Sciences : et si on était tous des lumières… en jouant ?
Qu'est-ce que la lumière ? Comment rythme-t-elle notre quotidien ? Comment la partageons-nous ? Depuis le mois de janvier, de nombreux collégiens et lycéens toulousains ont pu s'éveiller à la nature, la fonction, les effets de la lumière, mais sous une forme originale : en s'immergeant dans l’escape game Luminopolis, venu de Cap Sciences à Bordeaux jusqu'au Quai des Savoirs à Toulouse. Une manière ludique de réviser des notions de physique que l'on aborde depuis le collège.
« Go, go, go ! » Simon, Erwan, Thomas, Enzo et Maxence, cinq des 56 élèves du collège de Bessières (Haute-Garonne) rassemblés aujourd'hui au Quai des Savoirs à Toulouse, sont en mode escape game. Oui, mais en pleine exposition scientifique consacrée à la Lumière, au programme d'ailleurs de physique-chimie en 4e dont ils font partie, et accompagnés de leurs profs !
Cette expo, venue de Bordeaux - et la première visiblement à avoir été imaginée en 2017 en mode escape game en France - est à Toulouse jusqu'en septembre prochain, date à partir de laquelle elle émigrera à Rouen. Jouer ici est un prétexte pour apprendre en s’amusant. Mais, ne nous y trompons pas, l'exposition est très sérieuse. Elle a d'ailleurs été conçue avec des chercheurs, spécialistes en physique, physiologie, astrophysique et en interactions lumières-molécules.
Une installation immersive qui s’inspire des jeux vidéo
La façon dont a été pensée l'expo correspond bien à la philosophie que l'on cherche à donner à ce lieu dédié à la culture scientifique, technique et industrielle : amener des ados et des jeunes adultes à la culture scientifique en « adoptant les codes de la culture d'aujourd'hui ». Des codes qui leur parlent, résume le directeur du Quai des Savoirs, Laurent Chicoineau : avec « l'expérientiel » d’abord, qui consiste à immerger les participants dans un décor, une ambiance et une mise en scène interactive. Et avec la culture digitale et les référentiels du design contemporain, tout en sensibilisant aux enjeux du 21e siècle.
L'expo n'est donc pas que « gamifiée » : elle utilise des outils modernes et inédits s'appuyant sur le numérique, comme les plaques que les joueurs doivent accoler à chaque station pour démarrer l'énigme, recueillir des indices, entrer le ou les mots qu'ils trouvent... Articuler le jeu et le numérique pour accéder à la culture scientifique, c'est sans nul doute effectivement être dans l'air du temps, ce qu'a bien compris le directeur. « Ce qui nous a beaucoup plu dans Luminopolis, c'est l'immersivité dans l'installation, qui s'inspire des codes des jeux vidéo, de l'art numérique. L'expo répond ainsi aux objectifs d'éveil de la curiosité, de transmission des savoirs, et elle attire des jeunes. »
« Ce qui est intéressant, c'est d'apprendre à chercher ! »
L'une des enseignantes, Carine d'Antona, professeure de maths, constate que l’espace game a été l'occasion d'apprendre sans s'en rendre compte. « Ils n'ont pas vu ça comme une réflexion sur leurs connaissances, mais comme quelque chose de ludique. Globalement, ils se sont régalés. » Romane et Ambre, deux autres élèves, confirment : « on a aimé le côté jeu, et en plus on n'a pas forcément besoin d'avoir des connaissances. Ce qui est intéressant, c'est d'apprendre à chercher ! »
L'intérêt se poursuit au-delà de la période d'immersion dans l'expo, car l’enseignante rapporte aussi que ceux qui n'avaient pas compris certaines énigmes ont voulu comprendre une fois rentrés au collège. Ce qu'ils ne font pas nécessairement une fois qu'un chapitre du programme est clos dans l'année…
Carine d'Antona avait d'ailleurs déjà adopté dans sa classe, cette année, ce principe de jeu et de challenge. D'abord en ayant conçu elle-même et testé sur des 3e une sorte d'escape game à la rentrée dernière pour faire réviser des notions de 4e. Ensuite, en ayant fait participer en mars dernier ses élèves au rallye des maths organisé depuis presque 30 ans dans l'académie de Toulouse.
Un principe qu'elle compte bien réutiliser pour « réinvestir » régulièrement les notions apprises, parce que « les élèves, vraiment émoustillés, jouent vraiment le jeu », et que c'est sans nul doute « moins rébarbatif de revoir des notions de cette manière qu'en mode révision ». « C'est important de passer par des moyens détournés », poursuit-elle. « Quand ils arrivent en 6e et disent 'de toute façon moi je suis nul', ça m'agace un peu. Il faut partir avec des actions positives, plus fun, et essayer par le biais du jeu de leur apprendre des notions qui semblent rébarbatives ou complexes. De cette manière, au premier abord, ils n'ont pas l'impression de faire des maths. Et le challenge leur donne envie de trouver : c'est plus stimulant et en plus il n'y a pas de notes à la fin ! »
Les émotions, importantes pour apprendre
C’est important d'aborder les choses autrement, confirme de son côté Laurent Chicoineau, car « au 21e siècle, le rapport à la science est très différent, il ne passe pas que par la littérature et on se rend compte que les émotions sont importantes dans l'apprentissage. » Et c'est aussi un moyen de « développer l'esprit critique ».
Jeux et challenges permettent aussi de proposer des expériences « dans un contexte ouvert à d'autres compétences », remarque encore l'enseignante. Car il faut jouer en équipe, donc oser parler, échanger, défendre son idée... pour gagner. « La méthode de recherche en groupe, dans un temps limité, le partage d'informations, de coopération, peuvent valoriser des élèves plus timides ou en difficulté », observe-t-elle. Et les gagnants, du coup, ne sont pas nécessairement les « meilleurs » en classe...
Camille Pons
Une expo sur l'alimentation dans le même esprit pour 2019-2020
Cette expo, imaginée à l'origine par Cap Sciences à Bordeaux en 2017, va se balader dans toute la France. Une nouvelle expo, sur l'alimentation cette fois-ci, sera lancée en décembre prochain au Quai des Savoirs de Toulouse. Elle sera conçue dans le même esprit que Luminopolis : avec des scientifiques, mais en plus des auteurs de science-fiction. Et elle répondra aussi à un autre objectif que se fixe le Quai des Savoirs, se pencher sur les enjeux de société et l'actualité. Ainsi, de la même manière que l’expo dédiée à la Lumière aborde sa nature physique, son impact ou la façon de l'utiliser et de s'en protéger, l'alimentation se penchera sur les usages, l'écologie, etc.