La cryptographie quantique va-t-elle révolutionner l’espionnage ?
La physique quantique, ça a l’air très compliqué comme ça… et ça l’est ! Mais en s’intéressant à des applications concrètes, c’est tout de suite plus facile à comprendre. La chaîne YouTube Science Etonnante nous explique pourquoi et comment la cryptographie quantique pourrait bien révolutionner le monde… de l’espionnage !
Dans la physique de l’infiniment petit, qu’on appelle aussi physique quantique, on trouve des particules élémentaires : neutrons, protons, quarks, photons…
Eh bien il faut savoir qu’il existe à l’échelle de ces particules un phénomène très étrange qui ne se produit jamais dans la vie comme nous la voyons, c’est-à-dire à notre échelle. Ce phénomène, c’est la superposition d’états. Ça peut paraître très surprenant, mais un objet quantique peut avoir plusieurs états différents en même temps.
Deux positions différentes à la fois
Par exemple, prenons un photon : c’est un grain de lumière. On ne le voit pas à l’œil nu, mais chaque photon est polarisé : cela veut dire qu’il est orienté dans une position soit verticale, soit horizontale.
Du coup, on se dit que si on cherche à observer de très près un photon à un instant précis, il va se trouver dans l’une ou l’autre de ces deux positions. Eh bien, pas toujours… Tant qu’il n’a pas été mesuré, le photon se trouve dans une superposition d’états de polarisation : en clair, il a les deux états à la fois, vertical ET horizontal.
Si on cherche à mesurer cette polarisation, c’est-à-dire tout simplement à la connaître, le résultat sera aléatoire. Il y aura grosso modo une chance sur deux que le photon soit vertical, et autant qu’il soit horizontal.
C’est une des joies de la physique de l’infiniment petit : alors que la physique « classique » est déterministe (les mêmes causes produisent exactement les mêmes effets), la physique quantique est « probabiliste ». Cela veut dire qu’on ne peut pas prévoir dans quel état les particules vont se trouver avant de les avoir observées. Si on refait plein de fois la même expérience de mesure avec exactement les mêmes conditions d’expérimentation et d’observation, on pourra obtenir des résultats différents qui seront fonction de probabilités… et donc du hasard !
L’observation modifie la réalité !
Mais ce n’est pas tout, et c’est là que ça devient intéressant : c’est en mesurant une particule que l’observateur « supprime » son état superposé pour, en quelque sorte, « l’obliger » à choisir un seul état précis – vertical ou horizontal. En plus clair, l’observation modifie l’état des objets quantiques.
Eh bien cette bizarrerie de la physique quantique, on peut s’en servir pour sécuriser des communications. Il faut en effet savoir que quand des ordinateurs s’échangent des informations, cette communication peut être protégée en étant « chiffrée », c’est-à-dire codée. Ça s’appelle la cryptographie. D’ailleurs, celle-ci existe depuis que les messages secrets codés existent, c’est-à-dire au moins depuis l’Antiquité.
Pour crypter un message, on utilise une clé de chiffrement : cela peut être un grand nombre, ou une suite de caractères. Par exemple, on peut imaginer une suite de 26 lettres dans un ordre différent de celui de l’alphabet : en mettant en face de cette suite les lettres de l’alphabet dans le bon ordre, on saura quelles lettres se correspondent pour former les bons mots à partir d’un texte qui ne veut rien dire. C’est ça, une clé de chiffrement.
Dans la pratique de nos ordinateurs au quotidien (toutes les messageries par exemple), cette clé permet de chiffrer (coder) le message lors de son émission depuis un ordi A, puis de le déchiffrer lors de la réception par l’ordi B.
Il existe plein de manières de chiffrer, mais elles ont toutes leurs failles. La plupart, même complexes, peuvent être « cassées », c’est-à-dire qu’on peut trouver leur code, si on a une puissance de calcul suffisante (et du temps, car cela peut prendre des heures ou des jours).
En plus, comme la clé de chiffrement s’échange entre les gens ou les machines qui veulent communiquer, elle peut être interceptée.
L’intercepteur intercepté
Mais grâce à la physique quantique, les machines pourront bientôt s’échanger des clés de chiffrement en étant certaines qu’elles n’ont pas été interceptées.
Le principe est simple : l’un des participants à un échange d’information envoie à l’autre une clé constituée d’une série de photons qui sont dans des états superposés de polarisation. Si un espion essaie d’intercepter la communication pour voler la clé, il devra mesurer l’état de polarisation des photons… Ce qui va modifier cette polarisation ! Or cette modification pourra être détectée, ce qui va avertir les participants que la clé a été « lue » par une tierce personne, donc interceptée.
Qu’est-ce que ça va changer dans le futur ? Les serveurs de messagerie pourront être plus fiables pour protéger nos comptes, et les hackers, comme les espions, vont avoir plus de fil à retordre pour intercepter des communications sensibles.
Mais en pratique, comment fait-on pour créer des photons superposés ? Eh bien des chercheurs y travaillent ! Et particulièrement en France, qui est très bien placée dans ce domaine, qu’on appelle la photonique.
Si vous aimez les sciences et les maths, ça ne vous dirait pas de vous lancer dans ce domaine ? Les débouchés sont prometteurs !
Fabien Cluzel
Les technologies de communication quantique sur Science étonnante
Quantique, qu’est-ce que ça veut dire ?
Le mot quantique vient du terme quantum – au pluriel des quanta. Un quantum, c’est la plus petite quantité d’énergie indivisible observable dans la nature. Tout ce qui nous entoure est formé d’atomes et de particules élémentaires, elles-mêmes constituées de quanta, c’est-à-dire de milliards de milliards de petites quantités d’énergie en mouvement permanent.