Les troublants trous noirs (2/2)
D’où viennent les trous noirs ? Quel est leur destin ? La physique actuelle nous en offre une bonne compréhension, même si nombre de questions autour de ces astres célestes restent sans réponses…
Dans la première partie de cet article, nous avons discuté de la notion de vitesse de libération. En 1783, l’anglais John Michell comprend que si l’on tire un boulet de canon en l’air, il sera ralenti par la gravité et finira par retomber. Mais, si celui-ci dépasse la vitesse de libération, il pourrait se soustraire à l’attraction terrestre et poursuivre sa route dans l’espace.
Michell se dit alors que certaines étoiles, si elles sont très massives, pourraient avoir une vitesse de libération supérieure à celle de la lumière. Ces étoiles, qui nous seraient alors invisibles, il les appelle des étoiles noires.
Qui a fait naître les trous noirs ?
C’est en 1967 que John Wheeler (célèbre physicien-théoricien américain) forge le terme de trou noir. Ces objets célestes qu’il nomme ainsi ont été prédits dans les années 1930 par les théories d’Einstein et de Schwarzschild. Ils ne résultent pas du même raisonnement que les étoiles noires de John Michell mais sont une conséquence de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Lorsqu’une étoile est active, il existe un équilibre entre la gravité (qui tente de la faire s’effondrer sur elle-même) et la pression thermique due aux réactions nucléaires qui s’y produisent et qui convertissent de l’hydrogène en hélium (pour en savoir plus sur la naissance et la vie des étoiles, lire Une étoile comment ça marche ?). Quand l’étoile a, en quelque sorte, usé tout son carburant, la pression thermique n’est plus assez importante pour contrer la gravité. Alors, plusieurs scénarios sont possibles. Dans certains cas, si l’étoile est assez massive (trois fois la masse du Soleil, au moins), une explosion gigantesque aura lieu qui projettera les couches externes de l’astre dans le milieu interstellaire, tandis que son cœur se comprimera et deviendra si dense qu’il formera un trou noir.Un géant au cœur de notre galaxie ?
Ces trous noirs dont nous venons de parler, ce sont des trous noirs stellaires, qui résultent de l’effondrement gravitationnel d’une étoile. S’ils semblent impressionnants, ils ne sont que bien modestes face aux trous noirs supermassifs. Si les trous noirs stellaires ont une masse minimale de trois fois la masse du Soleil, la masse des trous noirs supermassifs peut varier de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires ! On en trouve au coeur de la majorité des grandes galaxies. Et figurez-vous qu’un de ces géants est au cœur même de la nôtre. Notre trou noir supermassif se nomme Sagittarius A* (prononcez A star) et pèse près de 4 millions de masses solaires. Mais d’où ces géants peuvent-ils bien venir ? On n’en est pas tout à fait sûrs, mais la théorie standard voudrait qu’ils se forment lors de la collision de galaxies.Miroir, miroir, dis-moi où est ce trou noir
Vous vous demandez peut-être comment on fait pour observer des trous noirs, sachant qu’on ne peut pas les voir. La première façon d’observer un trou noir, c’est de le faire indirectement. En effet, si on ne peut pas voir le trou noir en lui-même, on peut par contre observer ses effets, comme des objets célestes qui semblent avoir une trajectoire étrange mais qui gravitent en fait autour dudit trou noir. Il faut savoir aussi que lorsque de la matière chute vers un trou noir, celle-ci forme un disque tournoyant autour du trou noir, qu’on appelle un disque d’accrétion. Ce disque rayonne de grandes quantités d’énergie ultraviolette, qu’on peut alors observer. C’est d’ailleurs souvent comme ça qu’on détecte un trou noir stellaire ou supermassif.Les trous noirs s’évaporent
En 1974, Stephen Hawking montre que les trous noirs émettent un faible rayonnement, qu’on appelle le rayonnement de Hawking. C’est un peu complexe mais, pour faire simple, la physique quantique prévoit qu’il existe des paires particules-antiparticules correspondantes qui apparaissent spontanément et s’annihilent très vite. Si l’énergie du trou noir crée une paire particule-antiparticule à proximité de l’horizon des événements, une des particules de la paire peut s’échapper tandis que l’autre tombe à l’intérieur. Elles ne peuvent donc pas s’annihiler. Pour un observateur extérieur, le trou noir aura l’air d’émettre un rayonnement. Le trou noir perd ainsi de la masse, sa taille diminue : on dit qu’il s’évapore. Certains physiciens, dans le cadre de la théorie de la gravité quantique à boucles, travaillent sur l’étude d’une fin possible de vie pour les trous noirs : les trous blancs, qui correspondraient également à certaines solutions des équations de la relativité générale. Ils seraient comme des trous noirs, mais évoluant à l’envers. Ainsi, là où la matière ne peut s’échapper d’un trou noir, aucune matière ne pourrait pénétrer dans un trou blanc. La matière qui se serait accumulée dans le trou noir ressortirait de l’astre lorsqu’il se transforme en trou blanc… Une fin, somme toute, assez grandiose… F.A.Gargantua, star d’Interstellar
Le film Interstellar a été réalisé avec le célèbre physicien Kip Thorne : ce prix Nobel de physique est l’un des plus grands spécialistes mondiaux de l’astrophysique des trous noirs, et a été le conseiller scientifique du réalisateur du film, Christopher Nolan. Le résultat est tel que le trou noir du film, Gargantua, est le plus réaliste jamais réalisé de l’histoire du cinéma, et même des simulations scientifiques. L’exigence de Kip Thorne était que rien dans le film ne devait violer les lois de la physique. Même là où la physique actuelle ne détient pas les réponses, lui et Nolan s’en sont tenus à des spéculations scientifiquement correctes. Ce travail a été si précis que Kip Thorne a déclaré avoir découvert des choses en travaillant sur le projet, notamment que l’effet de lentille gravitationnelle n’avait pas encore été étudié aux abords des trous noirs autres que mobiles. Alors, si vous voulez vous faire une idée de l’apparence d’un trou noir et passer un bon moment, vous avez la solution !