La matière noire et l’énigme de la masse manquante
Si vous aimez vous plonger dans les grands mystères de l’univers, celui-ci devrait vous plaire : la matière ordinaire, celle qui vous compose, qui compose les étoiles et les amas de galaxies, ne représente que 5% du contenu de l’Univers. Celui-ci est rempli d’une autre sorte de matière, la matière noire, qu’on ne peut pas voir, et dont la nature nous échappe…
Si on ne peut pas la voir, comment savons-nous que la matière noire existe ? Pour comprendre, il nous faut faire un rappel important : avec la loi de la gravitation universelle de Newton, on peut relier la vitesse d’une planète à sa distance au Soleil ; et en connaissant la vitesse et la distance des planètes, on peut déduire la masse du Soleil.
Prédire l’existence de la matière noire
En 1933, l’astronome Fritz Zwicky fait des calculs similaires mais adaptés à l’échelle d’un amas de galaxies. Faisant les calculs pour l’amas de galaxies de la Chevelure de Bérénice (aussi appelé amas de Coma), il y trouve une masse complètement incompatible avec la quantité d’étoiles qu’il y observait. Il en conclut qu’il doit nécessairement exister une matière invisible qui exerce une attraction gravitationnelle suffisante pour maintenir les galaxies proches les unes des autres. Ses calculs vont rester une simple curiosité pendant plusieurs décennies. C’est dans les années 70 que le concept de matière noire émergera pleinement, notamment avec les travaux de Vera Rubin, qui mettra en évidence de manière indiscutable qu’au sein des galaxies, il y a un problème de masse manquante.Le problème de la masse manquante
Considérant les masses des galaxies et des amas de galaxies, celles-ci devraient s’éloigner les unes des autres à une certaine vitesse, que l’on a pu établir théoriquement. Mais ce que les scientifiques ont constaté, c’est que celles-ci ne s’éloignent pas du tout aussi vite les unes des autres que nos théories le prévoient ! Les galaxies et les amas de galaxies tournent à une vitesse telle que la matière observable qu’elles contiennent ne devrait pas les tenir ensemble. Autrement dit, la gravité qui les maintient ensemble ne peut pas être due uniquement à la force de gravitation qu’exerce la matière observable. Si la matière ordinaire ne suffit pas à expliquer le phénomène de gravité qui maintient les galaxies et les amas de galaxies ensemble, les scientifiques sont persuadés qu’un élément invisible intervient, qui leur donne une masse supplémentaire : la matière noire. Celle-ci n’interagit pas avec la force électromagnétique, contrairement à la matière ordinaire, elle n’interagit donc pas avec la lumière et n’en émet pas. On ne peut pas la voir. Ce qui la rend, bien entendu, très difficile à détecter. Son surnom de “matière noire” ne fait donc pas référence à sa couleur, mais bien au fait que l’on ne peut pas la voir, et aussi au fait qu’on ignore sa composition.Une composition mystérieuse
On sait désormais ce que la matière noire n’est pas. Elle n’est pas de la matière ordinaire, aussi appelée matière baryonique (composée des particules du modèle standard de la physique des particules). Elle doit donc être constituée d’éléments de matière non-baryonique. La théorie la plus admise est qu’elle est composée de particules élémentaires, qu’on appelle ici spécifiquement des WIMP, pour Weakly Interactive Massive Particles (particules massives à faible interaction). Les candidats potentiels sont nombreux : neutrinos (différents de ceux que l’on connaît qui appartiennent au modèle standard de la physique des particules), axions, pépites des quarks… Certains chercheurs envisagent même des particules cachées dans d’autres dimensions. Quelle que soit sa composition, la matière noire représente une part très importante de notre univers. En effet, il y aurait cinq fois plus de matière noire que de matière ordinaire !L’hypothèse de la matière noire froide
Jusqu’ici, on observait les effets de la matière noire dans des amas de galaxies ou dans de très grandes galaxies. La matière noire y est présente sous forme d’amas. Or, elle était introuvable dans des galaxies de plus petites échelles : il semblait donc qu’il n’existait pas de petits amas de matière, seulement des gros. Pour expliquer l’absence de ces petits amas, la théorie de la matière chaude a été avancée. Celle-ci prévoit que la matière noire soit composée de particules chaudes et donc très rapides, trop rapides pour avoir le temps de se composer en petits amas. Or, une découverte annoncée par la NASA le 8 janvier 2020 remet sur le devant de la scène la théorie de la matière noire froide, composée de particules lentes. En effet, le télescope spatial Hubble a réussi un tour de force et a mis en évidence la présence de petits amas de matière noire dans de petits galaxies. Les observations de l’équipe d’Hubble fournissent, selon la cheffe de projet Anna Nierenberg “les preuves les plus solides à ce jour de la présence de petits amas de matière noire”. Bref, la connaissance progresse, mais le mystère résiste ! Fanny AiciPour en savoir plus, Vivre au Lycée vous recommande :