon inévitable puisque les causes antérieures amènent nécessairement à l’événement suivant.
Ce qu’explique Marc Aurèle, c’est qu’il est facile de ressentir de la tristesse quand on imagine que les choses auraient pu être autrement.
Par exemple, si Rex, votre chien, se fait écraser par une voiture, vous serez sûrement très triste à l’idée que les choses auraient pu se dérouler autrement. Si vous étiez allé vous balader quelques minutes plus tôt ou plus tard, si vous n’aviez pas pris ce chemin, etc. En revanche, si vous voyez la mort de Rex comme une conséquence inévitable de tous les faits antérieurs, vous n’avez pas de raison d’être triste puisque cette situation était inévitable, et qu’il n’aurait pas pu en être autrement.
La relation à autrui
“Dès l’aurore, dis-toi par avance : ‘Je rencontrerai un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un insociable. Tous ces défauts sont arrivés à ces hommes par leur ignorance des biens et des maux’” (livre II, 1).
Autrui pourrait également être un frein à ma sérénité. Mais pas selon les préceptes de Marc Aurèle, qui affirme que les autres ne veulent pas faire le mal, que les méchants le font par ignorance et non pas par plaisir. Marc Aurèle défend l’idée qu’il faut accueillir avec sérénité les défauts d’autrui et le mal éventuel qu’il pourrait nous causer. Même si quelqu’un nous cause du mal volontairement, il ne faut pas lui en vouloir puisque, nous l’avons vu, il le fait par ignorance ou bien parce que c’est sa nature d’agir ainsi.
En plus, ressentir de la haine envers quelqu’un, c’est s’assurer de troubler sa propre sérénité, celle vers laquelle tend le sage.
Le grand Tout
Une autre composante centrale de la philosophie stoïcienne est l’idée que le monde est ordonné, déterminé, qu’il est un “cosmos”. Il existe de fait une harmonie entre les corps et entre les causes. Le monde est un grand Tout dont nous sommes une partie, il faut donc l’aimer et le contempler.
Le sage est celui qui a pris conscience du fait que le monde est harmonieux et non pas chaotique. D’ailleurs, pour assurer sa sérénité, l’homme doit rejeter le comportement qui le pousse à se rebeller, à se lamenter ou à refuser les événements. L’important est le regard que l’on porte sur les événements. Ainsi, le sage est celui qui élimine les jugements négatifs susceptibles d’altérer son bonheur.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les Pensées pour moi-même de Marc Aurèle ne sont pas un apport à la philosophie stoïcienne au sens où il n’amène pas d’idées nouvelles. Il partage, dans ses réflexions, comment il met en pratique les préceptes du stoïcisme. L’idée qui transparaît à travers ses réflexions est la quête du bonheur. Celle-ci passe, on l’a déjà dit, par la recherche de l’ataraxie, c’est-à-dire l’absence de trouble et d’émotions.
LE TERME A BIEN COMPRENDRE
Selon le CNRTL, l’ataraxie se définit comme : “Tranquillité, impassibilité d’une âme devenue maîtresse d’elle-même au prix de la sagesse acquise soit par la modération dans la recherche des plaisirs (Épicurisme), soit par l’appréciation exacte de la valeur des choses (Stoïcisme), soit par la suspension du jugement (Pyrrhonisme et Scepticisme)”. Cette notion naît chez les philosophes grecs du mouvement stoïcien.
Les citations
“Celui qui aime la gloire met son propre bonheur dans les émotions d’un autre ; celui qui aime le plaisir, dans ses propres penchants ; mais l’homme intelligent, dans sa propre conduite.” Pensées pour moi-même, Marc Aurèle, livre VI, 50.
“Quand tu devrais vivre trois fois mille ans, et même autant de fois dix mille ans, souviens-toi pourtant que nul ne perd une vie autre que celle qu’il vit, et qu’il ne vit pas une vie autre que celle qu’il perd. Par là, la vie la plus longue revient à la vie la plus courte. Le temps présent, en effet, étant le même pour tous, le temps passé est donc aussi le même, et ce temps disparu apparaît ainsi infiniment réduit. On ne saurait perdre, en effet, ni le passé, ni l’avenir, car comment ôter à quelqu’un ce qu’il n’a pas ?.” Pensées pour moi-même, Marc Aurèle, livre II, 14.
Comprendre en vidéo avec Gianni Bergandi
Le saviez-vous ?
Le règne de Marc Aurèle a été marqué par de nombreux conflits. Pour faire face à l’un de ces conflits pendant lequel des Barbares venaient d’envahir, en nombre accru, la Norique et la Rhétie, il dût faire appel à des volontaires, enrôler des gladiateurs, des esclaves et des troupes mercenaires. Pour financer les équipements, la paye et l’entretien de ces nouvelles recrues, Marc Aurèle refuse de demander aux concitoyens de payer le prix. Il décide donc de faire réquisitionner les richesses de ses palais : vaisselle d’or et d’argent, diamants, rubis, coupes de cristal et autres raretés, et les met aux enchères. La vente dure en tout deux mois et produit assez d’argent pour que l’empereur soutienne une longue guerre sans avoir à solliciter financièrement ses concitoyens.