Dater un objet en observant son taux de radioactivité ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est une technique courante, utilisée en archéologie, climatologie, ou encore en agronomie et en océanographie. David Louapre, animateur de la chaîne Science Etonnante nous aide à y voir plus clair et à comprendre comment un atome peut nous aider à clarifier l’histoire.
De quoi les atomes sont-ils faits ?
Si vous avez bien suivi vos cours de Physique-Chimie, vous devriez connaître la structure d’un atome. Mais un rappel n’est jamais superflu.
Vous n’êtes pas sans savoir qu’un atome est composé de protons et de neutrons, qui forment le noyau atomique, et d’électrons qui orbitent autour de ce noyau.
Dans l’état de base, le nombre de protons est égal au nombre d’électrons et c’est ce nombre qui détermine la nature chimique de l’atome. C’est ce même nombre qui se trouve en haut de chaque élément dans le tableau périodique. Ici, par exemple, avec deux protons, on a de l’hélium.
Et les neutrons dans tout ça ? Si le nombre de protons et d’électrons reste le même pour un atome, son nombre de neutrons peut varier. Ces différentes configurations de l’atome, on les appelle des isotopes.
Par exemple, pour un atome d’hélium, qui a donc deux protons, son nombre de neutrons peut varier entre un et huit, ces huit configurations étant autant d’isotopes différents du même élément qu’est l’hélium. Alors, est-ce qu’il existe tous les isotopes possibles pour chaque atome ? Non ! En pratique, seuls quelques isotopes existent pour chaque élément, dont la plupart sont instables. Instables signifie ici que ces isotopes finissent forcément par se transformer en autre chose. Si l’on prend l’exemple de l’hélium : l’hélium 6 est composé de deux protons et de quatre neutrons. Cet isotope est instable, donc, au bout d’un moment, un des neutrons va se transformer en proton en émettant un électron, transformant l’atome d’hélium en lithium (puisque le nombre de protons n’est plus le même).
Désintégration radioactive
Lorsqu’une transformation se fait dans le cas d’un isotope instable, les particules et rayonnements émis peuvent provoquer des dommages aux cellules vivantes ou aux matériaux. C’est ce qu’on appelle la
désintégration radioactive. Si vous prenez une quantité donnée d’isotopes radioactifs (donc instables) d’un même élément, au bout d’un moment (et ça paraît plutôt logique), les noyaux de la moitié d’entre eux se seront désintégrés. Vous n’aurez donc plus que la moitié de la quantité de départ : c’est ce qu’on appelle la
demi-vie de l’isotope.
David nous propose l’expérience de pensée suivante : si l’on prend mille atomes d’oxygène 15, on sait qu’au bout de dix secondes, 5 % de ses noyaux en moyenne vont se désintégrer, il en restera donc environ 950. Attendez encore dix secondes, et encore 5 % des 950 noyaux se seront désintégrés, et ainsi de suite. Vous avez compris l’idée. Puisqu’il y a de moins en moins d’atomes à mesure qu’ils se désintègrent, il y a aussi de moins en moins de désintégration (oui, c’est logique puisque les 5 % s’appliquent à un nombre de moins en moins important). Lorsque la moitié du tas initial a disparu, c’est là qu’on parle de demi-vie. Pour l’oxygène 15, cette demi-vie est d’environ 120 secondes.
La désintégration des atomes n’est pas une question d’âge ou d’environnement. C’est complètement aléatoire. On ne prédit pas à partir de combien de temps un atome en particulier devrait se désintégrer, mais on prédit la probabilité de désintégration de l’ensemble. En fonction des isotopes, les demi-vies sont très variables : la demi-vie de l’iode 123 est de 13 heures alors que celle de l’Uranium 238 est de 4,5 milliards d’années.
Et le carbone 14 dans tout ça ?
Parmi les isotopes du carbone, on a le carbone 12 (le plus présent, qui représente 99 % du total du carbone présent sur Terre) et le carbone 13 (1 % du total), qui sont deux isotopes stables. Et, parmi les isotopes instables du carbone, il y a le fameux carbone 14. Sa demi-vie est de 5 730 ans (donc, avec 1 000 atomes de carbone 14 au départ, il faudra attendre 5 730 ans pour ne plus en avoir que 500).
Si on peut calculer le taux de carbone 14 dans quelque chose, il semble alors possible de mesurer l’âge de ce quelque chose : moins il lui reste de carbone 14, plus il doit être vieux.
Pour cela, il nous faut déjà connaître la quantité de carbone 14 présente au départ. Ca tombe bien, parce que c’est le cas. En effet, on sait que le carbone 14 est produit en permanence dans l’atmosphère et que le taux de carbone 14 présent dans le CO2 de l’atmosphère reste à peu près constant.
Un organisme vivant contient donc du carbone 12 et du carbone 14, dont le taux reste constant grâce aux échanges avec l’atmosphère, et ce tant que l’organisme est vivant. A la mort de l’organisme, le carbone 14 n’est plus renouvelé et sa quantité commence à décroître. La datation au carbone 14 nous permet donc de savoir depuis quand la matière qui compose un organisme n’est plus vivante.
Le pouvoir de tout dater ?
En mesurant le taux de radioactivité de quelque chose, on peut donc savoir avec assez de précision depuis quand ce quelque chose ne renouvelle plus son taux de carbone 14 et donc depuis combien de temps ce quelque chose n’est plus vivant. La datation au carbone 14 a donc ses limites.
Déjà, il faut que ce quelque chose qu’on souhaite dater soit initialement un organisme vivant (animal, plante, bout de peau, etc.). Ensuite, même si la demi-vie du carbone 14 est de 5 730 et que c’est déjà bien pratique pour dater un certain nombre de choses, ce “chronomètre” ne nous permet pas de dater des objets de plus de 50 000 ans, âge au-delà duquel les taux de carbone 14 présents sont trop minimes pour pouvoir être observés.
Avec ça, vous êtes en mesure de comprendre le fonctionnement général de la datation au carbone 14. Pour en savoir plus sur ses applications et ses limites, la suite se trouve en vidéo, sur la chaîne
Science Etonnante !
Fanny Aici