Dans l'académie de Nice, au lycée Maurice Janetti, le développement d'usages numériques a été
mis au service de l'apprentissage, mais aussi du travail collaboratif et du partage. Et l'aventure a
commencé sur un air de musique...
«
À vous de jouer ». Ça, c'est ce que les quelques 1 800 élèves du lycée polyvalent Maurice Janetti
et les 230 adultes qui y travaillent, à Nice, peuvent lire à l'entrée de leur établissement.
L'affiche est scotchée à un piano qui a la même fonction que ceux que l'on retrouve en libre accès
dans les halls de gare ou d'aéroport : partager, et donc s'arrêter pour pianoter quelques notes, ou
jouer un air de musique dans un lieu où des personnes très différentes ne font souvent que
passer. L'initiative, pas courante dans un lycée, on la doit à son ex-proviseure, Jocelyne Girault, qui
adorait d'ailleurs prendre le train...
A l’arrivée, les bienfaits sont bien concrets :
- plaisir de jouer : le piano est d'abord utilisé par des pianistes confirmés
- désir d'apprendre : après quelques semaines, d'autres lycéens, personnels, visiteurs,
installent leur téléphone portable ou une tablette à l'emplacement des partitions et
apprennent à jouer avec des méthodes en ligne
- envie de partager : des élèves s'improvisent professeurs pour aider les débutants, des
discussions entre adultes et jeunes s'engagent autour du cinéma dès que se jouent des
musiques de films...
Mais l'instrument fait écho surtout à tout ce qui a été développé ici, notamment via le numérique,
pour jouer sur la motivation des élèves et contribuer à améliorer le climat scolaire. Ainsi, à l'instar
de ce lieu banal, un hall, devenu un lieu d'expression artistique et de rencontre des élèves et des
personnels, de multiples usages numériques ont aussi contribué à adoucir les mœurs.
Le numérique décliné en partitions
Ainsi, en sept ans, l'ancienne proviseure a vu l'établissement se transformer : une dotation de la
Région a permis d'équiper chaque classe d'un ordinateur et d'un vidéoprojecteur ; elle a été suivie
par l’arrivée d'outils nomades, comme des tablettes, d'un ENT et de la formation des enseignants
aux outils et pratiques. Ce qui a permis le développement d'usages tels que :
- la classe inversée : avant le cours, les élèves consultent des cours, des documents écrits, audio,
vidéo à domicile puis, en classe, on débat, on approfondit les connaissances, on fait des exercices
- le partage de cours et d’exercices sur la plateforme Moodle
- l'utilisation du logiciel Kahoot, un outil de création de quiz et de QCM interactifs, pour faire des
révisions.
Les élèves ont également été amenés à s'approprier les outils numériques, et ce du CAP à la
terminale, dans toutes les filières, pour des présentations orales, des exposés, de manière à
«
rendre le travail plus attrayant ». Une autre façon de travailler avec des élèves éloignés, sportifs
de haut niveau en compétition à l'autre bout du monde, mais aussi avec des élèves malades, a
également pu être mise en place.
Une combinaison d'atouts. «
Non seulement on ne se contente plus de la seule intimité de la classe,
mais on a en plus suscité le regard intéressé des élèves qui ont besoin de cette mixité d'approches :
d'un temps d'écrit, d'un temps numérique, d'un temps de manipulation, d'un temps de parole... »,
commente encore Jocelyne Girault.
Un COOL L@B pour présenter les projets « connectés »
Enfin, le numérique a été au centre d'une initiative originale, le COOL L@B, instauré en 2018 à
l'occasion de la semaine de l'industrie organisée autour du thème de l'industrie connectée. Le
nom, Connected Objects Laboratory, désigne un événement qui a permis à des équipes de lycéens
des filières S Sciences de l'ingénieur et STI2D spécialité Systèmes d'information et numérique, de
présenter durant une journée les projets qu'ils ont réalisés pour le bac.
Un double challenge pour ces derniers : les exposer à des adultes « experts », des partenaires de
l'établissement représentants d'entreprises et d'institutions, mais aussi à des élèves de collège et
de CM2. Ces derniers ont pu ainsi découvrir, parmi leurs projets :
- une canne connectée conçue pour rendre autonome dans le lycée une camarade
déficiente visuelle,
- un casque connecté qui, en cas de choc en moto, au ski ou à vélo, alertait sur la force de
l'impact, la localisation, et communiquait la carte santé de la victime,
- une application qui permettait de veiller sur une ruche à distance.
L'événement a eu une double plus-value : mettre en avant des innovations numériques imaginées
par les lycéens eux-mêmes, et utiliser le numérique pour les présenter. Bref, un super
entraînement pour les présentations à venir pour le bac. Non négligeable car, comme le souligne
encore Jocelyne Girault, «
on progresse mieux ainsi, en terme d'assurance notamment, qu'en
répétant tout seul ».
De moins en moins d'élèves de côté
Résultat ? Ces développements «
croisés » permettent de laisser «
de moins en moins d'élèves de
côté, en donnant la possibilité à ceux dont la prise de notes est insuffisante de récupérer par
exemple une 'photo' du cours en ligne ». C'est aussi un moyen «
de susciter l'enthousiasme et donc
de donner envie d'apprendre », assure encore l'ex-proviseure. «
Le mot clé, c'est la
différenciation », commente de son côté l'actuel proviseur adjoint, François Royer. «
Le numérique
permet ça : les élèves peuvent recommencer, alors que dans une dynamique de classe, ils
décrocheraient. Là, le prof peut assurer un suivi individuel ».
Le piano, les usages numériques, le COOL L@B , même « combat » ? Oui, résume Jocelyne Girault :
«
être ambitieux pour tous ». «
On recherchait quelque chose qui donne du rythme, rende les élèves
actifs, curieux, qui donne du sens à ce qu'ils faisaient et on est allé même au-delà de ce que l'on
imaginait. »
Le développement du numérique ne s'est pas arrêté avec le départ de la proviseure : il se poursuit
avec l’installation de nouvelles bornes WI-FI dans différents bâtiments (24, alors qu'actuellement il
n'y en a qu'une), d'une classe mobile pour diversifier les modes de travail, et aussi d’une webradio.
Ce dernier projet est particulièrement intéressant, selon le proviseur adjoint, puisqu'il va
notamment permettre «
de travailler l'oral, alors que c'est rare en cours traditionnel ». Et
l'ensemble des chantiers permettra de poursuivre les objectifs de départ : «
favoriser davantage
d'interactions et la collaboration et accélérer les conditions qui font émerger la créativité ».
Ça ne vous donne pas envie d’aller passer votre bac à Nice ?
Camille Pons